FREE PALESTINE
29 avril 2012

La « bataille des ventres vides » a commencé

Khader Adnan dit aux grévistes de la faim :

« Persévérez jusqu’à la victoire ! »

samedi 28 avril 2012 - Fadi Abu Saada - Al-Akhbar

 
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Khader Adnan, ancien prisonnier palestinien en Israël et gréviste de la faim, est accueilli le 18 avril 2012 par les habitants de son village de Arraba près de Jénine, en Cisjordanie occupé - Photo : AFP/Saif Dahlah

Fadi Abu Saada : Pourquoi avez-vous décidé de vous mettre en grève de la faim le jour de votre arrestation ?

Khader Adnan : Je l’ai décidé pour quatre raisons principales. La première concerne la période qui a précédé ma détention. On a essayé plusieurs fois de m’arrêter sous couvert de convocations par les services secrets. Mais j’ai refusé de m’y rendre. Je n’ai aucune envie d’être humilié et d’être obligé de regarder Israël faire étalage de sa force.

Le seconde raison est que j’ai été maltraité pendant mon arrestation, y compris physiquement attaqué par les gardiens de la prison.

La troisième raison est le type et les méthodes d’interrogatoire.

La quatrième et dernière raison est que j’ai été plusieurs fois mis en détention administrative sans raison. Ma rejection de la détention administrative est le complément direct de ma réjection de l’occupation elle-même et de ma quête pour retrouver la dignité qui nous a été volée par les Israéliens.

FAS : Qu’est-ce qu’on appelle détention administrative ?

KA : Je crois que c’est l’Angleterre qui est à l’origine de cette forme de détention. Elle a été instituée pendant le Mandat Britannique sur la Palestine, Ils appelaient cela des "lois d’urgence".

Cela commence par une lettre du responsable des services secrets d’une région donnée au commandant militaire de cette région pour lui demander d’arrêter une personne donnée sur la base "d’informations secrètes" qui ne peuvent être divulguées. Cela signifie en clair que "ces informations viennent d’un collaborateur de l’occupation."

La détention peut être prolongée plusieurs fois. Dans le cas des frères Mohammad Jaradat, Usama Barham, et du martyre Ayman Daraghmeh, elle a duré 5 ou 6 ans. Le prolongement de la détention est une épée de Damoclès suspendue au dessus de chaque détenu et de sa famille. C’est une torture psychologique sans équivalent et le pire est que le détenu et sa famille savent qu’il est impossible de savoir quand le détenu sera libéré.

FAS : A quoi passiez-vous vos journées pendant votre grève de la faim ?

KA : Je n’ai pas seulement arrêté de manger, j’ai aussi fait voeu de silence pendant plus de 20 jours et je n’ai pas pris de douche pendant 65 jours.

J’ai beaucoup prié et lu le Coran quand je pouvais en avoir un exemplaire. Je n’ai jamais dormi pendant la journée. les gens trouvaient cela étrange mais je préférais dormir la nuit et me réveiller pour la prière du matin.

La fouille quotidienne a toujours été "amusante" parce que j’avais l’habitude de confronter les gardiens de prison qui la faisaient.

FAS : Comment ont-ils fait pression sur vous pour vous forcer à arrêter la grève de la faim ?

KA : Essentiellement en me transportant d’un hôpital israélien à l’autre pour des examens. D’abord ils m’ont emmené à l’hôpital de Ramleh plus à "Tal al-Rabi" à Tel Aviv, puis à Jérusalem occupée puis à Safed, puis à nouveau à Ramleh en isolement. C’était épuisant.

Puis ils ont transformé les hôpitaux où ils m’emmenaient en tribunal pour me juger.

La principale méthode qu’ils utilisaient contre moi, c’était de m’isoler du monde extérieur et de mettre trois ou quatre gardiens dans ma cellule pour faire pression sur moi.

Ils ont attaché une de mes mains et un de mes pieds pendant des heures et refusaient de me détacher pour aller aux toilettes. Ils disaient que c’était pour que je ne puisse pas m’échapper alors qu’il n’y avait pas de fenêtre ni de sortie nulle part.

Les soldats d’occupation ont essayé de me provoquer en transformant ma cellule en "restaurant" plein de toutes sortes de nourritures appétissantes.

Ils ont essayé de briser ma volonté mais j’ai résisté, grâce à Dieu.

FAS : Ont-ils menacé votre famille et vos amis ?

KA : Oui, un officier des services secrets est venu me dire : "Dites bonjour à votre père". Il m’avait dit la même chose quand ils étaient venus m’arrêter une fois précédente. Ils m’ont menacé d’arrêter toute ma famille et mes amis et ils ont d’ailleurs arrêté quatre de mes amis dans ma ville, Arrabeh, quelques jours avant de me libérer.

