FREE PALESTINE
9 mars 2010

CONCLUSIONS DE LA PREMIERE SESSION INTERNATIONALE DU TRIBUNAL RUSSELL SUR LA PALESTINE

CONCLUSIONS DE LA PREMIERE SESSION INTERNATIONALE

DU TRIBUNAL RUSSELL SUR LA PALESTINE

Barcelone, 1-3 mars 2010

Cette session du Tribunal Russell a été organisée par :

Le Comité Organisateur International (COI) : Ken Coates, Pierre Galand, Stéphane Hessel, Marcel-Francis Kahn, Robert Kissous, François Maspero, Paulette Pierson-Mathy, Bernard Ravenel, Brahim Senouci, Gianni Tognoni et son secrétariat international : Frank Barat et Virginie Vanhaeverbeke. Contact : <trp_int@yahoo.com>

Le Comité National d’Appui d’Espagne et de Catalogne. Contacts : Giorgio Mosangini et Marti Olivella <info@tribunalrussell.org>

Les Comités Nationaux d’Appui Irlandais, Français, Italien, Belge, Luxembourgeois, Allemand, Britannique, Portugais et Suisse.

Le Comité Organisateur International du Tribunal Russel sur la Palestine remercie la Mairie de Barcelone et la Generalitat de Catalunya pour leur appui, ainsi que toutes les personnes et Organisations qui ont permis la réalisation de cette première session de Barcelone du Tribunal Russell sur la Palestine.

« Le danger de l’accoutumance à l’inacceptable » (Fr. Wurtz)

« Puisse ce tribunal briser le mur du silence » (B. Russell)

Editeur responsable : Pierre Galand

Le présent document contient les conclusions du Jury afférent à la Session de Barcelone du Tribunal Russell sur la Palestine. Toutefois, le contenu des conclusions du Tribunal Russell sur la Palestine sera soumis à un processus d’édition et de correction avant qu’une version définitive ne soit rendue publique.

1.         Réuni à Barcelone du 1er au 3 mars 2010, le Tribunal Russell sur la Palestine

(ci-après dénommé « le TRP ») composé des membres suivants :

  • Mairead Corrigan Maguire, Prix Nobel de la Paix en 1976, Irlande du Nord ;
  • Gisèle Halimi, avocate, ancienne ambassadrice auprès de l’UNESCO,  France;

  • Ronald Kasrils, auteur et activiste, Afrique du Sud ;

  • Michael Mansfield, avocat, Président de Haldane Society of Socialist Lawyers, Grande-Bretagne;

  • José Antonio Martin Pallin, Magistrado Emérito Sala II, Cour Suprême,  Espagne;

  • Cynthia McKinney, ancienne membre du Congrès Américain, candidate a la présidence en 2008, Green Party, USA ;

  • Alberto San Juan, Acteur, Espagne;

  • Aminata Traoré, Auteur, ancienne ministre de la culture du Mali.

a adopté les présentes conclusions. Celles-ci porteront sur les points suivants :

-     Création du TRP (I.)

-     Mandat du TRP (II.)

-     Procédure (III.)

-     Recevabilité (IV.)

-     Fond (V.)

-     Suite de la procédure (VI.)

I.                    Création du Tribunal

2.         Le TRP est un Tribunal de conscience internationale purement citoyen qui répond à des demandes de la société civile. Tout au long des dernières années, à partir surtout de l’absence de mise en œuvre de l’avis du 9 juillet 2004 de la Cour internationale de Justice, concernant l’édification par Israël d’un mur en territoire palestinien occupé, et de la Résolution ES-10/15 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 20 juillet 2004, relative à l’application de cet avis et avec une intensification importante après l’agression à Gaza (décembre 2008 – janvier 2009) des comités ont surgi dans différents pays pour promouvoir et soutenir une initiative citoyenne en faveur des droits du peuple palestinien.

3.         .Le TRP s’inscrit, avec le même esprit et selon les mêmes règles de rigueur, dans la lignée du Tribunal mis sur pied par l’éminent savant et philosophe Bertrand Russell sur le Vietnam (1966-1967) et du tribunal Russell II sur l’Amérique latine (1974-1976) organisé par la Fondation Internationale Lelio Basso pour le droit et la libération des peuples. 

4.         Son comité international de parrainage rassemble des personnalités représentant près de quarante pays différents. Parmi ses membres figurent des prix Nobel, un ancien Secrétaire général des Nations Unies, un ancien Sous-secrétaire général des Nations Unies, deux anciens présidents de la République, d’autres personnes ayant exercé de hautes fonctions politique et de très nombreux représentants de la société civile, écrivains, journalistes, poètes, acteurs, réalisateurs, scientifiques, professeurs, avocats, magistrats (annexe…).

5.         Le système de référence juridique dans lequel se place le TRP est celui du droit international public.

6.         Les travaux du TRP comportent plusieurs sessions. Le TRP s’est réuni pour sa première session les 1, 2 et 3 mars à Barcelone, accueilli et appuyé par le Comité national d’appui et la mairie de Barcelone, sous la présidence d’honneur de Stéphane Hessel.

II.                  Le mandat du TRP

7.         Le TRP tient pour acquis que certains comportements d’Israël ont été qualifiés de violations du droit international par diverses instances internationales dont le Conseil de sécurité, l’AGNU et la CIJ (infra § 17). La question soumise au TRP par le Comité Organisateur International est de savoir si les relations de l’UE et de ses Etats membres avec Israël sont des faits illicites au sens du droit international, et dans ce cas quelles sont les implications pratiques et les moyens qui permettent d’y remédier.

8.         À cette session, le TRP examinera plus particulièrement six questions :

-le principe du respect du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même;

-les colonies de peuplement et le pillage des ressources naturelles ;

-l’annexion de Jérusalem-Est ;

-le blocus de Gaza et l’opération « Plomb durci » ;

-la construction du Mur dans le territoire palestinien ;

-l’accord d’association Union européenne/Israël.

III.        Procédure

9.         Le Comité organisateur a soumis les six questions précitées à des experts qui ont été choisis pour leurs connaissances factuelles de la situation.

Dans le respect des principes de la contradiction des débats, ces questions ont également été soumises à l’UE et ses Etats membres  afin qu’ils expriment leur point de vue.

Les experts ont remis des rapports écrits au Tribunal.

10.      En ce qui concerne l’UE, le Président de la Commission, M. Barroso a écrit au TRP une lettre qui est arrivée pendant la 1e session du Tribunal. Le Président Barroso s’est référé aux conclusions adoptées par le Conseil des ministres des Affaires étrangères le 8 décembre 2009. (annexe A)

11.      En ce qui concerne les Etats membres de l’UE, un seul Etat a répondu à la requête du Tribunal. Dans une lettre datée du 15 février 2010, l’Allemagne a rappelé, comme le Président Barroso (ci-dessus), les conclusions du Conseil de décembre 2009. (annexe B)

12.      Le TRP prend note de ces lettres, mais il regrette que les autres pays membres de l’UE et l’UE ne se soient pas manifestés davantage pour développer leurs arguments sur les questions traitées lors de cette première session et que le TRP n’ait pas bénéficié de l’aide que l’exposé de leurs arguments et toute preuve fournie à l’appui de ceux-ci auraient pu lui apporter.

13.      La phase écrite de la procédure a été suivie d’une phase orale au cours de laquelle les neufs experts présentés par le Comité organisateur ont été auditionnés par les membres du Tribunal. Les experts suivants ont été entendus :

Madjid Benchikh (Algérie) - Professeur en droit international public à l’Université de Cergy-Pontoise et ancien doyen de la faculté de droit d’Alger.

Agnes Bertrand (Belgique) - Chercheuse et spécialiste du Moyen-Orient chez APRODEV.

David Bondia (Espagne) -  Professeur en droit international public et relations internationales à l’Université de Barcelone.

Patrice Bouveret (France) - Président de l’Observatoire des Armements.

François Dubuisson (Belgique) - Professeur de droit à l’Université Libre de Bruxelles.

James Phillips (Irlande) - Avocat.

Michael Sfard (Israël) - Avocat.

Phil Shiner (Royaume Uni) – Avocat.

Derek Summerfield (Royaume-Uni)  - Maître de Conférence Honoraire à l’Institut de Londres de Psychiatrie.

14.      A la suite de ces rapports, le Tribunal a entendu les témoins suivants, également désignés par le Comité organisateur :

Veronique DeKeyser (Belgique) - Membre du Parlement Européen.

Ewa Jasiewicz (Royaume Uni) - Journaliste et témoin de l’opération « Plomb Durci ».

Ghada Karmi (Palestine) - Auteur et docteur en médecine.

Meir Margalit (Israël) - Comité israélien contre la démolition de maisons et membre du Conseil Communal de Jérusalem.

Daragh Murray (Irlande) – Conseiller juridique PCHR au nom de Raji Sourani (Palestine) - Vice-président de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, qui n'a pu être présent en raison du blocus général de Gaza et de la fermeture des frontières de Erez et Rafah, il n a pas été autorisé à quitter la bande de Gaza ni par Israël, ni par l’Egypte.

Raul Romeva (Espagne) - Parlementaire européen.

Clare Short (Royaume Uni) - Parlementaire et ancienne Secrétaire d’Etat pour le développement international.

Desmond Travers (Irlande) - Colonel retraité et membre de la mission d’enquête des Nations Unies qui a rédigé le Rapport Goldstone.

Francis Wurtz (France) - Ancien membre du Parlement Européen.

15.      Le TRP a suivi une procédure qui n’est ni celle de la CIJ, ni celle d’une juridiction pénale interne ou internationale, mais qui s’inspire de la méthodologie propre à toute instance judiciaire en termes d’indépendance et d’impartialité de ses membres.

