Le sionisme: une idéologie raciste et coloniale, soutenue par de puissants protecteurs occidentaux
Ce texte pose des questions que personne ne pose plus (qu’il est interdit de poser) depuis longtemps. Telles que : ‘Pourquoi reste-t-il si difficile de critiquer Israël, ses dirigeants, son establishment politique et militaire?’. ‘Pourquoi reste-t-il si difficile – soixante ans après la création de cet Etat sur un territoire arabe – d’exprimer une critique fondamentale face au sionisme, seule théorie et pratique purement coloniale et raciste qui subsiste encore après la disparition de l’apartheid en Afrique du Sud ?
Pourquoi chaque interlocuteur qui refuse de s’incliner inconditionnellement devant la version officielle de la propagande israélienne, risque-t-il de se faire accuser d’antisémitisme – accusation grave s’il en est? En effet, l’antisémitisme des nazis allemands pendant la deuxième guerre mondiale a fait six millions de victimes juives en Europe. Mais les sionistes continuent jusqu’à ce jour à lancer impunément l’accusation d’antisémitisme contre tout adversaire du sionisme dans le but de le discréditer en le présentant comme raciste et même en le traînant devant les tribunaux.
En mai 2005, le sociologue français de renommée internationale Edgar Morin, issu d’une famille juive, antifasciste et résistant, a été accusé d’antisémitisme devant le tribunal par le lobby sioniste en France. Il avait dénoncé la politique de l’Etat d’Israël comme raciste et agressive. Le tribunal l’a condamné à une peine de prison conditionnelle. Ses détracteurs l’accusaient également de soutien à des ‘organisations terroristes’. Cette dernière accusation n’a finalement pas été retenue, tellement elle était ridicule. Mais il s’en est fallu de peu. Partout, le lobby sioniste se comporte avec une agressivité croissante. Et cela s’explique : ce lobby sait qu’il bénéficie de l’appui de tous les puissants de la terre – de la Maison Blanche et du département d’Etat américain jusqu’aux institutions européennes à Bruxelles.
Pourquoi reste-t-il si difficile d’émettre des critiques claires et nettes contre l’Etat d’Israël ? La réponse est évidente. L’Etat d’Israël et son idéologie sioniste, qui sont à l’antipode de tout ce qui est démocratique, moderne, humaniste, restent cependant intouchables en Occident.
Pourtant la presse israélienne elle-même (presse qui, jusqu’à nouvel ordre, est la source hors de tout soupçon que chaque commentateur se doit de citer, car les médias arabes sont sujet à caution, cela va de soi) regorge chaque jour de récits poignants sur la réalité coloniale et raciste dans ce pays.
Il y a deux ans, un officier de réserve israélien se plaignait dans le journal israélien Haaretz de son service militaire dans la bande de Gaza palestinienne occupée. Il estimait avoir été la victime de ‘l’agressivité’ et de ‘l’obstination intransigeante’ des Palestiniens. Pendant une patrouille nocturne dans la ville de Gaza, il avait notamment ouvert le feu sur une maison suspecte. Derrière la porte d’entrée, un père palestinien s’était retranché avec son fils de deux ans sur le bras. Le Palestinien n’osant pas réagir au vacarme des soldats israéliens, le sous-officier israélien avait donné l’ordre à la patrouille d’ouvrir le feu. Les Israéliens ont vidé leurs chargeurs sur la porte d’entrée de la maison de réfugiés. L’enfant était mort sur le coup, le père grièvement blessé. L’officier de réserve israélien se plaignait d’avoir été la victime des enfantillages terrifiants et cyniques des Palestiniens qui refusent même d’obéir immédiatement aux injonctions de l’armé israélienne. En d’autres termes, le Palestinien et son enfant avaient ‘contraint’ la soldatesque israélienne à appuyer sur la gâchette… L’opinion israélienne continue à gober avec empressement ce genre de récits.
Dans son livre-reportage ‘Het land en de belofte’ (La terre et la promesse), la correspondante néerlandaise Simone Korkus décrit comment les Palestiniens dans la région de Naplouse mettent parfois jusqu’à quinze heures pour atteindre leur village situé à peine trente kilomètres plus loin. Alors que les colons israéliens et l’armée disposent d’autoroutes flambant neuves où personne ne leur entrave le chemin.
Korkus écrit: « Il y a quelque temps, j’ai vu dans la région de Naplouse à partir d’un poste de contrôle israélien un chemin partant vers quelques petits villages palestiniens. J’y avais observé que l’armée israélienne arrêtait systématiquement les Palestiniens qui s’engageaient dans le chemin. Le soldat m’a expliqué qu’ils avaient reçu des ordres et que le chemin était interdit d’accès aux Palestiniens. Je lui ai demandé pourquoi dès lors il ne plaçait pas une pancarte ‘Interdit aux Palestiniens’ au lieu de cueillir chaque fois les Palestiniens dans la rue. Il m’a fixée pendant un moment d’un regard bizarre, puis il m’a dit : ‘Cela, nous ne pouvons pas le faire. Ce serait raciste.’
