FREE PALESTINE
5 avril 2010

Témoignage: 'En Israël on ne loue pas aux arabes'

'En Israël on ne loue pas aux arabes'


Témoignage: 'En Israël on ne loue pas aux arabes'


Les familles Zakai et Tarabin pourraient être l’image même de la coexistence pacifique entre les peuples, un modèle à imiter en Israël. 

 
Mais Natalie et Weisman Zakai racontent que ces trois dernières années - depuis que le couple juif proposa de louer sa maison à des amis bédouins, Ahmed et Khalas Tarabin - ont été un véritable enfer. 

«J'ai toujours aimé Israël", déclare Mme Zakai, 43 ans. "Mais la découverte de l’intensité du racisme de nos voisins (juifs) m’a fait m’interroger sur la raison de notre présence dans ce pays». 
 
Trois des six chiens du couple ont été mystérieusement empoisonnés, la voiture de Mme Zakai a été taguée avec les mots "amoureux des arabes" [arab lover] et ses fenêtres brisées; ses trois enfants à l'école sont régulièrement insultés et victimes d'intimidation par d'autres élèves, et une collection de voitures anciennes dans la cour de la maison a été détruite dans ce que la police à désigné comme un incendie volontaire. 
 
En plus de ce harcèlement, les Zakaï ont dépensé des milliers de dollars dans un combat judiciaire de trois ans contre les élus de leur commune de Nevatim, dans le sud du Negev, qui ont juré d’empêcher les Tarabin d’emménager dans la maison. 
 
La semaine dernière, la procédure judiciaire intentée par les Zakaï paraissait sans espoir. La Cour suprême a dit aux deux familles que les Tarabins devraient soumettre leur demande à l’approbation d’un comité de responsables locaux pour évaluer leur aptitude à vivre dans cette commune (une exigence unique dans l’histoire pour la location d’une maison). 
 
"La décision de la commission est connue d'avance", a déclaré M.Tarabin. 
 
Les chances pour que des Juifs et des Arabes vivent ensemble - en dehors d'une poignée de villes - sont à peu près nulles parce que la ségrégation est stricte dans les communes rurales, a déclaré Alaa Mahajneh, un avocat représentant la famille Zakai. 
 
Israël a nationalisé 93% du territoire du pays, en confinant la plupart de ses 1,3 millions de citoyens arabes, un cinquième de la population, dans environ 120 communes qui existaient déjà au moment de la création de l'Etat en 1948. 
 
Dans le même temps, plus de 700 communes rurales, y compris Nevatim, sont restées exclusivement réservées aux juifs, en exigeant que toute personne qui veut y acheter une maison se soumette aux procédures de filtrage des comités locaux, qui sont utilisées pour éliminer les candidats arabes. 
 
Mais M. Mahajneh, du centre juridique Adalah pour la minorité arabe, a noté que la justification légale pour une telle ségrégation était censée avoir pris fin il y a une décennie, lorsque la Cour suprême a soutenu la cause d’un ménage arabe, les Kaadan, qui s’était vu interdire de résidence par un comité local de Katzir, dans le nord d'Israël. 
 
Bien que les Kaadans aient finalement été autorisés à déménager à Katzir, l'affaire n’a eu que peu d’effet positif pour les autres familles arabes. 
En fait, dit M. Mahajneh, la décision concernant les Zakaï démontre que nous avons régressé.   
Les Kaadans ont gagné le droit d'acheter une maison dans une communauté juive, tandis que la famille Tarabin ne cherche qu’une location à court terme de la maison des Zakaï.  
 
Les Zakaï ont déclaré avoir été informé par les fonctionnaires de Nevatim, une communauté de 650 Juifs à quelques kilomètres de la ville de Beersheva, que cela ne serait pas un problème de louer leur maison.   
 
Mme Zakai a présenté les cartes d'identité de Tarabin aux bureaux de la collectivité pour les formalités administratives de routine. "Lorsque je lui ai remis les cartes, l’employé a examiné la carte et dit: « Mais ils sont musulmans ».   
Plus tard, selon Mme Zakai, le chef du conseil, Avraham Orr, a téléphoné pour leur signifier que pour venir s’installer, les arabes « devraient passer sur son cadavre ». 
 
Mme Zakaï raconte que plusieurs semaines plus tard, deux hommes menaçants sont venus à leur porte pour les avertir de ne pas louer à des arabes. Peu après, 36 voitures appartenant à la société de location de véhicules de Mr Zakaï ont été incendiées. 
 