IV.              Recevabilité

16.      Dans l’examen des relations de l’UE et de ses Etats membres avec Israël, le TRP se prononcera sur un certain nombre de violations du droit international imputées à Israël. L’absence d’Israël à la présente procédure n’est pas un obstacle à la recevabilité des rapports d’experts relatifs à ces violations. En se prononçant sur des violations du droit international imputées à un Etat absent à la présente instance, le TRP ne porte pas atteinte la règle du consensualisme en vigueur devant les juridictions internationales chargées de trancher les différends interétatiques (cfr. aff. Or monétaire et Timor Oriental, CIJ, Rec. 1954 et 1995). En effet, la présente procédure ne se confond pas avec un différend porté , par exemple, devant la CIJ : les faits présentés comme des violations du droit international commises par Israël dans les territoires palestiniens ont été qualifiés de cette manière par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que dans divers rapports, notamment dans ceux du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’Homme de la population des territoires occupés. Le Tribunal se borne, donc, à ce stade, à rappeler une réalité largement admise par la communauté internationale.

V.        Fond

17.      Dans les présentes conclusions, le TRP a utilisé selon les contextes, les expressions : Palestine, territoires palestiniens, territoire palestinien, territoires palestiniens occupés et peuple palestinien, sans préjudice du jugement qui sera rendu lors de la dernière session.

18.      Les conclusions du TRP porteront successivement sur :

-           les violations du droit international commises par Israël (A.)

-           les manquements de l’UE et de ses Etats membres à certaines règles spécifiques de droit international (B.)

-           les manquements de l’UE et de ses Etats membres à certaines règles générales de droit international (C.)

-           les manquements de l’UE et de ses Etats membres à l’interdiction de contribuer aux violations du droit international commises par Israël et les moyens de remédier à ces violations (D.)

           A.        Les violations du droit international commises par Israël

19.      Ayant pris connaissance des rapports des experts et ayant entendu les témoins cités par ceux-ci, le TRP constate qu’Israël viole et continue à violer gravement le droit international au préjudice du peuple palestinien. Pour le TRP, les comportements suivants d’Israël violent le droit international :

19.1.   en maintenant le peuple palestinien sous une domination et une subjugation qui empêchent ce peuple de déterminer librement son statut politique, Israël viole le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même puisqu’il ne peut exercer sa souveraineté sur le territoire qui lui revient ; ce fait viole la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (A/Rés. 1514 (XV), 14 déc. 1960) et toutes les résolutions de l’AGNU qui affirment le droit à l’autodétermination du peuple palestinien depuis 1969 (A/Rés. 2535 B (XXIV), 10 déc. 1969, et e.a., A/Rés. 3236 (XXIX), 22 nov. 1974, 52/114, 12 déc. 1997, etc) ;

19.2    occupant depuis juin 1967 des territoires palestiniens qu’il refuse de quitter, Israël viole les décisions du Conseil de sécurité qui l’obligent à se retirer de ces territoires (S/Rés. 242, 22 nov. 1967 ; 338, 22 oct. 1973) ;

19.3    en pratiquant à l’égard des Palestiniens se trouvant en territoire israélien ou dans les territoires occupés une politique systématique de discrimination, Israël commet des faits que l’on peut qualifier d’apartheid ; ces faits consistent notamment à

-         fermer des frontières de la bande de Gaza et limiter les déplacements de ses habitants,

-         empêcher le retour des réfugiés palestiniens dans leur maison ou sur leur terre d’origine,

-         interdire aux Palestiniens d’utiliser librement certaines ressources naturelles telles que l’eau de leurs terrains ;

19.4    étant donné le caractère discriminatoire de ces mesures puisqu’elles sont fondées notamment sur la nationalité de leurs destinataires, le TRP constate que ces mesures présentent des similitudes avec l’apartheid, même si elles ne sont pas l’expression d’un régime politique identique à celui pratiqué en Afrique du Sud avant 1994 et incriminés par la Convention sur la répression du crime d’apartheid du 18 juillet 1976 qui ne lie pas Israël mais qui n’exonère pas Israël de ses responsabilités dans ce domaine ;

19.5    en annexant Jérusalem en juillet 1980 et en poursuivant cette annexion, Israël viole l’interdiction d’acquérir un territoire par la force ainsi que l’a dit le Conseil de sécurité (S/Rés. 478, 20 août 1980)).

19.6    en construisant un mur en Cisjordanie sur des territoires palestiniens qu’il occupe, Israël prive des Palestiniens d’accès à leurs propres terrains, porte atteinte à leur droit de propriété et entrave gravement la liberté de circulation de la population Palestinienne  en violation de l’art. 12 du Pacte relatif aux droits civils et politiques  qui lie Israël depuis le 3 octobre 1991; l’illégalité de la construction de ce mur a été reconnue par la CIJ dans son avis consultatif du 9 juillet 2004, avis entériné par l’AGNU dans sa résolution ES-10/15 ;

19.7    en implantant systématiquement des colonies de peuplement à Jérusalem et en Cisjordanie, Israël viole les règles du droit international humanitaire régissant l’occupation, et notamment, l’art. 49 de la 4e

CG du 12 août 1949 qui lie Israël depuis le 6 juillet 1951. Ce point a été reconnu par la CIJ dans l’avis précité ;

19.8    en menant une politique d’attentats ciblés contre des Palestiniens qu’il présente comme des « terroristes » sans tenter de les arrêter au préalable, Israël viole le droit à la vie de ces personnes, droit consacré par l’art. 6 du Pacte relatif aux droits civils et politiques ;

19.9    en maintenant la bande de Gaza sous blocus contrairement aux dispositions de la 4e CG du 12

août 1949 (art. 33) qui prohibe les châtiments collectifs ;

19.10  en portant des dommages étendus et graves, notamment, à des personnes et à des biens civils et en utilisant des méthodes de combat prohibées lors de l’opération « plomb durci » à Gaza (décembre 2008 – janvier 2009).

20.      Si l’UE et ses Etats membres ne sont pas les auteurs directs de ces comportements, ils commettent néanmoins des violations du droit international, soit, en ne prenant pas les mesures que les comportements d’Israël l’obligent à prendre, soit en contribuant directement ou indirectement à ces comportements. Les dispositions pertinentes du Traité de Lisbonne de l’UE entré en vigueur en Décembre 2009, disposent que :

« PREAMBULE

CONFIRMANT leur attachement aux principes de la liberté, de la démocratie et du respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'État de droit,

Article 2

L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes.

Article 3

[…]

5. Dans ses relations avec le reste du monde, l'Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la protection de ses citoyens. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l'élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l'Homme, en particulier ceux de l'enfant, ainsi qu'au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies.

Article 17

1. La Commission promeut l'intérêt général de l'Union et prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l'application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l'application du droit de l'Union sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exerce des fonctions de coordination, d'exécution et de gestion conformément aux conditions prévues par les traités. À l'exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par les traités, elle assure la représentation extérieure de l'Union. Elle prend les initiatives de la programmation annuelle et pluriannuelle de l'Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels.

TITRE V

DISPOSITIONS GÉNÉRALES RELATIVES À L'ACTION EXTÉRIEURE DE L'UNION ET

DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES CONCERNANT LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE

SÉCURITÉ COMMUNE

CHAPITRE 1

DISPOSITIONS GÉNÉRALES RELATIVES À L'ACTION EXTÉRIEURE DE L'UNION

Article 21

1. L'action de l'Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu'elle vise à promouvoir dans le reste du monde: la démocratie, l'État de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international. L'Union s'efforce de développer des relations et de construire des partenariats avec les pays tiers et avec les organisations internationales, régionales ou mondiales qui partagent les principes visés au premier alinéa. Elle favorise des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations unies.

2. L'Union définit et mène des politiques communes et des actions et œuvre pour assurer un haut degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin:

a) de sauvegarder ses valeurs, ses intérêts fondamentaux, sa sécurité, son indépendance et son intégrité; C 115/28 FR Journal officiel de l'Union européenne 9.5.2008

b) de consolider et de soutenir la démocratie, l'État de droit, les droits de l'Homme et les principes du droit international;

c) de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies, ainsi qu'aux principes de l'acte final d'Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontières extérieures;

d) de soutenir le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d'éradiquer la pauvreté;

e) d'encourager l'intégration de tous les pays dans l'économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international;

f) de contribuer à l'élaboration de mesures internationales pour préserver et améliorer la qualité de l'environnement et la gestion durable des ressources naturelles mondiales, afin d'assurer un développement durable;

g) d'aider les populations, les pays et les régions confrontés à des catastrophes naturelles ou d'origine humaine; et

h) de promouvoir un système international fondé sur une coopération multilatérale renforcée et une bonne gouvernance mondiale.

3. L'Union respecte les principes et poursuit les objectifs visés aux paragraphes 1 et 2 dans l'élaboration et la mise en œuvre de son action extérieure dans les différents domaines couverts par le présent titre et par la cinquième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que de ses autres politiques dans leurs aspects extérieurs.

