FREE PALESTINE
30 juin 2010

Israël-Palestine: L’Europe face à ses valeurs

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Israël-Palestine: L’Europe face à ses valeurs

Francis MARTENS  Psychanalyste

Mis en ligne le 26/06/2010
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Pourquoi l’Union europénne favorise-t-elle Israël, un Etat qui ne respecte ni le droit international, ni les droits de l’homme ? Pourquoi sanctionner le Zimbabwe et encourager Israël par un rehaussement des liens ? L’Europe est complice. Prendra-t-elle ses responsabilités ? Une opinion de Francis Martens, psychanalyste.

 

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La première session du tribunal Russell sur la Palestine (à Barcelone en mars 2010) a permis de détailler, sur base de six questions, les manquements de l’Union européenne et de ses Etats membres par rapport à leurs obligations légales et leurs valeurs morales concernant les relations avec Israël, puissance occupante de la Palestine. Ce que de nombreux groupes militant pour la cause des droits du peuple palestinien, un peu partout en Europe et ailleurs dans le monde, dénonçaient depuis des années a été validé de manière rigoureuse par le jury de ce tribunal d’opinion qui a travaillé dans la droite ligne du tribunal Russell sur le Vietnam en 1967.

Le jury d’abord: il représente la "société civile" mondiale par des personnalités connues pour leur valeur morale et leur exigence par rapport au respect des droits humains: Michael Mansfield (avocat britannique), Gisèle Halimi (France, présidente de la commission d’enquête du tribunal Russell sur les crimes de guerre internationaux au Vietnam), José Antonio Martin Pallin (juge à la Cour suprême espagnole), Ronald Kasrils (leader anti-apartheid et ancien ministre d’Afrique du Sud), Mairead Corrigan-Maguire (Irlande du Nord, lauréate du prix Nobel de la Paix 1976), Cynthia McKinney (USA, ancienne membre du Congrès et candidate présidentielle pour le Green Party), Aminata Traoré (Mali, militante pour les droits humains, écrivaine et ancienne ministre), Alberto San Juan (espagnol, acteur et militant pour les droits humains), Arcadi Oliveres (Espagne, professeur d’économie à l’université autonome de Barcelone et militant pour la justice sociale et la paix), Juan Guzman Tapia (Chili, juge retraité, qui n’était pas présent à Barcelone mais siégera lors des sessions suivantes du tribunal).

Stéphane Hessel, président d’honneur du tribunal et membre du comité organisateur, est un des rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme: ambassadeur de France, il est une personnalité reconnue pour son humanisme et son attachement à la justice.

Ce jury a donc examiné les manquements de l’Union européenne à ses obligations de faire respecter la loi internationale sur les six points suivants:

- le droit à l’autodétermination du peuple palestinien;

- le blocus de Gaza et l’opération "Plomb durci";

- le droit du peuple palestinien à la pleine souveraineté sur ses ressources naturelles;

- l’annexion de Jérusalem-Est par Israël;

- la construction du Mur par Israël dans les territoires palestiniens occupés;

- les accords signés entre l’Union européenne et l’Etat d’Israël.

Experts et témoins de diverses nationalités ont traité chaque point, alternant explications très précises sur des traités internationaux, sur le droit européen, sur des décisions de cours de justice et des témoignages et rapports parfois très émouvants ou très durs, tant les drames vécus par les Palestiniens sont terribles.

Les conclusions de cette première session sont claires: l’Union européenne et ses Etats membres sont bien complices des violations du droit international perpétrées par Israël. Ainsi que le résumait admirablement Gisèle Halimi: "Les accords internationaux sont ce qu’on a inventé de meilleur pour que la loi prévale sur le rapport de force. C’est le respect absolu de ces règles qui peut faire primer la paix contre la guerre et la justice contre la force. Or, nous avons vu les drames de Gaza et d’ailleurs en Palestine, c’est l’impunité totale pour Israël, dans un silence qui est un crime, celui des organisations internationales. Nous avons vu les manquements de l’Union européenne à des règles spécifiques du droit interne qui obligent les Etats membres à réagir aux violations du droit international." Il s’agit par exemple du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et des droits de l’homme.

"Or, les accords d’association européens sont fondés sur le respect des droits de l’homme et les principes démocratiques, ils font obligation à l’Union européenne de veiller au respect de ces droits de l’homme et aux libertés fondamentales. En s’en abstenant, l’Union européenne et les Etats membres ont violé cet accord."

Autre exemple: celui des conventions de Genève qui réglementent le droit de la guerre et de l’occupation. "Chaque Etat s’oblige vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres à les faire respecter au motif supérieur et universel qui est celui de la civilisation." Le fait que l’UE en tant que telle n’est pas signataire des conventions de Genève n’empêche pas l’applicabilité des règles à l’Union. De même, les Nations unies doivent assurer le respect de ces conventions, ainsi que le précise la Cour internationale de justice.

Elles sont le fruit "d’un travail nécessaire, rigoureux, qui permet de dire qu’il y a crime de silence et que nous ne le supportons plus !", s’exclame Gisèle Halimi.

Sur cette base, des militants du monde entier continueront leur mobilisation pour obtenir que l’Europe suspende son accord d’association avec Israël et mette en œuvre les sanctions prévues dans les lois et règlements qui la régissent.  Car l’exception de fait qui dispense Israël de respecter le droit international -pourtant seul fondement de sa légitimité en tant qu’Etat- ne lèse pas seulement les Palestiniens, elle mine jour après jour la société israélienne elle-même et met en péril, au plan mondial, une des rares digues juridiques contre la violence. En sanctionnant au Zimbabwe ce qu’elle encourage en Israël par un rehaussement des liens, en punissant les Palestiniens pour le résultat non souhaité d’élections démocratiques, l’Europe porte une grave responsabilité.

Déjà, le président européen Herman Van Rompuy a exprimé sa volonté de faire appliquer le traité de Lisbonne et notamment son article 21, qui fait référence aux droits humains et au droit international (1). Est-ce le signe de la fin de l’impunité pour les Etats qui violent cette éthique universelle ?

Les citoyens européens retrouveraient alors leur confiance en cette Europe qui, vis-à-vis d’Israël, a négligé ses valeurs humanistes et la justice internationale.

(1) "L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde: la démocratie, l’Etat de droit, l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international [ ] Elle favorise des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations unies."

Voir les textes des exposés et des conclusions du TRP sur www.russelltribunalonpalestine.com.


Cet article provient de http://www.lalibre.be

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