Mais cela ne suffit pas aux soldats de l’occupation. Ils criminalisent tous ceux qui parlent de moi et de mon expérience.

le meilleur exemple est ce qui vient d’arriver au Mufti de Jérusalem, Mohammed Hussein, parce qu’il avait parlé de moi dans son sermon à la mosquée al-Aqsa.

Le gouvernement israélien l’a accusé de trahison comme si c’était un crime de simplement parler de moi.

FAS : Que pouvez-vous dire aux 2000 prisonniers qui ont suivi votre exemple et qui sont maintenant dans leur seconde semaine de grève de la faim ?

KA : Je leur dis, persévérez et avec la grâce de Dieu vous vaincrez. Vous appelez votre combat "la lutte pour la dignité" alors ne laissez pas tomber vos familles et les autres prisonniers. Continuez jusqu’à ce qu’on vous accorde ce que vous avez demandé.

Une grève de la faim est de la plus haute importance, il s’agit de notre destin. Nous supplions Dieu de nous accorder la victoire.

Je conclus mon message en disant, ne lâchez pas la bannière des huit chevaliers, surtout Bilal Diab et Thaer Halahla. Cela fait 58 jours qu’ils ne mangent pas et qu’ils continuent la lutte de Sheikh Khader, Hana Shalabi et des autres.

25 avril 2012 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Info-Palestine.net - Dominique Muselet
 
La « bataille des ventres vides » a commencé
lundi 23 avril 2012 - Khaled Amayreh
 
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La grève de la faim de 66 jours de Khader Adnan a inspiré de nombreux autres détenus palestiniens en Israël - Photo : EPA

Des milliers de prisonniers palestiniens croupissant dans les prisons et les camps de détention israéliens ont entamé une grève de la fin illimitée pour protester sur un grand nombre de griefs, notamment la tristement fameuse détention administrative, la réclusion à l’isolement, les fouilles nocturnes humiliantes et le fait de maintenir des détenus en prison après le terme de leur peine.

Mardi 17 avril dernier, quelque 2.300 détenus auraient renvoyé leur repas dans le cadre de la grève de la faim qui coïncide avec la « Journée du Prisonnier Palestinien ».

Il y a quelque 4.700 Palestiniens qui dépérissent dans les prisons israéliennes, dont beaucoup sont des prisonniers purement politiques qu’Israël punit pour s’être pacifiquement opposés à la brutale occupation israélienne de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est depuis des décennies.

Des centaines de prisonniers sont détenus sans inculpation ni procès, manifestement afin de briser leur volonté de résistance. Ces prisonniers incluent des docteurs, professeurs d’université, poètes, étudiants et législateurs élus.

Israël, qui utilise certaines des tactiques les plus dures développées pour étouffer les Palestiniens insoumis réclamant la liberté, se réfère aux détenus comme à des « terroristes » pour les stigmatiser aux yeux du monde et les priver de toute sympathie publique. Ce qui n’empêche pas l’empathie et la solidarité avec eux de prédominer car pratiquement chaque ménage a un proche, un ami ou un être cher derrière les barreaux en Israël.

Plus de 700.000 Palestiniens (20% de la population) ont vécu un emprisonnement en Israël au moins une fois depuis qu’Israël occupe la Cisjordanie, en 1967. Chaque jour des dizaines de jeunes gens continuent d’être raflés par l’armée d’occupation israélienne.

Parmi les détenus menant la bataille du ventre, il y a trois Egyptiens et plusieurs autres arabes. Quelque 50 activistes qui se sont infiltrés à travers le lourd blocus de la Cisjordanie font également le jeûne par solidarité.

Des milliers de Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza sont descendus dans les rues ou ont tenu des réunions et des sit-in pour montrer leur solidarité avec leurs camarades dans les geôles israéliennes.

La campagne contre la captivité à durée indéterminée sans inculpation ni procès (détention administrative) est montée en puissance récemment après le grève de la faim prolongée de deux prisonniers. Le premier est Khader Adnan, un jeune activiste palestinien dont la grève de la faim a duré 66 jours. Il a été relâché mardi dernier, mais rien n’assure qu’il restera libre et ne sera pas arrêté à nouveau, procédé de la politique israélienne de harcèlement des résistants palestiniens.

L’autre prisonnière, c’est Hana Al-Shalabi, 23 ans, qui a jeûné pendant 44 jours, exigeant la fin de sa détention administrative. Le mois dernier Al-Shalabi, qui vit dans le nord de la Cisjordanie, a été déportée dans la bande de Gaza.

Les autorités d’occupation ont calculé que la mort possible de prisonniers déclencherait une intifada ou un soulèvement dans les territoires occupés, ce qui pourrait déstabiliser et mettre en danger le régime du président Mahmoud Abbas, dirigeant de l’Autorité Palestinienne (AP).