L'Union veille à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure et entre ceux-ci et ses autres politiques. Le Conseil et la Commission, assistés par le haut représentant de l'Union pour les Affaires étrangères et la politique de Sécurité, assurent cette cohérence et coopèrent à cet effet. »

B.        Les manquements de l’UE et de ses Etats membres à des règles spécifiques de droit international qui obligent l’UE et ses Etats membres à réagir aux violations du droit international commises par Israël

21.      Certaines règles de droit international obligent l’UE et ses Etats membres à agir pour empêcher certaines violations spécifiques du droit international commises par Israël. Ainsi,

-         en ce qui concerne le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la Déclaration de l’AGNU sur les relations amicales (A/Rés. 2625 (XXV), 24 oct. 1970) affirme, en son 4e principe (2e al.) :

« Tout Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec d’autres Etats ou séparément, la réalisation du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes […] et d’aider l’ONU à s’acquitter des responsabilités que lui a conférées la Charte en ce qui concerne l’application de ce principe […] » ; (CIJ, Rec. 2004, § 156)

de même, le Pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques prévoit que

« Les Etats parties […] sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »

-         en ce qui concerne les droits humains, la même Déclaration affirme au même endroit (4e principe, 3e al.) :

« Tout Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec d’autres Etats ou séparément, le respect universel et effectif des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, conformément à la Charte » (voy. aussi, 5e principe, 2e al) ;

-         en outre, l’accord d’association euro-méditerranéen du 20 novembre 1995 (JOCE L 147/1 du 21 juin 2000), dispose que les relations entre les parties

« sont fondées sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques qui guident leur politique intérieure et internationale et constituent un élément essentiel du présent accord » (art. 2) ;

cette disposition oblige l’UE et ses Etats membres à veiller au respect des droits et libertés fondamentaux par Israël, et réciproquement ; en s’en abstenant, l’UE et ses Etats membres violent l’accord ; ainsi que la CJCE l’a démontré dans l’aff. Brita (CJCE, 25 février 2010) le droit de l’UE s’applique également aux relations de l’UE avec Israël ; certes, l’accord d’association prévoit aussi que celui-ci n’empêche pas :

« une partie de prendre les mesures […] c) qu’elle estime essentielles pour assurer sa propre sécurité en cas de troubles intérieurs graves affectant le maintien de l’ordre public, en temps de guerre ou de graves tensions internationales constituant une menace de guerre ou en vue de mener à bien les obligations qu'elle a acceptées en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales » (art. 76) ;

le TRP ne voit cependant pas en quoi cette possibilité reconnue aux parties contractantes pourrait justifier l’abstention de l’UE et de ses Etats membres à remplir leur obligation de vigilance pour assurer le respect des droits humains par l’autre partie ; c’est au contraire, le respect de cette obligation qui peut contribuer à maintenir « la paix et la sécurité internationales » ;

-         en ce qui concerne le droit international humanitaire, l’art. 1 commun aux 4 CG de 1949 dispose que « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et faire respecter » ces conventions ; comme la CIJ l’a dit dans l’aff. du Mur,

« Il résulte de cette disposition l’obligation de chaque Etat partie à cette convention [la 4e CG],

qu’il soit partie ou non à un conflit déterminé, de faire respecter les prescriptions des instruments concernés » (CIJ, Rec. 2004, § 158) ;

Le commentaire officiel du CICR a mis l’accent sur la signification de l’article premier, en disant ceci :

Il s’agit “d'une série d'engagements unilatéraux, solennellement assumés à la face du monde représenté par les autres Parties contractantes. Chaque Etat s'oblige aussi bien vis-à-vis de lui-même que vis-à-vis des autres. Le motif de la Convention est tellement supérieur, il est si universellement reconnu comme un impératif de la civilisation, qu'on éprouve le besoin de le proclamer, autant et même plus pour le respect qu'on lui porte que pour celui que l'on attend de l'adversaire.

Les Parties contractantes ne s'engagent pas seulement à respecter la Convention, mais encore à la ' faire respecter '. La formule peut sembler pléonastique : lorsqu'un Etat s'engage à quelque chose, il oblige par là-même tous ceux sur qui il a autorité ou qui représentent son autorité ; il s'oblige à donner les ordres nécessaires. Cependant, c'est à dessein que, dans les quatre Conventions, on a employé cette formule, destinée à renforcer la responsabilité des Parties contractantes

[…]

Compte tenu de ce qui précède et du fait que les dispositions relatives à la répression des violations sont considérablement renforcées (2), on doit bien constater que l'article premier  loin d'être une simple clause de style, a été volontairement revêtu d'un caractère impératif. Il doit être pris à la lettre.”

le fait que l’UE ne soit pas partie aux CG n’empêche pas l’applicabilité de leurs règles à l’UE ; ainsi, dans l’aff. précitée du Mur, la CIJ a considéré qu’une organisation internationale comme l’ONU, qui n’était pas non plus partie aux CG, devait agir pour assurer le respect de ces conventions ; pour la Cour,

« Spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé » (CIJ, Rec. 2004, § 160) ;

D’ailleurs, l’étude du CICR sur le droit international humanitaire coutumier dispose que les Etats

« doivent dans la mesure du possible exercer leur influence pour faire cesser les violations du droit international humanitaire » (règle 144) ;

Comme il s’agit d’une règle coutumière, elle est aussi applicable aux organisations internationales.

De plus, conformément au DIH, et au-delà de l´article 1 commun aux quatre Conventions de Genève, les Etats membres de l´Union européenne ont l’obligation de mettre en oeuvre les obligations spécifiques visant à appliquer la compétence universelle  (CG art. 147) comme le rappelle la Mission d’établissement des faits sur le conflit de Gaza, établie par le Conseil des Droits de l’Homme en Septembre 2009 (Doc.ONU A/HRC/12/48, 12 Septembre 2009, para. 1857 et 1975).

En outre, l´article 146 de la 4ème Convention dispose que chaque Etat “prendra les mesures nécessaires pour faire cesser” les violations de la Convention autre que les infractions graves prévues à l’article 147.

Art 146

Les Hautes Parties contractantes s'engagent à prendre toute mesure législative nécessaire pour fixer les sanctions pénales adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l'ordre de commettre, l'une ou l'autre des infractions graves à la présente Convention définies à l'article suivant.

Chaque Partie contractante aura l'obligation de rechercher les personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre, l'une ou l'autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée à la poursuite, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes.

Chaque Partie contractante prendra les mesures nécessaires pour faire cesser les actes contraires aux dispositions de la présente Convention, autres que les infractions graves définies à l'article suivant.

En toutes circonstances, les inculpés bénéficieront de garanties de procédure et de libre défense qui ne seront pas inférieures à celles prévues par les articles 105 et suivants de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949.

Art 147                                                      

Les infractions graves visées à l'article précédent sont celles qui comportent l'un ou l'autre des actes suivants, s'ils sont commis contre des personnes ou des biens protégés par la Convention : l'homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé, la déportation ou le transfert illégaux, la détention illégale, le fait de contraindre une personne protégée à servir dans les forces armées de la Puissance ennemie, ou celui de la priver de son droit d'être jugée régulièrement et impartialement selon les prescriptions de la présente Convention, la prise d'otages, la destruction et l'appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire.

Il faut noter que l’Autriche, la France, la Grèce et l’Italie sont quatre pays membres de l’UE qui ne se sont  pas conformes à l’article 146 (1) de par le fait que leur législation interne ne permet pas l’exercice de la juridiction universelle envers les personnes suspectées de violations des crimes listés à l’article 147.

Une attention particulière est mise sur le fait que l’article 146 demande non seulement l’application de la compétence universelle aux personnes suspectées d’être responsables d’infractions graves, mais aussi que, conformément à l’article 146 (3) les Etats sont obligés de prendre des mesures efficaces pour réprimer les violations non graves également, ce qui est expliqué comme suit dans le commentaire officiel du CICR relatif à la Convention.

« … en vertu du présent paragraphe, les Puissances contractantes doivent également réprimer les « autres actes contraires à la présente Convention ».

La formule n'est pas, à vrai dire, très précise. L'expression « faire cesser », employée dans le texte français, peut donner lieu à différentes interprétations. Elle couvre, à notre avis, tout ce qui peut être fait par un Etat pour éviter que des actes contraires à la Convention ne soient commis ou ne se répètent (…) Cependant, il est hors de doute qu'il
s'agit en premier lieu de la ' répression ' des infractions autres que les infractions graves et, en second lieu seulement, des mesures qui peuvent être prises, dans le domaine administratif, pour assurer le respect des dispositions de la Convention. ».

C.        Les manquements de l’UE et de ses Etats membres à des règles générales de droit international qui obligent l’UE et ses Etats membres à réagir aux violations du droit international commises par Israël

22       Les violations du droit international commises par Israël sont, fréquemment, des violations de « normes impératives » du droit international (jus cogens) : attentats ciblés qui violent le droit à la vie, privation de liberté de Palestiniens dans des conditions qui violent l’interdiction de la torture, violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, conditions de sujétion d’un peuple qui constituent une forme d’apartheid.

23       Le caractère impératif de ces normes découlent de leur caractère indérogeable (voy. pour le droit à la vie et l’interdiction de la torture, Pacte relatif aux droits civils et politiques, art. 4, § 2, et Convention du 10 décembre 1984 contre la torture, art. 2, §§ 2-3) ou de leur assimilation explicite à des « normes impératives » par la doctrine la plus éminente, à savoir, la Commission du droit international (CDI) (voy. pour l’interdiction de l’apartheid et le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, projet CDI sur la responsabilité des Etats, commentaire de l’art. 40, Rapport CDI, 2001, pp. 305-307). (a véfrifier partie en gras)

24       Lorsqu’ils sont des témoins même éloignés de la violation de ces normes, les Etats et les organisations internationales ne peuvent pas rester passifs et indifférents : la CDI, à l’art. 41 de son projet sur la responsabilité des Etats, a adopté une disposition déclarant que

« 1. Les Etats doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave au sens de l’art. 40 [violation d’une norme impérative du droit international]. »

            Dans son commentaire, la CDI précise que

« l’obligation de coopérer s’applique à tous les Etats, qu’ils aient été ou non directement touchés par la violation grave. Face à des violations graves, un effort concerté et coordonné de tous les Etats s’impose pour en contrecarrer les effets. » (Rapport CDI, 2001, p. 308).

25       L’UE et ses Etats membres sont donc obligés de réagir, dans le respect du droit international, pour empêcher les violations des normes impératives du droit international et enrayer leurs conséquences. En ne prenant pas de mesures appropriées à cet effet, l’UE et ses Etats membres manquent à une obligation élémentaire de vigilance du respect des normes les plus fondamentales du droit international.

26       Le TRP estime que cette obligation de réaction implique, en raison des règles de bonne foi et de diligence l’obligation de veiller à ce que la réaction contre des violations des normes impératives du droit international satisfasse un principe d’efficacité raisonnable. A cette fin, l’UE et ses Etats membres doivent utiliser toute voie de droit disponible pour assurer le respect du droit international par Israël. Elle suppose donc des comportements qui vont au-delà de simples déclarations condamnant les violations du droit international commises par Israël. Certes, le TRP prend acte de ces déclarations mais celles-ci ne sont qu’un début d’application des obligations internationales de l’UE et de ses Etats membres ; elles n’épuisent pas le devoir de réaction que les règles de droit international leur imposent.

