Comment Israël a gagné une nouvelle fois la bataille des colonies...
Comment Israël a gagné une nouvelle fois la bataille des colonies...
Par Ramzy Baroud*, traduction de l’anglais par Claude Zurbach, le 13 novembre 2009 Lorsque le ministre britannique des affaires étrangères, David Miliband, a eu quelques mots concernant l’illégalité des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, beaucoup ont voulu croire que Londres prenait une position en pointe contre les violations permanentes du droit international par Israël. Hélas, ils se trompaient. Colonie israélienne en Cisjordanie sous occupation. Une architecture de bunker, symbole d’une implantation forcée et contre nature. Le fait est que la déclaration de Miliband, faite lors d’une conférence de presse à la suite d’entretiens avec le Roi Abdullah II de Jordanie à Amman, était simplement tactique, destinée à diminuer l’impact négatif de la position sans consistance adoptée par Washington sur la même question. C’est pour cela que Miliband a dû dire : «Les colonies sont illégales, de notre point de vue, et un obstacle à un accord de paix en Cisjordanie et à Jérusalem-est. Les colonies défient le cœur même... d’un état palestinien.» Mais il a ensuite ajouté : «Il est si important pour tous ceux qui s’inquiètent de la sécurité et de la justice sociale dans cette région que des discussions sur les frontières et le territoire soient relancées d’une manière sérieuse, parce que si vous pouvez progresser sur les frontières et le territoire, vous pouvez résoudre la question des colonies.» C’est du Miliband tout craché. Alors qu’il faudrait plutôt faire bon accueil à ses propos clairs et fermes concernant l’illégalité des colonies et le fait que leur construction constitue un obstacle, il n’est cependant pas possible de déchiffrer les propos d’un politicien pas à pas ; pour être vraiment compris, ceux-ci doivent être saisis dans leur ensemble. Le danger se niche dans la suite des propos de Miliband, où il a volontairement changé l’ordre des choses dans la solution proposée à la crise du Moyen-Orient, «des discussions au sujet des frontières et du territoire devant être relancées d’une manière sérieuse», ce qui signifie des négociations sans conditions, parce que des «progrès» sur ce front devraient «résoudre la question des colonies.» Mais n’est-ce pas le type exact de discussions auxquelles Israël souhaite participer : des entretiens de paix sans conditions, aucune date-limite et aucune date-butoir, alors que cet état persiste de façon inchangée à étendre ses colonies illégales en violation flagrante du droit international ? Et n’est-ce pas justement ce que les Palestiniens, tous les Palestiniens, ont énergiquement rejeté ? La direction palestinienne comprend que des négociations sans conditions n’apporteront rien aux Palestiniens, la partie faible dans toutes les négociations, si ce n’est davantage d’humiliation, alors que la partie forte imposera une solution, n’importe laquelle pourvu qu’elle corresponde à ses intérêts. Considérant qu’Israël n’est soumis à aucune pression sérieuse, mais juste confronté à quelques paroles en l’air occasionnelles de Washington et de Londres à propos du processus de paix, le gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu n’a aucune raison de s’arrêter, ou même de ralentir son projet colonial illégal et le nettoyage ethnique des Palestiniens qui en découle. Miliband est un politicien malin. Bien que ses paroles soient pleines de contradictions, elles sont agencées de manière à donner l’impression qu’un changement substantiel de politique est en train de se faire. La déclaration censément forte de Miliband à propos des colonies arrive au moment où la politique de l’administration d’Obama - maigre tentative de se présenter comme l’antithèse de l’héritage du détesté George Bush - tombe en lambeaux. En mai, après la première rencontre du président Obama avec Netanyahu, la secrétaire d’état des Etats-Unis, Hilary Clinton, n’a voulu laisser subsister aucun doute concernant la nouvelle politique américaine à propos des colonies. Les