Abbas a salué les prisonniers, disant que leur cause est en tête de sa liste de priorités. Nous ne dormirons pas et nous n’aurons pas l’âme en paix tant que vous ne serez pas tous retournés chez vous », déclarait le dirigeant palestinien à la télévision pour marquer le Jour du Prisonnier.

Abbas a dit qu’il approcherait les états signataires de la Quatrième Convention de Genève afin d’appliquer les clauses de l’instrument aux Palestiniens comme peuple sous occupation.

Le dirigeant palestinien a dit qu’il espérait qu’Israël serait contraint de traiter les prisonniers palestiniens comme des prisonniers de guerre.

Israël, qui viole sans vergogne le droit et les normes internationales ne se considère pas comme puissance occupante et nomme les territoires occupés « zones contestées ». Après plus de 44 ans d’occupation militaire, des millions de Palestiniens se voient toujours privés de leurs droits humains et de leurs libertés civiles.

La communauté palestinienne n’en montre pas moins une unité exemplaire face aux tentatives israéliennes d’écraser la lutte pour la liberté des prisonniers.

« Nous sommes unis et sans divisions quand il s’agit des prisonniers, et nous veillerons sur nos frères et sœurs dans les geôles israéliennes tant que leurs exigences ne sont pas satisfaites » dit le cadre de l’AP Qaddura Fares, président du Club des Prisonniers.

« Je pense que de plus en plus de prisonniers se joindront à la grève de la faim. Il s’agit d’un combat pour la vie et la dignité » ajoute-t-il.

La grève a été qualifiée de « grève de Karama », du mot arabe qui signifie « dignité ».

Outre leur demande de mettre un terme à la détention administrative et à la réclusion solitaire, les prisonniers exigent la fin des inspections et rafles nocturnes. Il demandent aussi la levée des lourdes amendes et de toutes les actions découlant de la loi dite « Loi Shalit », qui impose de lourdes restrictions aux prisonniers affiliés au groupe palestinien de résistance Hamas.

Selon le « Rapport sur Israël et les Territoires palestiniens occupés » d’Amnesty Internationl pour 2011 : « Cette année encore, des Palestiniens des territoires occupés soumis au système de justice militaire israélien ont subi toute une série de violations de leur droit à un procès équitable. Ils étaient régulièrement interrogés en l’absence d’un avocat, et étaient, malgré leur statut de civils, déférés devant des tribunaux militaires et non civils ».

Ce même rapport d’Amnesty déclare : « De nombreuses informations ont fait état d’actes de torture et de mauvais traitements, infligés notamment à des enfants. Parmi les méthodes le plus souvent signalées figuraient les passages à tabac, les menaces contre le détenu ou ses proches, la privation de sommeil et le maintien prolongé dans des positions douloureuses. Des « aveux » qui auraient été obtenus sous la contrainte étaient retenus à titre de preuve par les tribunaux militaires et civils israéliens ».

Il est probable que le gouvernement israélien ignorera la grève de la faim massive, du moins au stade initial. Israël pourrait aussi recourir à des tactiques draconiennes, comme l’alimentation forcée des détenus.

Dans le passé, des cadres et dirigeants israéliens arguaient que les grèves de la faim palestiniennes constituent une menace existentielle pour la survie d’Israël. Ce genre de réaction a refait surface récemment dans la façon dont les autorités israéliennes ont (mal)traité des activistes étrangers venus en Israël pour montrer leur solidarité avec les Palestiniens.

Mais les Palestiniens, eux, n’ont pas le choix. Leur lutte n’est pas seulement pour la dignité. Ils luttent aussi pour leur vie.

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23 avril 2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2012/109...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert
 



Le reportage de Chris Den Hond et Mireille Court sur les prisonniers palestiniens de Gaza récemment libérés est désormais disponible en DVD !

Belgique : www.mcpalestine.canalblog.com

D’une durée de 25 minutes, ce film impressionnant est en vente au prix de 6 euros au local d'EGALITE

      

Rue du Chevreuil,4 à 1000 Bruxelle

Info : 0476/84.19.69 et/ou info.egalite@gmail.com


"Fin 2011, 1028 prisonniers palestiniens ont été relâchés en échange du soldat israélien Gilad Shalit. Nous avons voulu donner un visage à ces résistants, inconnus dans le monde. Pour les rencontrer, nous avons dû passer par un des tunnels à Rafah. Les ex-prisonniers nous ont raconté leur vie en prison : l’interrogatoire, l’isolement, la brutalité des geôliers, l’interdiction de visites familiales, les grèves de la faim et aussi la joie de la libération."

Pour plus de renseignements (organiser une projection par exemple), contactez : cdenhond@yahoo.fr ou mireille_court@yahoo.fr

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