27       Enfin, le TRP tient à souligner que l’obligation de réagir contre des violations des normes impératives du droit international devrait être soumise à une règle de non-discrimination et d’exclusion du double standard : le TRP est parfaitement conscient du fait que les Etats n’ont pas codifié une règle d’équidistance dans l’obligation de réaction, mais il pense que les principes de bonne foi et d’interprétation raisonnable du droit international conduisent inévitablement à une telle règle : ne pas l’admettre ne peut que mener à « un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable », ce que le droit des traités exclut (Convention de 1969 sur le droit des traités, art. 31, b). Dans ces conditions, le TRP juge inacceptable et contraire à la logique juridique précitée que l’UE suspende, de facto, ses relations avec la Palestine lorsque le Hamas est élu à Gaza et maintienne celles-ci avec un Etat qui viole le droit international sur une bien plus grande échelle que le Hamas.

D.        Les manquements de l’UE et de ses Etats membres à l’interdiction de contribuer aux violations du droit international commises par Israël

28       Le TRP constate que les rapports d’experts mettent en évidence des formes d’assistance passive et active de l’UE et de ses Etats membres aux violations du droit international commises par Israël. Ont ainsi été, notamment, mises en évidence :

- des exportations d’armes et de composants d’armes d’Etats de l’UE vers Israël, certaines de ces armes ayant été utilisées lors du conflit de Gaza en décembre 2008-janvier 2009 ;

- des exportations de produits en provenance des colonies de peuplement se trouvant dans les territoires occupés vers l’UE ;

- la participation de ces colonies à des programmes européens de recherche ;

- l’absence de réclamation de l’UE pour la destruction d’infrastructures à Gaza par Israël lors de l’opération « plomb durci » ;

- l’abstention de l’UE à exiger d’Israël le respect des clauses relatives au respect des droits humains figurant dans divers accords d’association conclu par l’UE avec Israël ;

- la décision de l’UE d’approfondir ses relations dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen  avec Israël ;

- les tolérances de l’UE et de ses Etats membres à l’égard de certaines relations économiques d’entreprises européennes avec Israël pour des projets commerciaux dans les territoires occupés tels que la gestion de la décharge de Tovlan dans la vallée du Jourdain et la construction d’une ligne de tramway à Jerusalem-Est

29       Pour que ces faits puissent apparaître comme une assistance ou une aide illicite à Israël, deux conditions doivent être remplies : l’Etat qui apporte son assistance doit le faire dans l’intention de faciliter le fait illicite imputable à Israël et il doit agir en connaissance de cause ; l’art. 16 du projet de la Commission de Droit International (CDI) de l’ONU sur la responsabilité des Etats dispose :

« L’Etat qui aide ou assiste un autre Etat dans la commission du fait internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable pour avoir agi de la sorte dans le cas où

a)                 ledit Etat agit en connaissance des circonstances du fait internationalement illicite, et

b)                 le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet Etat. »

Dans son commentaire, la CDI précise que l’Etat qui assiste l’auteur du fait illicite entend faciliter l’adoption du comportement illicite et l’Etat assisté adopte effectivement ce comportement ; la responsabilité de l’Etat aidant est engagée même si cette assistance n’est pas une condition essentielle du comportement illicite pourvu que cette assistance « y ait contribué de façon significative » (Rapport CDI, 2001, p. 166). Il faut donc que l’Etat aidant soit conscient du fait qu’Israël viole le droit international et que l’aide apportée à Israël était destinée à faciliter ces violations.

30.      In casu, l’UE et ses Etats membres ne pouvaient ignorer que certaines formes d’assistance apportées à Israël contribuaient ou contribueraient nécessairement à certains faits illicites commis par Israël. Tel est le cas

-         d’exportations d’équipements militaires vers un Etat qui maintient depuis plus de 40 ans une occupation illégale ;

-         d’importations de produits provenant des colonies de peuplement se trouvant dans les territoires occupés, sans véritable contrôle par les autorités douanières des Etats membres de l’UE de l’origine de ces produits, sinon, de manière exceptionnelle (CJCE, 25 février 2010, Brita), alors que l’exception devrait devenir la règle .

-         de preuves contenues dans un rapport publié 2005 et réitérées dans des rapports internes par des représentants officiels de l’UE aux organes de l’UE, énumérant des violations de façon détaillée et qui ne sont qu’ignorées par ces organes.

Dans les deux cas, ces comportements contribuaient « de façon significative » aux faits illicites commis par Israël même s’ils n’étaient pas une cause directe de ces faits, et il était raisonnablement impossible que l’UE et ses Etats membres eussent pu l’ignorer. D’ailleurs, ils disposaient des rapports concordants de leurs représentants en poste à Jerusalem Est et à Ramallah, rapports qui leur étaient adressés chaque année depuis 2005 et qui allaient systématiquement dans le même sens. Dans ces conditions, il n’est pas douteux qu’une complicité dans les faits illicites précités commis par Israël est imputable à l’UE et à ses Etats membres et qu’elle engage leur responsabilité.

31       La participation des colonies de peuplement à des programmes européens de recherche, l’absence de protestation de l’UE, lors de l’opération « plomb durci », pour la destruction par Israël d’infrastructures que l’UE avait financées à Gaza, ou encore la proposition de rehaussement des relations bilatérales entre l’UE et Israël, sont des faits qui sont présentés par plusieurs experts comme une assistance à Israël dans les violations du droit international qui lui sont imputées. La CDI estime que dans des cas de ce genre, il faut vérifier « soigneusement » si l’Etat accusé d’assistance illicite savait qu’il facilitait un fait illicite. La CDI écrit :

« Dans les cas où un Etat est accusé d’avoir, par son aide, facilité des atteintes aux droits de l’homme commises par un autre Etat, les circonstances de chaque espèce doivent être examinées soigneusement en vue de déterminer si l’Etat concerné, en apportant son aide, savait qu’il facilitait la commission d’un fait internationalement illicite et entendait la faciliter » (Rapport CDI 2001, p. 168)

Si les faits de l’UE et de ses Etats membres ne contribuent pas directement aux violations du droit international commises par Israël, ils apportent une forme de caution à la politique d’Israël et l’encouragent à violer le droit international, car ils placent l’UE et ses Etats membres dans un rôle de spectateurs approbateurs. Comme l’a dit le TPIY,

"Alors que l'on peut dire de tout spectateur qu'il encourage un spectacle, le public étant l'élément indispensable de tout spectacle, le spectateur a été dans ces affaires [des affaires allemandes citées par la Chambre] déclaré complice uniquement lorsque sa position d'autorité était telle que sa présence avait pour effet d'encourager ou de légitimer notablement les actes des auteurs." (TPIY, aff. IT-95-17/1-T, Furundzija, 10 déc. 1998, § 232).

Ainsi que l’a précisé un expert, le silence de l’UE et de ses Etats membres apparaît comme une approbation tacite ou un signal d’acceptation des violations du droit international par Israël. Etant donné qu'il est impossible que l'UE et ses Etats membres eussent ignoré les violations du droit international commises par Israël, le TRP conclut que les faits en cause sont constitutifs d'assistance illicite à Israël au sens de l'art. 16 précité du projet CDI sur la responsabilité des Etats.

A ce stade de la procédure, le TRP appelle :

(i) l’UE et ses Etats membres à remplir immédiatement leurs obligations en mettant fin aux  infractions spécifiées à la section C et aux manquements spécifiés dans la section D du présent document.

(ii) l’UE en particulier à mettre en œuvre la résolution du parlement européen demandant la suspension de l’accord d’association UE-Israël et par là-même mettre fin à l’impunité dont Israël bénéficie jusqu’à aujourd’hui

(iii) les Etats membres à mettre en œuvre les recommandations définies au paragraphe 1975 (a) du rapport de la mission de l’ONU sur le conflit à Gaza (rapport Goldstone) eut égard à la collecte de preuves et à l’exercice de la compétence universelle contre des suspects israéliens et palestiniens ; et

(iv) les Etats membres de l’UE d’abroger la condition, au sein d’Etats membres, qu’un suspect soit résident de cet Etat, ou toute autre restriction qui empêche d’être conforme à l’obligation de poursuivre ou d’extrader tout criminel de guerre suspecté et recherché par les Etats membres

(v) les Etats membres de l’UE à assurer que les lois et les procédures relevant de la compétence universelle soient rendues en pratique les plus efficaces possible, y compris par la coordination et la mise en œuvre d’accords de coopération mutuelle entre Etats en matière criminelle, par le biais des points de contacts de l’UE sur le crime transfrontalier et international :EUROPOL et INTERPOL, etc.

(vi) les Etats membres à ne pas effectuer de modifications qui limiteraient les effets des lois de compétence universelle existantes, de façon à s’assurer qu’aucun Etat membre ne puisse devenir un refuge pour les  personnes suspectées de crimes de guerre,

(vii) Les Parlements d’Autriche, de France, de Grèce et d’Italie à promulguer des lois en conformité avec l’article 146 de la IV Convention de Genève pour permettre l’exercice de la compétence universelle dans ces Etats,

(viii) les individus, groupes et organisations à prendre toutes les mesures qui leur sont offertes afin d’amener  l’UE et ses Etats membres à respecter leurs obligations ci-dessus mentionnées, telles que l’utilisation de la compétence universelle contre des individus suspectés de crimes, l’exercice de poursuites au civil, au niveau national, contre des gouvernements et/ou contre leurs différents départements, agences et compagnies privées. Pour ce faire, c’est l’intention du TRP de soutenir ou de faire soutenir par d’autres des recherches visant à définir dans quels pays et juridictions ces crimes pourront être poursuivis de manière effective

(ix) à ce que les actions légales actuellement en cours dans le cadre du BDS soit renforcées et élargies au sein de l’UE et plus globalement.