Les politiciens israéliens et l’Israélien moyen ont une peur bleue d’être accusés de racisme. Pourtant ils sont citoyens d’un Etat raciste et condamné pour racisme par les Nations Unies. Le 10 novembre 1975, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 3379 portant sur ‘l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale’. La résolution condamnait le sionisme comme une forme de racisme et de discrimination raciale.
Les réactions en Israël étaient hystériques. Le journal du soir populiste Yediot Aharanot fustigeait surtout les Etats africains qui avaient approuvé la résolution des Nations Unies. Crachant sa vieille haine colonialiste et raciste en plein 21e siècle, le journal écrit : ‘Un beau matin, un petit peuple se réveille et voilà qu’il se proclame en nation et commence immédiatement à insulter le sionisme! Il n’y a aucune honte à ce que ces gens viennent de descendre des arbres. Au contraire. Mais les nations, comme les individus, doivent traverser un parcours à partir du jardin d’enfants jusqu’à l’université. Et comme il serait honteux que des enfants qui viennent de quitter la maternité nomment un professeur d’université, il est également inacceptable que des nations créées par des peuples qui viennent de quitter les arbres, s’érigent en dirigeants du monde. La résolution de l’ONU démontre que le leadership du monde est en train de sombrer en dessous du seuil de la civilisation. Particulièrement les Etats africains ont livré la preuve de leur stupidité en approuvant ce texte criminel qui assimile le sionisme au racisme. Il est évident que leur décision de rompre leurs relations avec Israël ainsi que leur position au sein des Nations Unies sont uniquement le résultat des pressions exercées par les pays musulmans producteurs de pétrole. Comment en effet ces primitifs seraient-ils capables d’avoir leur propre opinion.’
Il a fallu attendre jusqu’après la première guerre du Golfe en 1991 avant que la résolution 3379 des Nations Unies ne soit définitivement abrogée. Cela s’est fait sous la pression directe du président des Etats-Unis George Bush senior qui avait promis ce ‘geste’ au gouvernement israélien en échange de la ‘modération’ adoptée par Israël pendant la guerre du Golfe et de sa non-intervention dans les combats. Israël n’ayant pas trop entravé les démarches des Américains (qui avaient une alliance avec une série de pays arabes), les sionistes ont obtenu un cadeau politique d’une valeur inestimable: pour la première fois dans l’histoire, les Nations Unies abrogeaient leur propre résolution. Dorénavant, Israël n’était plus un Etat raciste pour une majorité d’Etats membres de l’ONU. Par décret de l’ONU, le sionisme a reçu l’absolution pour son plus grand crime contre l’humanité.
A propos d’Israël, on affirme tout et n’importe quoi: Israël est l’unique démocratie dans un Moyen-Orient dictatorial, Israël est l’Etat de tous les juifs, Israël est l’unique Etat pacifique au Moyen-Orient. Des affirmations dont aucune ne survit au test de la réalité.
L’Etat d’Israël est-il l’Etat de tous les juifs ? Soixante ans après sa création en 1948, 20% de la population de ce qui s’appelle officiellement Israël est toujours palestinienne (dont une minorité importante est chrétienne). Et dans les territoires occupés par Israël depuis 1967, les Palestiniens constituent une majorité absolue (privée de tout droit politique et démocratique). Il est difficile d’appeler cela un Etat ‘hébreux’. C’est une région colonisée et militarisée, où la majorité de la population est enfermée derrière un mur de plusieurs mètres de hauteur, et où la minorité juive se retranche derrière des fortifications militaires appelées ‘colonies’.
L’Etat d’Israël est-il un Etat démocratique? Comme l’apartheid en Afrique du Sud à l’époque, le régime israélien n’est pas basé sur des principes de droit démocratique mais sur des bases ethniques et religieuses. Des lois différentes s’appliquent aux Arabes (Palestiniens) et aux Israéliens.
Un bref aperçu.
· la loi de la nationalité : Israël n’est pas la patrie de ses habitants, mais celle de tous les juifs qu’ils proviennent de New York, de Berlin, de Bruxelles ou d’Anvers. La loi réglant la nationalité israélienne le démontre clairement. Tout juif n’importe où dans le monde peut revendiquer la citoyenneté israélienne. En réalité, il s’agit de deux lois : la loi du retour qui ne vaut que pour les juifs et le reste de la loi sur la nationalité définie comme la nationalité par résidence qui vaut uniquement pour les Arabes. La loi sur le retour accorde à tout juif dans le monde immédiatement la citoyenneté israélienne. Aux non-juifs, cette même loi impose par contre des conditions drastiques. Ils doivent être inscrits aux registres de la population depuis le 1er mars 1952 et avoir résidé effectivement dans le pays depuis ce jour. Des milliers de Palestiniens qui habitaient alors et habitent toujours en Israël n’ont jamais pu le prouver. Ils sont des habitants d’Israël avec un statut d’apatrides.