Etats-Unis «veulent voir un arrêt des colonies - sans aucune exception, que ce soit pour quelques colonies, pour des avant-postes, ou pour des questions de croissance normale.» Cela sonnait bien, encore mieux que la récente déclaration de Miliband. Mais depuis lors l’administration d’Obama a de façon évidente découvert les limites de «l’audace de l’espoir» : un lobby pro-israélien puissant et homogène, un gouvernement israélien résolument à droite, un Congrès américain unanime à soutenir toute initiative venant d’Israël, une communauté internationale mi-figue mi-raisin, des pays musulmans et arabes divisés, et tout le reste. Il n’était donc pas surprenant de voir Mme Clinton battre en retraite, à l’occasion de sa récente tournée au Moyen-Orient, sur chaque promesse faite par son gouvernement. Elle a «affirmé (le 1er novembre) que l’arrêt de la construction de colonies n’avait jamais été une condition préalable à une reprise des entretiens,» selon ce que rapporte «The Times». Pire encore, non seulement elle n’a pas convaincu Netanyahu concernant la position des Etats-Unis, plus ou moins respectueuse du droit international, mais elle a voulu le récompenser pour ne pas avoir pris en considération ce qui par le passé était considéré comme une exigence forte de la part des Etats-Unis. La volte-face s’est produite lors de sa récente visite d’une journée à Jérusalem. «Ce que le premier ministre (d’Israël) a offert [...] sur la politique des colonies... est sans précédent,» a-t-elle dit à propos de l’inconsistante promesse de Netanyahu de ralentir les activités de colonisation en Cisjordanie. Il y a plus de 500 000 colons juifs dans Jérusalem-est occupé et en Cisjordanie, vivant dans de nombreuses colonies qui tous sont considérées comme illégales au regard de la quatrième convention de Genève et des nombreuses résolutions des Nations Unies. Pour ajouter l’insulte aux blessures, Mme Clinton, a continué, à chaque escale, à exiger des Arabes et des musulmans qu’ils établissent des relations avec Israël. Qu’a donc fait ce dernier pour mériter une normalisation avec les Arabes et musulmans, que les marchés lui soient ouverts et que des relations diplomatiques soient établies ? Pourquoi l’Israël devrait-il être récompensé de ses massacres à Gaza, du renforcement de son occupation militaire de la Cisjordanie et de Jérusalem-est, de ses attaques sur la mosquée d’Al-Aqsa et autres méfaits ? De son côté, l’Autorité palestinienne [AP de Ramallah] est, peut-être, en train de réaliser son erreur d’avoir cru que la résolution de l’administration d’Obama s’imposerait à l’entêtement d’Israël. Nablil Abu Rudeinah, un officiel de l’AP, a estimé que les «négociations sont dans un état de paralysie,» attribuant la responsabilité à «l’intransigeance israélienne et à la marche arrière des Etats-Unis.» «Il n’y a aucun espoir de négociations à l’horizon,» ajoute Abu Rudienah. Les propos du négociateur en chef Saeb Erekat à l’occasion d’une conférence de presse le 4 novembre à Ramallah en Cisjordanie, étaient cependant encore plus sombres. Il serait peut-être temps pour le président palestinien Mahmoud Abbas «de dire la vérité à son peuple, qu’avec la poursuite des activités de colonisation, la solution à deux-états n’était plus une option,» a-t-il déclaré. Il a dit ce que beaucoup ne veulent pas entendre, dont Miliband lui-même, qui insiste pour maintenir en vie une «solution» périmée tout en ne faisant rien pour la transformer en réalité. «Il est important nous ne perdions pas de vue l’importance d’une solution à deux-états pour tous les peuples de la région. Je pense que les solutions alternatives sont sombres et fâcheuses pour tous les côtés,» a indiqué Miliband. Mais il ne nous a pas éclairés sur la façon dont une solution «lumineuse et bienvenue» devait être mise en œuvre, alors qu’Israël continue à grignoter Jérusalem et la Cisjordanie, pouce par pouce et maison par maison, sous le nez des médias internationaux et en toute connaissance et avec l’accord tacite des politiciens «qui pédalent en arrière», dont lui-même et Mme Clinton. *Ramzy Baroud