Le TRP appelle l’Union européenne et chacun de ses Etats membres à imposer les sanctions nécessaires à son partenaire - Israël - par des mesures diplomatiques, commerciales et culturelles, afin de mettre un terme à l’impunité dont il bénéficie depuis des décennies. Au cas où l’UE et les Etats membres n’en montreraient pas le courage, le Tribunal compte sur les citoyennes et les citoyens de l’Europe pour exercer les pressions nécessaires par tous les moyens appropriés.

VI.              Suite de la procédure

32.      Ces conclusions clôturent la 1e session du TRP à Barcelone. Ainsi que le Tribunal l’a dit, ces

conclusions sont provisoires : elles procèdent d’une évaluation prima facie des faits portés à sa connaissance et sans préjudice du jugement final que le TRP prononcera lors de sa dernière session. A cet effet, il espère que l’UE et ses Etats membres participeront plus activement à la suite de la procédure en faisant valoir leur point de vue afin d’éviter que le TRP ne tire des conclusions erronées du fait de leur silence et de leur absence.

Communiqué de presse 3

Deuxième journée de la première session du tribunal Russell sur la Palestine

                              

Mardi 2 mars, toujours dans la Sala d’Actes de l’Illustri Collegi d’advocats de Barcelona, se poursuivait le tribunal Russell sur la Palestine. Le jury a entendu les experts et témoins sur les questions suivantes : les accords d’association EU-Israël, le blocus de Gaza et l’opération plomb durci, le mur construit dans les territoires palestiniens occupés.

Les accords d’association EU-Israël

Le premier témoin fut Raül Romeva, membre du Parlement européen, qui expliqua les problèmes rencontrés dans les accords d’association empêchant une gestion positive du conflit. Ces accords d’association visent à établir une relation privilégiée de l’UE avec une région ou un pays. Ils comportent en général 3 parties : la zone de libre commerce, la coopération institutionnelle (renforcement des institutions) et la coopération. Ils ont tous une clause « démocratique » qui oblige les parties signataires d’annuler l’accord si une des parties considère que l’autre ne respecte pas ses obligations ou les droits de l’homme prévus dans les accords. Personne n’a rappelé cette clause jusqu’à présent, ni pour Israël ni pour un autre pays. Mais il y a eu des demandes de mettre fin aux accords de coopération avec Israël qui ont été faites au Parlement européen pour une violation continue et réitérée des droits humains. Malheureusement, le vote était contre au motif de maintenir le dialogue ouvert avec Israël. Le paradoxe, souligne l’orateur, est que beaucoup d’arguments justifiant cette attitude ne sont jamais utilisés pour d’autres pays du monde !

Deuxième point abordé par Raül Romeva est le code de conduite sur l’exportation d’armes, une position commune de l’UE (2008) devenu outil juridique. 8 critères en font partie et 2 questions importantes : des références plus strictes au droit international humanitaire et au suivi de l’exportation des armes européennes et utilisation finale de ces armes. Malgré tout, on voit que c’est insuffisant pour empêcher que des armes européennes soient utilisées dans des conflits dans le monde. L’imprécision de certains critères permet leur interprétation variée. Au moins 6 critères sur 8 sont violés de façon flagrante : le respect des obligations et des accords internationaux de la part des pays receveur de ces armes, et la liste pour Israël est très longue ; le respect des doits de l’homme dans les pays destinataires ; la stabilité régionale de la paix et la sécurité ; la sécurité des Etats membres EU et l’impact de ces exportations sur les Etats; le comportement du pays qui achète ces armes par rapport à la communauté internationale et particulièrement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.  Il est évident que ces critères sont violés de façon flagrante par Israël. La France, l’Allemagne et la Roumanie sont les principaux pays exportateurs d’armes vers ce pays. La Grande Bretagne, elle, a décidé d’annuler ses exportations. Il faudrait exiger des Etats membres qu’ils divulguent le type d’armes qu’ils exportent.

A la question d’un membre du jury sur Israël qui refuse de signer le traité de non prolifération des armes nucléaires, l’orateur se demande quelle est la légitimité de l’UE (et notamment de la France et la Grande-Bretagne qui sont aussi des puissances nucléaires, pour exiger la dénucléarisation des autres ? Il faudrait la dénucléarisation de tous… Il dénonce aussi les attitudes différentes par rapport à l’Iran et Israël ! Le premier pays doit être transparent et doit renoncer à l’enrichissement de l’uranium mais Israël qui a pourtant reconnu être une puissance nucléaire. Cela provoque une perte énorme de crédibilité de l’Europe. L’orateur souligne qu’il y a des accords contraignants pour les armes de destruction massive mais pas  pour les armes conventionnelles. Pour cela, il y a des codes de conduites qui ne sont pas aussi contraignants. Si un destinataire d’armes correspond à un des 8 critères, les Etats membres devraient empêcher les exportations. Sinon ils deviennent complices des acheteurs d’armes.

Selon l’orateur, la liste des organisations terroristes, constituée par l’Union est aussi un problème d’autant que certains acteurs veulent l’augmenter. Elle est conçue pour inclure des organisations et pas des Etats même si des Etats agissent comme des organisations terroristes ! Donc, beaucoup pensent que cette liste est inefficace. 

 

L’experte Agnès Bertrand (Belgique, chercheuse et spécialiste du Moyen-Orient, APRODEV) expose des cas de complicité passive de l’UE avec Israël. Or, l’UE est le premier bailleur de fonds de l’autorité palestinienne et de l’aide humanitaire aux Palestiniens. La politique de colonisation interfère et mets à mal la mise en œuvre de cette politique. Soit, l’Europe réagit à ces violations du droit et donc se conforme à ses obligations internationales, soit elle ne réagit pas et ce silence est compris comme une acceptation de l’attitude d’Israël, une carte blanche aux violations du droit international. L’oratrice prend pour exemple les exportations des produits des colonies dans les marchés européens mais avec certificat d’origine israélienne. C’est devenu un point de contentieux aigu entre l’UE et ce pays. Il n’y a eu qu’une recherche d’arrangement technique : mentionner le code postal de la localité d’origine ainsi les douaniers européens peuvent taxer ces produits. Or, il y a  des fraudes, même si pas systématiques. Il faudrait renverser la charge de la preuve et demander à Israël de définir l’origine des produits. L’absence de mesures préalables est donc une forme d’accord à la politique israélienne.

L’aide aux Palestiniens est l’exemple le plus criant de complicité passive : en juillet 2009, la représentation de la Commission dans les territoires occupés publie un communiqué de presse dénonçant la politique de colonisation empêchant la paix et que cela est payé par le contribuable européen ! La Commission rétorque que cela ne reflète pas sa position qui est de condamner la colonisation mais que la situation est plus complexe et que israël prend quelques bonnes mesures à soutenir. Les Etats membres de l’UE et l’UE connaissent fort bien le problème mais ne veulent pas réagir. Plutôt que de mettre fin au processus, l’UE a engagé une assistance humanitaire accrue. Il s’agit de payer pour les pots cassés et d’adopter une silence complice car les intérêts européens sont en jeu. Autre exemple : la destruction des infrastructures données à l’AP et financées par l’UE. Depuis 2000, cela représente 56,30 millions d’euros (12,35 millions d’euros à Gaza pendant « Plomb durci ») de dommages. La Commission européenne et les Etats ne manifestent aucune intention de demande réparation des dégâts ! Et aucun soutien juridique n’est donné à l’Autorité palestinienne pour demander des réparations des dommages.

Selon Agnès Bertrand, l’acteur principal reste les USA. La politique EU se place dans les interstices laissés par les USA. Ainsi, l’Europe a déboursé quelque 6 milliards d’euros pour aider à créer un Etat palestinien, mais elle reste très dépendante da la politique nord-américaine.

Patrice Bouveret (France), président de l’Observatoire des Armements expliqua que l’UE est le second acteur au niveau militaire avec Israël mais que cela ne représente que 5% des exportations d’armes par rapport aux USA ! Il n’y a aucune règlementation sur les armes conventionnelles mise en place au niveau international mis à part les Conventions de Genève. Un débat est en cours aux Nations unies mais il faudra attendre encore longtemps ! Il faudra établir une liste précise du matériel exporté car les données disponibles sont financières et ne portent pas sur le type de matériel. Il y a un registre des armes à l’ONU mais il est établi sur base volontaire et ne comprend que les grandes catégories d’armements et depuis peu les armes légères. Israël ne déclare rien. Des pays de l’UE oui, donc on peut constater les exportations d’armes légères d’Italie, Allemagne, Roumanie, utilisées en contradiction des Conventions de Genève.

Il faut affiner un code de conduite. En 1991, lors de la Guerre du Golfe, les Européens ont été confrontés en Irak aux armes qu’ils y avaient vendu ! L’harmonisation des politiques européennes d’armement a primé sur le principe de précaution. Il s’agit d’un problème de transparence et de manque listes précises de matériel exporté. Au cas par cas, on interdit des exportations d’armes si celles-ci servent réellement à enfreindre droits humains. Seul un rapport annuel permet d’obtenir des données globales, financières sur les contrats et depuis quelques années selon les catégories de matériel militaire (22), mais on ne  connaît pas le détail et donc on ne peut prouver que ces armes servent à la répression des Palestiniens.

Il faudrait renverser la charge de la preuve : à Israël à démontrer que ces armes n’ont pas été utilisées dans le conflit avec les Palestiniens.