· La propriété de la terre: en Israël 92% des terres sont la propriété de l’Etat sioniste, de l’Organisation sioniste internationale ou de juifs individuels. En Cisjordanie, plus de la moitié des terres sont déjà aux mains des juifs. La loi israélienne considère la propriété juive des terres comme une propriété inaliénable du peuple juif qui restera immuable. Il est interdit aux Palestiniens en Israël et dans les territoires occupés d’acheter des terres.
Non seulement l’Etat d’Israël est l’unique Etat démocratique au Moyen-Orient. A en croire la propagande israélienne, il est aussi l’unique Etat pacifique. Or, le palmarès militaire du sionisme est ni plus ni moins impressionnant. En 1947, les Nations Unies ont établi un ‘plan de partage’ pour la Palestine qui était encore à ce moment un territoire sous mandat britannique. Les Palestiniens ont rejeté ce plan parce qu’il était totalement injuste et donc inacceptable. Mais on n’avait même pas demandé l’opinion des Palestiniens à propos de ce plan. Les sionistes en Palestine n’ont pas rejeté ce plan, ils ont adopté un profil bas, tout en préparant en silence, mais en toute hâte, la guerre afin d’annexer un maximum de territoire avant même la création de l’Etat d’Israël. Au moment où les Nations Unies ont approuvé le plan de partage de la Palestine, les juifs possédaient à peine 7% des terres. Ils constituaient un tiers de la population (708.000 juifs sur un total de 1.835.000 habitants). Le plan de partage leur accordait toutefois 56% des terres, alors que selon le plan ils ne constituaient même pas une véritable majorité dans l’Etat juif (498.000 juifs contre 407.000 arabes et ce dernier chiffre n’incluait même pas les bédouins, sinon, les Arabes auraient constitué dès le début la majorité dans l’Etat juif). L’Etat arabe compterait 10.000 juifs et 725.000 Arabes. La capitale Jérusalem serait une zone internationale ou une entité séparée, composée de 100.000 habitants juifs et de 105.000 habitants arabes. Mais le plan de paix des Nations Unies est resté lettre morte, ce qui n’était pas uniquement imputable à l’intransigeance palestinienne et arabe. Durant les mois après l’adoption du plan de partage, Israël s’était armé jusqu’au dents, avec l’aide internationale. Il disposait de l’armée la plus puissante et la plus moderne du Moyen-Orient et bénéficiait de suffisamment de soutien diplomatique international (tant des Etats-Unis que de l’Union soviétique) pour faire accepter ses projets. En Israël prévalait d’ailleurs une interprétation tout à fait particulière du plan de partage de l’ONU.
Ce plan stipulait également que les deux nouveaux Etats dans la région, Israël et l’Etat palestinien, seraient deux entités à part entière constituant un marché économique commun. Ce dernier objectif n’a jamais été réalisé. Seul l’Etat d’Israël est devenu une réalité soutenue par l’Occident. Les Palestiniens ont disparu dans le désert ou dans les camps de réfugiés installés dans les pays voisins.
Israël est-il un Etat du Moyen-Orient?
Dès le début, les sionistes ont montré clairement qu’ils ne voulaient pas s’intégrer dans le Moyen-Orient. Ils voulaient coloniser la Palestine et – comme tous les autres pouvoirs colonialistes d’ailleurs – ils se considéraient investis d’une mission civilisatrice.
Le fondateur du mouvement sioniste, le médiocre journaliste autrichien Theodor Herzl, écrivait en 1896 dans son traité ‘Der Judenstaat’ (l’Etat juif) (qui reste toujours le manifeste par excellence du mouvement sioniste): ‘Pour l'Europe, nous formerons là-bas un élément du mur contre l'Asie ainsi que l'avant-poste de la civilisation contre la barbarie.’ Ailleurs, Herzl écrit encore qu’Israël ‘s’étendra du ruisseau égyptien (le Nil, sic) jusqu’à l’Euphrate’. Et: ‘Nous ne devons pas donner du travail à la population locale, hormis l’assèchement des marais et l’extermination des serpents, et ensuite nous devons les conduire discrètement hors des frontières.’