Puis, sans avertir les Zakaï, les autorités locales de Nevatim sont allées voir un tribunal local pour obtenir une ordonnance les empêchant de louer leur maison. Le couple se bat contre cette décision depuis ce jour. 
 
M. Mahajneh raconte que les Tarabin ont dû accepter une série de clauses extraordinaires rajoutées par la localité de Nevatim sur leur contrat de location, y compris des certificats de bonne conduite de la police, l’engagement de partir au bout d’un an, et un accès limité au vaste terrain de la maison. 
 
Mais cela ne suffisait à calmer le mécontentement des fonctionnaires de Nevatim, qui ont insisté pour que les Tarabin se soumettent à un interrogatoire mené par un comité d'examen des candidatures, pour en évaluer la pertinence. Bien que 40 autres maisons de Nevatim soient louées, raconte M. Mahajneh, les témoignages d'anciens membres du comité de filtrage ont montré que c'était la première fois qu'une telle demande était faite.   
 
«Il est vrai que quiconque achète une propriété dans Nevatim est censé être auditionné par le comité, mais il n'y a aucune référence dans les statuts de la communauté pour que cette condition s’applique aux locations», a déclaré M. Mahajneh.   
 
En 2008, un juge du tribunal de district de Beersheva a annulé cette nouvelle condition, arguant que qu’elle serait «déraisonnable et non objective ».
Les juges de la Cour suprême ont cependant pris le partie de Nevatim dans leurs conclusions finales le 10 mars. 
 
Mme Zakai explique qu'ils avaient proposé de louer leur maison aux Tarabin après que la maison du couple fut brûlée dans leur village au début de 2007, tuant un de leurs 10 enfants. Les Tarabins ont vécu depuis chez des parents, incapables de s'offrir une nouvelle maison et désireux de s'éloigner du lieu du drame. 
 
M. Tarabin, 54 ans, a déclaré: «Je voulais que Khalas (sa femme) puisse se reposer et guérir et ce lieu aurait été parfait pour elle. La maison a un grand terrain que nous aurions pu garder pour nous. Personne à Nevatim n’aurait eu à nous fréquenter s’ils ne le souhaitaient pas. » 
 
Un résident de Nevatim qui s’est exprimé anonymement au journal Haaretz la semaine dernière, a suggéré des raisons à l'opposition de la communauté:
« Si demain toute la tribu Tarabin veut vivre ici et que nous ne les acceptons pas, que diront les gens? Le problème va commencer avec l’arrivée du premier, car après des dizaines d'autres familles voudront venir ici. » 
 
Les liens étroits tissés entre les Zakaï et les Tarabin sont une chose rare en Israël. Le statut des juifs leur octroie des privilèges juridiques et économiques et la ségrégation dans les communes et l'hostilité provoquée par un conflit national plus vaste entre Israël et les Palestiniens font en sorte que les citoyens juifs et arabes ne se mélangent pas. 
 
Mais M. Zakai, 53 ans, dont les parents ont émigré en provenance d'Irak et qui parle couramment l'arabe, s’est lié d'amitié avec M. Tarabin à la fin des années 1960 quand ils étaient adolescents à Beer-Sheva. Plus tard ils ont servi ensemble dans l'armée israélienne comme ingénieurs en mécanique. 
 
Mme Zakai explique que «si les juifs se voyaient refuser le droit de vivre quelque part, ce serait un scandale, mais parce que nos amis sont des Arabes, personne ne s'en soucie.» 
 
Avraham Orr, le chef du conseil de Nevatim, a nié qu'il s’opposait à l'admission de Tarabin parce qu'ils sont arabes. "Il ya des règles", dit-il. « Toute famille qui veut acheter ou louer un bien immobilier doit d'abord passer par le comité. » 
 
Par crainte des conséquences de l'arrêt Kaadan, les communautés juives de Galilée ont mis en place l’année dernière de nouvelles mesures pour barrer l’accès aux candidats arabes. Ils ont introduit dans les règlements l’obligation pour les candidats de prêter un serment de fidélité en s’engageant à soutenir « le sionisme, l'héritage juif et la colonisation des terres». 

   

Jonathan Cook. Journaliste basé à Nazareth. 

Traduction: Altynbek Bizhanov.

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