L’orateur avertit : ce conflit sert de laboratoire pour la remise en cause des acquis en matière de protection de civils et de règles dans la guerre, donc, battent en brèche les Conventions de Genève et sert de modèle à la gestion des conflits qui peuvent se dérouler sur les territoires européens eux-mêmes, comme en France dans les banlieues…

Véronique De Keyser (Belgique), membre du Parlement européen dénonça la gravité des violations commises par Israël avec la complicité européenne. Elle constate un changement radical par rapport aux années 90, lors du gel des accords d’association par Cheysson. Et, à la veille de la guerre de Gaza, évoquait l’upgrading d’Israel… « Il y a une véritable responsabilité active de l’UE dans les drames. En 2006, après les élections législatives palestiniennes, au bout de 3 mois l’UE a décidé de sanctionner économiquement l’Autorité palestinienne. Ce fut un coup de tonnerre ! », expliqua Véronique De Keyser.  Gaza était déjà dans une situation lamentable, l’AP proche de la banqueroute à cause des USA. D’où la reprise de la violence, un attentat à Tel Aviv, le crise humanitaire Gaza… « La question est : pourquoi punir les Palestiniens ? L’Europe joue au pompier pyromane : elle crée un mécanisme intérimaire d’aide aux Palestiniens : l’aide humanitaire seulement, on achète aux Israéliens le fuel et l’électricité et on donne une allocation aux plus pauvres palestiniens pour qu’ils ne meurent pas de faim…

Puis ce fut l’escalade de violence, l’embrasement Moyen Orient par l’opération « Pluie d’été » sur Gaza avec déjà des destructions importantes. Avec la guerre israélo-libanaise, la ligne rouge était dépassée. L’Italie et la France ont fait pression pour que soit établie la Finul au Liban. Les Parlementaires européens voulaient qu’Israël rende des comptes… et l’on a discuté au Conseil de l’upgrading… sans parler des dédommagements et puis on fait une conférence de donateurs pour reconstruire le Liban !

Deuxième événement : en décembre 2006, E. Olmert et T. Livni rencontrent une délégation de parlementaires européens. Olmert dit qu’il faut renforcer le fatah. Donc, donner des armes et de l’argent à Abbas… pour contrôler le Hamas (et se battre contre lui). Printemps 2007, jamais les Européens ni les USA ni Israël n’ont voulu favoriser l’unité palestinienne mais ils ont poussé aux affrontements.

En décembre 2008, T. Livni annonce une intervention militaire au Parlement européen. Conclusion du Conseil européen : le renforcement de la coopération avec Israël ! L’Europe savait qu’il y aurait « Plomb durci » et a donné son soutien politique à Israël. Mais le Parlement refuse. La présidence française de l’Europe considère que l’upgrading est le meilleur moyen de se faire entendre par Israël. Il s’agit d’une politique qui se superpose à toutes nos règles et clauses de manière incohérente. Le rapport Golstone fut une pierre dans la mare : pas de réaction du parlement européen, on en a parlé avec équidistance ahurissante (des morts des deux côtés). La société civile doit pallier les insuffisances des politiciens. La député place tout de même quelques espoirs en la nouvelle équipe européenne.

Un membre du jury posa la question du Hamas présent sur la liste des terroristes alors qu’il est représentant légitime du peuple palestinien. Véronique de Keyser stigmatisa cette liste opaque, sans contrôle démocratique, plusieurs fois prise en défaut car il n’y a pas de droit à la défense. Ainsi, les Moudjahidine du peuple (Iran) qui voulaient en sortir ont gagné devant Cour européenne de Justice. L’ UE n’a fait aucune remarque au Hamas avant les élections et la liste électorale comprenait des candidats non Hamas. Après ces élections, un quart du gouvernement et du parlement palestinien a été mis en prison par Israël, sans la moindre réaction européenne. Or, partout dans le monde, on réagit quand des parlementaires sont mis en prison, s’offusqua Mme de Keyser.

L’analyse de ce point se termina par les exposés de Phil Shiner (UK), avocat et Clare Short (UK) membre du Parlement et ancien secrétaire d’Etat pour le développement international.

Phil Shiner a centré son intervention sur l’examen du droit international applicables à d’autres Etats . En 2004, la Cour Internationale de Justice a énoncé les principes légaux applicables à ce qu’Israël faisait à l’époque et les principes légaux pour les Etats qui ne font rien qu’émettre des platitudes diplomatiques. Or, la Cour voulait que les Etats prennent des positions fermes. Il y a des normes légales péremptoires (génocide, esclavage, confiscation des terres etc.). Or Israël, selon la CSJ, a enfreint des normes comme le droit à l’autodétermination, l’interdiction de prendre des terres par la force et le respect de droit humanitaire international. Plus tard, ce pays a enfreint l’interdiction d’utiliser des armes qui ne font pas la distinction entre civils et militaires, un crime de guerre précisé dans le rapport Goldstone.

Les Etats doivent coopérer pour mettre fin à toute transgression de ces principes. Quand Israël enfreint un droit péremptoire, aucun Etat ne doit lui porter assistance. Il est évident que cette loi est violée en ce qui concerne les armements, par exemple.

Les Conventions de Genève explicitent les principes péremptoires qui ne peuvent être transgressés, crimes de guerre doivent être soumis au tribunal international, chaque Etat a l’obligation de faire quelque chose et c’est juridiquement possible. Selon la loi communautaire européenne, toutes les parties doivent respecter le droit international et les droits humains. Société civile peut prendre l‘initiative sinon les affaires restent aux mains de diplomates.

Un membre du jury rappela que selon le traité de Lisbonne, un million de citoyens peuvent demander opinion juridique à l’UE sur ses relations avec Israël.   

Un autre demanda quelles sont les actions légales contre les Etats qui commercent des armes avec Israël.

M. Shiner répondit que le Conseil de sécurité et israël ont ignoré l’avis de la CSJ.

Tout Etat peut prendre des actions légales contre un Etat qui commerce illégalement des armes. Des ONG, des individus pourraient remettre en cause la légalité des actions d’un Etat donné. Il existe des organismes des droits humains qui pourraient travailler à ce sujet.

Quant à la question  de la juridiction universelle, qui a été réduite en Espagne par exemple, M. Shiner répondit que tous les Etats qui ont signé les Conventions de Genève sont dans une  juridiction universelle !

C’est en tant que témoin que s’exprima Clare Short, membre du Parlement britannique. L’UE et chaque Etat membre est complice des violations des lois internationales par Israël par le biais des accords d’association. Lors des réunions périodiques avec ce pays tout Etat membre peut mentionner les points qui vont contre l’accord, aucun  pays ne l’a fait jusqu’à présent. Or, l’article 2 de cet accord contient le respect DH. « Ne rien faire est un grand risque pour le droit au niveau mondial, et un risque pour l’humanité », déclara Clare Short. La CIJ a émis un avis fort mais depuis les choses ont empiré. Israël veut la terre sans les habitants, c’est pire que l’apartheid, c’est une punition collective. Europe a responsabilité historique dans cette situation. De plus,  Israël met en danger son futur par cette politique d’apartheid. Or, dans cas similaires, l’Europe a pris des actions contre l’élite du Zimbabwe par exemple, contre le Sri Lanka, qui ne respectaient pas le droit international ni le droit humain et donc des actions ont suivi. Les sociétés civiles doivent exiger que soient respectés tous les termes des traités.

Les avocats des Etats membres devraient s’unir pour porter ces questions devant les tribunaux.

La société civile peut révoquer le droit d’accès aux produits israéliens et Clare Short d’évoquer les actions BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions) diverses.

Communiqué de presse 4                           

Tribunal Russell sur la Palestine

La séance de l’après-midi du tribunal Russell sur la Palestine, mardi 2 mars 2010, à Barcelone, a été consacrée aux thèmes suivants : le blocus de Gaza et l’opération « plomb durci », et le Mur construit dans les territoires palestiniens occupés.

Membre du jury, Mme Gisèle Halimi commença par lire un communiqué sur une frégate française « Germinal » qui effectue des missions de surveillance au large de Gaza en coopération avec Egypte et Israël ; Question : y a-t-il ici un acte concret de complicité d’un Etat européen avec Israël ? Elle demande que se poursuive l’enquête à ce sujet.

Le Blocus de Gaza et les ravages de l’opération « Plomb durci » ont été détaillés par d’abord par le docteur Derek Summerfield (UK, médecin psychiatre). En 2003 déjà, rappela-t-il, un rapporteur des NU parlait de catastrophe humanitaire, depuis la plupart des habitants de Gaza dépendent de l’aide humanitaire. Il décrivit la situation sanitaire effroyable des femmes et des enfants. « Gaza est une prison dont Israël a jeté les clefs par la fenêtre ». Cet Etat appelle « dommages collatéraux » ses attaques contre des populations civiles. Et les Etats européens sont complices. Ainsi, à Gaza les installations de purification d’eau sont détruites et 70 millions de litres d’eau souillée sont rejetés à la mer. L’’élevage, la construction de routes, de maisons, d’écoles tout est suspendu faute de moyens de constructions. 95% des installations industrielles fonctionnent au minimum ou sont fermées. Il n’y a plus assez de fournitures alimentaires, 61 % enfants de moins de 5 ans souffrent de la faim. Début 2008, la fourniture en nourriture a tellement diminué que l’aide internationale essayait de renforcer l’apport en protéine, moins d’un cinquième de cette aide alimentaire arrivait à la population à cause du blocus. La moitié de la population dépend de l’aide, plus de la moitié achète à crédit. 37 % population est au chômage, les indices de pauvreté sont montés jusqu’à 69 %. L’ONU parle de misère absolue. On empêche juste qu’ils meurent de faim, « la faim est une arme contre la population », s’indigne dr. Summerfield.

L’UE a permis le développement de cette situation en cautionnant cet état de fait malgré le fait que les Conventions de Genève obligent les occupants à faire acheminer les vivres et les médicaments aux populations civiles. Or, l’UE ne dit pas que le blocus est illégal malgré le fait qu’il constitue une série de violations des droits humains.

Les hôpitaux de Gaza n’ont pas de chauffage et sont souvent privés d’électricité, les médicaments de base manquent. Des malades n’ont pu sortir de Gaza pour se faire opérer, beaucoup sont morts à cause de cela. Des Gazaouites qui obtiennent quand même de sortir de Gaza sont arrêtés, interrogés, menacés de mort s’ils ne parlent pas. 200 personnes sont mortes en attente de permis de sortir de Gaza.

Le Conseil de l’UE n’a pas pu mener à bien une enquête sur cette question comme au Sri Lanka ou ailleurs. De plus l’UE n’a pas donné son appui au rapport Goldstone.