En d’autres termes, l’expropriation brutale du peuple palestinien était clairement décrite en toutes lettres cinquante ans auparavant. Pour les sionistes, ce n’était qu’une question de temps et de soutien nécessaire des grandes puissances: et la période immédiatement après la deuxième guerre mondiale s’avérerait être l’occasion unique.
Depuis la guerre de Suez en 1956, l’Etat d’Israël a multiplié les guerres contre ses voisins arabes et contre les Palestiniens colonisés et expulsés de leur pays: la liste est longue et impressionnante. 1956: expédition coloniale commune des troupes françaises, britanniques et israéliennes contre l’Egypte de Nasser. 1967: conquête par les troupes israéliennes des territoires palestiniens, de Jérusalem-Est, de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, et occupation du Golan syrien et du Sinaï égyptien. A partir de 1975, ingérence directe et constante dans la guerre civile au Liban. 1977: invasion et occupation du Liban-Sud. 1982: invasion du Liban, siège et bombardement de Beyrouth pendant trois mois. L’opération s’est soldée par un bilan meurtrier: 30.000 morts, la capitale libanaise réduite en ruine. Durant les dernières décennies, le Liban a été régulièrement la cible de l’armée israélienne et de son aviation. La dernière grande invasion des troupes sionistes au Liban s’est toutefois heurtée à une opposition sans précédent des forces de résistance, obligeant l’armée sioniste à se retirer en toute hâte derrière ses frontières et donnant ainsi à Israël une leçon importante: l’armée sioniste n’est plus invincible…
Les dernières années ont été néanmoins catastrophiques pour les Palestiniens colonisés. Depuis la fin des années soixante-dix, les dirigeants de la résistance palestinienne subissent des pressions toujours plus fortes pour qu’ils fassent de plus en plus de concessions à l’Etat sioniste et à ses protecteurs américains. L’OLP a accepté à partir de 1974 la solution de deux Etats en Palestine. Tout compromis diplomatique de la part des Palestiniens ou des pays arabes voisins était rejeté d’avance par les sionistes. Ce qui compte vraiment pour eux, c’est la capitulation totale de la résistance palestinienne. Ceci s’est confirmé d’une manière évidente au cours des années qui ont suivi. En 1993, les principaux dirigeants de l’OLP ont signé les accords d’Oslo. Ces accords de capitulation rendaient les dirigeants palestiniens responsables de la répression de leur propre peuple et de l’installation d’un régime soumis aux Etats-Unis, à l’Europe et à Israël et à qui on n’accordait même pas le statut de mini-Etat. Le reste de l’histoire est connu, douloureusement: les territoires occupés – et surtout la bande de Gaza condamnée à un dénuement total – sont devenus des prisons en plein air. Gaza est régulièrement bombardée et affamée pendant des semaines. La Cisjordanie et Jérusalem-Est sont complètement emmurées et transformées en ghetto, tel qu’il n’en a jamais existé en Allemagne nazie. Longueur de cette construction raciste: 750 kilomètres.
‘L’oppression génère la résistance’ est un vieux principe des anti-impérialistes, anti-colonialistes et anti-racistes. Personne ne devra l’apprendre au peuple palestinien. Il n’empêche que nous en Europe, nous pouvons et nous devons faire plus pour donner aux Palestiniens ce à quoi ils ont tout simplement droit: un soutien et une solidarité sans conditions.
Et c’est là que le bât blesse: trop souvent et trop longtemps, la solidarité aux Palestiniens a été conditionnelle. Une attitude dont il faut se débarrasser dès à présent.
Le temps est venu de la solidarité sans compromis, basée en premier lieu sur la dénonciation sans merci de l’Etat sioniste comme dernier bastion colonialiste et raciste.
Le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien doit se développer, en ce temps de l’Internet, en un moteur de boycott efficace de l’Etat d’Israël sur le plan économique, politique, diplomatique, financier, culturel et scientifique. Plus un seul euro pour la colonisation et l’oppression des Palestiniens. Les entreprises qui continuent à renforcer l’Etat d’Israël et qui soutiennent la colonisation sioniste ne méritent pas moins qu’un boycott international. Ce mot d’ordre doit résonner dans tous les cénacles du pouvoir, de la Maison Blanche à l’Union européenne.
L’apartheid en Afrique du Sud, cet autre crime contre l’humanité, cet autre système odieux et raciste, a été balayé de la planète grâce au combat du peuple sud-africain et du mouvement de solidarité international, qui a su imposer un boycott efficace aux racistes blancs de Pretoria. En Israël, il faut que cette histoire se répète. Et le temps presse…
Discours prononcé en mai 2008 au Congrès de l'Union Internationale des Parlementaires pour la Palestine (IUPFP) à Bruxelles à l'occasion du 60ième anniversaire de la Nakba. Wim est décédé quelques mois plus tard en octobre 2008. Il avait 58 ans.