Mr Michel,
à quelques reprises, nous avons déjà eu l'occasion de nous rencontrer ainsi que d'échanger nos réflexions sur la situation en Palestine, que ce soit sur un plateau de la RTBF ou au Ministère des Affaires étrangères, ou encore par courriers.
Vous ne vous souviendrez pas de moi, et vu le nombre d'interlocuteurs que vous rencontrez, c'est bien normal.
Cela ne m'empêche cependant pas de vous écrire ces quelques mots qui, je l'espère, pourront retenir votre attention un instant.
J'ai en main votre "Lettre aux citoyens de mon pays"...
Le propos est bien construit. Et son contenu a le mérite de l'intelligence. Ce que je vous reconnais volontiers.
Il n'en reste pas moins que, une fois décrypté, le propos théorique de cette lettre, se heurte aux réalités du quotidien.
Et dans le cas de la Palestine, bien que vous preniez ici-et-là et de temps à autre, la parole pour dire votre "indignation" (c'est le moins qu'on puisse faire!),je veux vous répéter ce que je vous ai dit à chaque occasion:c'est (entre autres) votre choix de l'équidistance dans un dossier où il y a pourtant clairement un oppresseur et un oppressé,qui amène à la dramatique situation que l'on a connu ces derniers jours (après la guerre sur Gaza) avec l'assassinat de civils à bord de la flottille.
Vous pouvez bien dès lors "attendre une réaction du gouvernement" comme vous l'avez indiqué lors de votre conférence avec I. Durand...
quand vous étiez au gouvernement, vous auriez dû écouter les militants qui vous ont répété, inlassablement,que la politique d'équidistance n'est pas la bonne... et qu'aujourd'hui, l'on peut voir qu'elle mène au pire !
Je vous invite à ce sujet à prendre connaissance de l'excellent papier qu'a signé Michel Warschawski, résistant israélien de gauche, et intitulé:
"L'impunité pousse au crime"...
Cela fera peut-être réfléchir votre fils en charge de la Coopération au développement, à une option plus courageuse que celle de l'équidistance,qui finalement ménage la chèvre et le chou... dans un dossier où, encore une fois, tout le monde voit clairement qui est l'agresseur et qui est l'agressé.
Par ailleurs, vous indiquez dans votre "Lettre" que "la crise politique vous a fait mal, vous a déçu et empli de colère"...
Nous sommes des millions à ressentir la même chose face à l'injustice qui prévaut dans la question palestinienne. Et ce, depuis des décennies !
Vous indiquez plus loin "le droit à la différence, à l'intelligence critique ainsi qu'au débat politique, condition essentielle de notre liberté"...
Force est de constater que ce droit n'est pas entendu. Il est juste écouté distraitement, mais rarement pris en compte par les politiques,qui mènent leurs dossiers sans prendre la mesure de la question palestinienne,qui est une question essentielle de justice et vécue comme l'illustration par excellence du deux-poids, deux-mesures par des millions de citoyens.
Voyez vous-mêmes les réactions planétaires que cette question ne cesse de soulever. Il faut être autiste pour ne pas s'en rendre compte.
Enfin, vous écrivez (avec raison) que "chaque être humain est doté de qualités propres qui font de lui une personne unique, ayant le droit de vivre dignement, de s'assumer et d'être respecté (...) et que c'est le combat politique que l'UE doit continuer d'incarner sur la scène des Puissances mondiales"...
C'est un beau plaidoyer... mais qui est systématiquement taillé en brèches par les pratiques mêmes de notre diplomatie et celle de l'UE !
Parce que, à partir du moment où des élections ont été contrôlées par nos cadres et par une armada de "contrôleurs internationaux" qui ont confirmé le respect strictement démocratique de la tenue de ce scrutin, mais que le résultat de celui-ci ne nous convient pas,il est absolument intolérable de voir l'UE et notre pays, réfuter le résultat de cette élection de janvier 2006,en refusant tout dialogue avec le Hamas, sous prétexte que c'est une organisation terroriste.
Cette attitude ruine purement et simplement les valeurs sur lesquelles vous dites vouloir bâtir nos démocraties.
Par cette attitude, vous piétinez vos propres principes et vous vous (nous) discréditez de la manière la plus élémentaire.
Je suis athée et ne partage pas certaines approches du Hamas, mais si le peuple palestinien a voté pour le Hamas, je respecterai son vote.
Parce que je crois aux principes essentiels de la démocratie.
Cette différence entre vous et moi (et des millions d'autres citoyens d'ailleurs) fait exactement la différence entre le "discours" politique, et la "pratique" politique... d'une véritable démocratie.
Mr Michel, en vous remerciant pour votre attention, vous comprendrez que nombreux d'entre nous restent dubitatifs sur ce qu'ils lisent lors de campagnes électorales,et les pratiques qu'ils voient mises en œuvre, une fois le vote passé...
Respectueusement,
Daniel Vanhove -
Observateur civil en Palestine
Auteur de deux ouvrages sur la question palestinienne:
Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos âmes - 2005
La Démocratie Mensonge - 2008
parus aux Ed. Marco Pietteur dans la coll. Oser Dire