Il s’agit d’une politique bien planifiée de démantèlement du système de santé à Gaza, tous les rapports les plus sérieux le confirment. La torture est très répandue dans cet état policier qu’est Israël. Toutes ces violations ne sont pas consignées. Les systèmes de régulation et de vigilance sont israéliens, les outils internationaux n’ont pas pu fonctionner. L’UE n’a pas enquêté à ce sujet.

A une question d’un membre du jury sur la non-assistance aux blessés par les Israéliens alors qu’il y avait des hôpitaux à proximité, l’orateur répond qu’il s’agit clairement d’une violation des droits humains.

A une autre question sur l’effet de l’uranium appauvri sur l’organisme humain, il répond que depuis 2, 3ans on a trouvé des fréquences inhabituelles de maladies mortelles, mais il est difficile de prouver quelles armes ont été utilisées, on dit que les militaires israéliens utilisent Gaza comme test pour leurs armements.

A une autre question portant sur un éventuel boycott du personnel médical israélien, l’orateur répond que oui, un boycott peut s’appliquer dans tous les domaines  y compris contre des médecins.

Une question portait sur la santé mentale de l’enfance à Gaza. Deux générations d’enfants sont « perdues », répond Dr. Summerfield car ils sont traumatisés, traités comme des êtres humains diminués, ils souffrent de violence, leur sens de la vie décente se base sur leurs parents et professeurs dont les droits ont été niés. Ils n’ont aucune idée de ce qu’est une vie normale.

Des armes à interdire

Co-rédacteur du rapport Goldstone, le colonel Desmond Travers a mis en évidence l’usage de certaines armes de guerre contre la population civile et la tolérance de la communauté internationale par rapport à ces armes. Les recommandations du rapport Goldstone visent certaines armes : Ainsi, le phosphore blanc, les fléchettes et le métal lourd comme les balles au tungsten et DIME (mélange explosif), ne devraient plus se trouver dans un arsenal classique et les pays producteurs ont la responsabilité de vérifier l’usage fait par des belligérants de ces produits toxiques.  Dans le cas de Gaza, aucun motif tactique ne pouvait justifier leur usage par contre, les dégâts causés notamment à l’environnement sont immenses et irréversibles, des centaines de km2 de terre sont ainsi désertifiés. Des ressources en eau polluées. L’exposition au phosphore blanc, une substance qui touche le sol et se met à brûler, provoque des dommages physiques importants et incurables. Cette matière chimique volatile devrait être interdite d’utilisation partout, or 400.000 récipients contenant cette matière ont été balancés sur Gaza. La substance est active indéfiniment…

Les fusées d’alarme dans le nuit sont aussi constituées de phosphore blanc dont l’odeur attire les enfants, beaucoup ont été brûlés, respirent des vapeurs toxiques qui abîment définitivement les voies respiratoires.

Certaines armes ont été faites en Italie, le contenant du missile est lui aussi cancérigène ! Ce genre d’arme expérimentale n’est jamais utilisé dans une armée car il peut mettre ne péril la vie des soldats eux-mêmes. Ce genre d’armes expérimentales devrait être interdit, demande le colonel Travers.  Et de suggérer un moratoire pour interdire l’usage de ces armes dans le monde entier ainsi qu’une interdiction de commerce de ces armes qui ont été testées sur des êtres humains et des animaux.

Il parla aussi du tungstène, un métal utile car résiste à de très fortes pressions et explosions. On  trouve des fragments de tungstène comme mitraille dans le corps de nombreux blessés à Gaza.

Il a y aussi le DIME, poudre mélangée à explosif qui augmente la force de l’explosion, et cause des dommages terribles. On a du amputer de nombreux enfants et adultes à cause de cela.

Le colonel rappelle que dans les Conventions de Genève, il faut une limite aux handicaps que l’on peut provoquer chez l’ennemi. On ne peut tolérer des handicaps à vie comme des mutilations ou des cancers.

Quant aux fléchettes, inventées aux USA, quand elles touchent les tissus humains elles commencent à vriller et cela cause des blessures terribles, exagérées et se trouvent donc dans la même catégorie que les balles perforantes. Il y a aussi la douleur causée par ces armes.

Il y avait aussi des munitions avec uranium appauvri qui ont été utilisées dans la zone des tunnels à Rafah pour s’enfoncer dans la terre. Cela nécessite une enquête très stricte afin d’arriver à un moratoire et une recherche sur les pollutions du nord de l’Egypte et du sud d’Israël par ces armes, y compris dans les nappes phréatiques.

Tant que les réglementations seront vagues, on n’arrivera à rien.

A une question sur les fusées lancées par le Hamas de façon indiscriminée, le colonel répond qu’on a condamné dans le rapport Goldstone ce type d’attaque contre des populations civiles. La portée de ces missiles Katiouchka a beaucoup augmenté, plus de 4.000 km. 

Si on arrive à interdire ces armes, même si cela aura des conséquences négatives pour les industries d’armements, l’UE aura l’obligation de respecter ces interdictions. Le problème est qu’on crée un précédent par rapport aux Conventions de Genève : on fait interdire des armes qui n’auraient jamais du exister.

Dans le jury, Cynthia McKinney expliqua un précédent : le phosphore blanc a été utilisé à Faluja en Irak, et celui qui a été utilisé à Gaza vient des USA ! Et se demande si des restes d’uranium appauvri prouvent que les missiles « brise bunker » viennent des USA. Le colonel répondit que ces missiles ont été utilisés contre des civils et des enfants. Mais il n’y a pas d’enquête vraiment scientifique à ce sujet. D’ailleurs, la communauté internationale a-t-elle la volonté de le faire ?

Les souffrances de Gaza

Ewa Jasiewicz, journaliste britannique et bénévole avec des équipes médicales à Gaza pendant « Plomb durci », livra ensuite un témoignage bouleversant sur les services d‘urgence. Pendant les trois premières années de l’intifada, des médecins, des ambulanciers ont été tués et jamais Israël n’en a payé les coûts légaux et politiques. Aucun jugement n’a été prononcé par les tribunaux israéliens. Or, les conventions de Genève parlent de la protection spéciale du personnel médical et de l’accès de tous aux services médicaux. Cela été continuellement violé lors des dix dernières années, des dizaines de personnes ont été assassinées, des équipes de secours n’ont pas eu accès aux blessés et des centaines de personnes en sont mortes.

Les ambulances prises comme objectif est un fait sans précédent. Le personnel médical n’a pas été protégé par les Conventions de Genève. On n’avait pas accès aux zones de guerre même pendant les cessez-le-feu, même pour la Croix-Rouge. Les soldats tiraient sur les services médicaux.   

A Gaza, Ewa Jasiewicz a été témoin de missiles tirés par des avions sans pilote sur des ambulances bien visibles pourtant et sur des maisons occupées par des civils, ce qui était parfaitement visible. Ainsi que le bombardement d’une école au phosphore blanc : « il pleuvait du phosphore blanc, la mosquée et les maisons étaient en flammes, la population terrorisée, les victimes asphyxiée par ces fumées, les ambulances ont été prises pour cibles elles aussi. », raconta-t-elle.

A une question sur la résistance civile, le témoin se prononça pour des actions directes en utilisant le droit international, pour réclamer l’application du droit, l’arrêt de ce siège collectif qui dure depuis 3 ans. Les mouvements pour la défense de la liberté, les ong et les Nations unies devraient agir, condamner, empêcher les entreprises qui interviennent dans la construction d’armes et les entreprises israéliennes qui exportent les fruits des colonies.

Un autre membre du jury constate qu’il serait pertinent de faire une campagne sur les entreprises qui vendent du phosphore blanc à Israël qui l’utilise de manière illégale.

Représentant Raji Sourani, empêché par Israël et par l’Egypte de quitter Gaza, Daragh Murray du Centre palestinien pour les droits de l’homme à Gaza s’est exprimé à sa place. Ils ont tué 1300 Gazouis, la plupart des civils censés être protégés, en plus des dommages causés à la propriété privée, des attaques indiscriminées en violation des droits humains.

Une femme enceinte, seule dans la rue et qui allait vers son médecin et a été victime de balles israéliennes, elle en est morte. Sa sœur enceinte elle aussi est agonisait dans l’ambulance bloquée à un check point mais on a pu la ranimer.

Un bulldozer commençait la démolition d’une maison alors qu’une famille s’y trouvait toujours. Ils demandent de l’aide aux soldats et on leur a tiré dessus. Un enfant est mort dans les bras de son père. Cette famille vit toujours sous tente car il n’y a plus de matériaux pour reconstruire.

Une fillette et d’autres membres de sa famille se trouvaient au dernier étage d’un bâtiment. Un projectile au phosphore blanc est entré par la fenêtre : il y a eu cinq morts, d’autres ont été grièvement brûlés. Ceux qui restent n’arrivent plus à dormir chez eux.

Israël ne peut rester dans l’impunité, conclu Daragh Murray.

Répondant au jury, il expliqua que le centre des Droits de l’Homme en Palestine, créé en 1995, est centré sur crimes de l’occupation, mais aussi ceux de l’Autorité palestinienne et du Hamas. « Personne ne peut utiliser les droits de l’Homme comme instrument politique », dit-il.

Réunir à nouveau les parties à la Convention de Genève serait utile, il faut établir les responsabilités et faire à nouveau respecter et renforcer la convention et la détailler, répondit-il encore.

La question du Mur

Dernière question examinée par le Tribunal Russell sur la Palestine, mardi 2 mars : le Mur construit sur les territoires occupés.

Premier expert : François Dubuisson, de l’Université Libre de Bruxelles. Il examina le respect par Israël des lois internationales à propos de la construction du Mur. La Cour internationale de Justice a déclaré le Mur illégal au regard du droit humanitaires, des droits de l’homme et du droit des Palestiniens à l’autodétermination. Cela entraîne l’obligation pour Israël de détruire ce mur et de réparer les dommages causés à la population. La CIJ a établi que cette construction entraînait des obligations internationales pour les Etats tiers et les Nations unies :

Ne pas prêter aide au maintien ou à la construction de ce Mur,  faire respecter le droit international humanitaire, veiller à ce qu’il soit mis fin aux entraves à l’autodétermination du peuple palestinien.

La CIJ indique que les Etats au sein des NU doit veiller à de nouvelles mesures pour mettre fin à la construction du Mur. Cet avis a été suivi quelques jours plus tard par une résolution des Nations unies qui demande à tous les Etats membres des NU de s’acquitter des obligations juridiques découlant de cet avis de la CIJ.

Ces obligations sont renforcées par le Traité Lisbonne : les relations extérieures de l’UE doivent être fondées sur le strict respect du droit international. Il y a obligation d’abstention (ne pas reconnaître le Mur, ne pas aider à son maintien ni son extension) et des mesures actives : inciter Israël à respecter ses obligations internationales.

Concernant l’abstention, l’UE a déclaré le Mur illégal ainsi que les modifications territoriales qu’il entraîne. Pour l’aide ou l’assistance directe à la construction du Mur, l’UE n’aide en rien.

Par contre, pour faire respecter le droit à l’autodétermination (art 1er IV Convention  Genève) et la Résolution NU 26-25 qui reconnaît que les Etats membre doivent favoriser la mise en œuvre du droit à l’autodétermination, des moyens précis ne sont pas établis et l’UE n’a pas agi en ce sens.

Il y a bien eu création d’un registre aux NU permettant aux Palestiniens de répertorier les dommages qu’ils ont subi. Mais Israël refuse d’indemniser ; il y a eu demande d’un rapport à la Suisse pour l’application des Conventions de Genève, mais il fut décevant car il n’y a pas de consensus au sein des Etats. L’UE s’est contentée d’adopter des déclarations.

Des sanctions ? Il y a des mesures de rétorsion possibles, comme par exemple la suspension de l’accord d’association qui, dans son article 82, permet une dénonciation simple de l’accord sans justification ! Alors que l’UE n’hésite pas à recourir à de sanctions plus coercitives contre par exemple le Zimbabwe, des ressortissants interdits d’entrée sur le territoire de l’UE, rien ne se fait pour Israël. 

Le processus de négociation UE/Israël se fait sans que soit avancé le droit humanitaire, la fin des colonies et du Mur etc. Il est donc vidé de sa substance.

Bien plus, depuis l’avis de la CIJ, il y a eu le rehaussement des relations politiques avec Israël. Il s’agit bien d’une politique contradictoire et hypocrite de l’Union européenne car ce rehaussement est fondé sur les valeurs partagées des deux parties (DH, droit humanitaire, bonne gouvernance, etc.) Surprenant avec un pays qui fait l’inverse. Tout en condamnant les colonies qui empêchent la création d’un  Etat palestinien viable.

L’UE n’a donc pas fait respecter le droit humanitaire et le droit à l’autodétermination.

A une question du jury sur les actions possibles contre cet état de fait, François Dubuisson évoque, la militance, le lobbying. Il n’y a pas seulement une option politique mais bien une obligation internationale de suspendre l’accord d’association ; on peut aussi mener des actions plus spécifiques par exemple devant des tribunaux pour faire déclarer illicites certains contrats de sociétés aidant Israël dans actes illégaux, mais faut démontrer un intérêt à agir.

Une autre question portait sur une décision de la cour suprême d’Israël déclarant que le Mur n’est pas illégal, au contraire de l’avis de la CIJ. En réalité, le Mur est complètement illégal car son tracé est choisi en fonction des colonies et pas de la ligne verte. Dès lors que les colonies sont illégales, le Mur est ipso facto illégal.   

Pourquoi alors ce silence qui jette le discrédit sur l’UE ? demande un membre du jury. Parce que le noyau dur de l’Europe est l’économie, Israël est une sorte d’excroissance européenne dans le Moyen Orient, cela explique l’attitude trop favorable de l’Europe, explique François Dubuisson.

Un message de Luisa Morgantini

Luisa Morgantini (Italie) ex parlementaire européenne, se trouvant aux Etats-unis pour la commission des femmes pour une paix juste et durable en Palestine et Israël a enregistré un message destiné au tribunal : nous allons dire au Congrès qu’il faut arrêter les discriminations, les colonies, le Mur etc. Qu’il faut reconnaître l’AP comme légitime représentant des Palestiniens qui ont droit à leur Etat. Nous voyons sans cesse croître les colonies, le Mur et les violations des droits des Palestiniens. UE et ses Etats membres savent exactement ce qui se passe dans les territoires occupés mais ne font rien pour appliquer les résolutions des NU, ne disent rien sur le Mur illégal, les annexions forcées, les arbres abattus, les familles séparées etc. L’UE reconnaît la solution des deux Etats mais ne prend aucune mesure pour arrêter la politique d’apartheid d’Israël. Les Palestiniens se trouvent maintenant dans des ghettos environnés par le Mur. C’est une forte violation des droits humains. Les Européens le dénoncent mais n’appliquent aucune sanction et au contraire accroissent leurs relations avec Israël.

Pourtant, ils ont dénoncé l’Irak, l’Afghanistan, l’Iran mais rien contre israël.  Pourtant, les Européens disposent de nombreux outils pour arrêter ces actes illégaux et pour arrêter les soutiens  économiques d’entreprises privées aux colonies. L’Europe est donc complice de l’occupation de la mort de Palestiniens et même d’Israéliens dans des attentats. Heureusement, il y a un fort mouvement palestinien, israélien et international pour dénoncer ces violations des droits de l’homme.

La session s’est clôturée par le témoignage de Francis Wurtz, ancien membre du Parlement européen, sur la part de responsabilité de l’UE dans la violation des droits humains, à large échelle par Israël. Il partit des obligations internationales rappelées par François Dubuisson pour les étendre à d’autres doits fondamentaux des Palestiniens. Cela fait 43 ans qu’a été adoptée la résolution 242 des NU, faite sienne par l’AP depuis 23 ans. L’UE n’a pas toujours eu la même attitude qu’aujourd’hui : en 1980, le conseil européen de Venise reconnaissait le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et reconnaissait l’OLP et se prononçait pour un Etat palestinien contre l’avis des Etats-Unis. Puis, l’UE s’est désengagée politiquement du problème d’où sa discrétion sur le Mur et sur les colonies ce qui revient à une acceptation de fait du fait accomplis. L’Europe compense cela par l’aide financière mais celle-ci ne permet pas aux Palestiniens de reconquérir leurs droits fondamentaux ni même d’être aidés suffisamment. 2002, le siège du gouvernement palestinien à Ramallah est bombardé, détruit alors même que le commissaire européen Moratinos s’entretient avec Arafat. Il n’y pas eu de réaction européenne autre que de colère.

Puis c’est la déclaration de Beyrouth en 2002 : tous les Etats arabes veulent une normalisation avec Israël. Une proposition rejetée par Sharon et l’UE ne se saisit pas de cette avancée pour s’engager.

En 2003, c’est la constitution du Quartette avec pour objectif la création d’un Etat palestinien pour 2005 et d’autres mesures, mais l’UE se fond dans un quartette soumis aux USA ; il s’agit bien de non assistance à peuple en danger.

2005, est divulgué un rapport des diplomates européens à Jérusalem dénonçant toutes les violations des droits humains par Israël à Jérusalem. Il apportait la preuve qu’il y a un plan stratégique visant à couper la partie palestinienne de la ville de la Cisjordanie et à rendre inviable tout Etat palestinien. C’était à la fois un cri d’alarme et des propositions concrètes faites au Conseil. Ce rapport a été adressé à M. Solana qui refuse de le rendre public ! Il sera quand même publié mais pas suivi d’effet. Il est remis chaque année à jour par les diplomates européens et reste lettre morte !

2006 : les élections se déroulent bien, avec le Hamas dont l’UE souhaite la participation au scrutin. Mais il gagne… Intransigeance de Tel-Aviv et de Washington et silence Europe qui attend que la solution lui tombe du ciel. On n’impose aucune règle de droit à Israël mais on rehausse ses relations avec lui : deux poids deux mesures…

18 septembre 2009 : l’Agence atomique demande à Israël de se soumettre aux règles internationale en la matière. Aucuns résultats, aucune initiative permettant à la justice de suivre son cours. Il y a de multiples cas de non respect par l’UE du droit international.

Heureusement, il y a l’affaire Britta, des appareils de gazéification d’eau plate, estampillés made in Israël, entrent en franchise de droit de douane. Or, ils sont fabriqués dans une colonie. Les douaniers allemands appliquent les droits de douane légaux ce qui entraîne une plainte de la société. Le tribunal se tourne vers la Cours de Justice des Communautés européennes qui confirme que cette firme ne peut bénéficier du régime préférentiel… Une jurisprudence de la Cour qui rappelle au Conseil européen ses propres obligations.

« Je n’attends pas de conversion  miraculeuse des dirigeants européens, ils n’ont pas de courage politique, je crois avant tout à la mobilisation des citoyens, des sociétés civiles, de l’opinion publique. En utilisant des arguments pro droit international qui convainquent tout le monde. », conclut Francis Wurtz.

Pierre Galand rappela en finale que Lord Russell disait : « puisse ce tribunal prévenir le crime du silence. » Il appela à la création de comités nationaux d’appuis au tribunal Russell afin que l’Europe se conforme enfin au droit international.

Le jury s’est alors retiré et devait tirer les conclusions de ses travaux.

Ce mercredi, ces conclusions seront délivrées aux associations afin que partout se poursuive la mobilisation pour rétablir les droits du peuple palestinien. Ensuite, en octobre, la seconde session du tribunal Russell aura lieu à Londres. Appel est lancé aux contributions volontaires afin de garantir la totale indépendance du tribunal.

Infos complémentaires : www.russeltribunalonpalestine.com

Commentaires
Derniers commentaires
Recevez nos infos gratuites
Visiteurs
Depuis la création 864 678
Archives