Boycott et résistance : Israël et Afrique du Sud
Boycott et résistance : Israël et Afrique du Sud
Le boycott d’Israël prend une ampleur jamais vue grâce à la campagne
BDS (Boycott, Désinvestissements et Sanctions), portée par des
militants du monde entier. Il s’élargit de jour en jour.
Certains
arguments pour le boycott international d’Israël le présentent comme le
moyen nouveau et ultime pour faire aboutir les droits du peuple
palestinien, tous les autres ayant échoué. Selon ces pacifistes, le
boycott est moyen plus efficace que la résistance armée des
Palestiniens. Cette argumentation s’appuie généralement sur le modèle
du boycott contre l’apartheid en Afrique du Sud. Dans cette optique,
l’abolition de l’apartheid et la libération de Nelson Mandela auraient
essentiellement été le résultat du boycott international.
La vérité historique est un peu plus nuancée.
Rappelons
d’abord que le boycott d’Israël est un mot d’ordre très ancien. Dans
les années 80, les anti-impérialistes boycottaient de la même façon les
pamplemousses de Jaffa ou les avocats de Carmel que les oranges
d’Outspan ou les pommes du Cap. Ce qui a rendu aujourd’hui le boycott
d’Israël plus massif et populaire, c’est avant tout le massacre sauvage
de la population de Gaza par Tsahal et la résistance acharnée des
combattants palestiniens. La victoire de la résistance libanaise de
2006, dirigée par le Hezbollah, avait déjà préparé le changement dans
l’opinion internationale.
La lutte pour l’abolition de
l’Apartheid en Afrique du Sud peut effectivement servir de référence à
la lutte actuelle pour la Palestine, à condition que son histoire soit
restituée fidèlement. La place du boycott international dans cette
histoire doit être correctement évaluée.
Nelson Mandela a forgé
sa réputation internationale en 1963, alors qu’il était l’avocat de
douze combattants Sud-Africains emprisonnés, dont lui-même, inculpés de
sabotage. Lors de ce procès, il affirma avec force que «
sans violence, aucune voie de permettait au peuple africain de
triompher dans sa lutte contre la suprématie des Blancs (…) Nous avons
choisi de défier la loi. Tout d’abord, par des moyens qui évitaient
tout recours à la violence ; puis, quand cette forme a elle aussi été
interdite par la loi, nous avons alors décidé de répondre à la violence
par la violence » (procès de Rivonia).
C’est Mandela, qui trois ans auparavant, a créé la branche armée de l’African National Congress ( ANC), l’Umkhonto We Siswe (« lance de la Nation »).
Quand il est arrêté en 1962, après dix-sept mois de clandestinité,
c’est sous l’inculpation de sabotage et de tentative de renversement
violent du gouvernement. C’est grâce à sa défense sans compromis de la
lutte révolutionnaire de son peuple que Mandela a reçu un large soutien
international et qu’il est devenu le plus célèbre prisonnier politique
du monde.
Après le massacre de Soweto, en 1976, Nelson Mandela
adresse une lettre au peuple sud-africain, dans laquelle il affirme
prier avec lui pour les martyrs tout en appelant la jeunesse à
s’engager massivement dans la lutte. Suite à cet appel, des milliers de
jeunes sud-africains partiront s’entraîner pour la lutte armée au
Mozambique et en Angola.
A plusieurs reprises, inquiet de la
popularité toujours croissante du prisonnier Nelson Mandela, le
gouvernement sud-africain lui proposera sa libération, à condition que
Mandela rejette la lutte armée comme arme politique. La réponse de
Mandela a toujours été très claire : c’était non.
La jeunesse
d’aujourd’hui a le droit de savoir que l’arme du boycott international
contre l’apartheid en Afrique du Sud a fonctionné comme un soutien à la
lutte révolutionnaire du peuple et de ses organisations nationales. Que
le peuple sud-africain a utilisé tous les moyens à sa disposition pour
renverser le régime raciste, allié d’Israël, et mis en place par la
colonisation. Et que c’est cette lutte de masse, y compris la lutte
armée, qui a permis au boycott international de fonctionner comme un
puissant levier de solidarité mondiale.
La jeunesse
d’aujourd’hui a le droit de savoir que le résistant Mandela, chrétien
d’abord pacifiste puis organisateur de la lutte armée et allié des
communistes, a été un des premiers combattants à recevoir le titre
honorable de « terroriste ».
Son organisation, l’ANC, dont il était membre depuis 1943, a été mise
hors-la-loi en 1960 par le gouvernement sud-africain. Condamné en 1964
pour terrorisme, l’administration Bush ne le retirera de sa « Terror
watch list » qu’en juillet 2008 !
La jeunesse d’aujourd’hui a le
droit de savoir qu’au nom de cette lutte contre le terrorisme, le
gouvernement sud-africain, tout comme le gouvernement israélien
aujourd’hui, a non seulement emprisonné des centaines de combattants
mais également commandité l’assassinat ciblé, par des escadrons de la
mort, de dizaines de responsables politiques du mouvement de libération
sud-africain.
Tout comme le massacre de Gaza et la résistance
armée de l’hiver 2008-2009, c’est le massacre de Soweto et le
développement de la lutte de masse qui s’ensuivit, en 1976, qui a donné
son ampleur internationale au mouvement de boycott, dont les premières
sanctions avaient commencé dès la fin des années soixante.
La
liquidation de l’apartheid en Afrique du Sud a ainsi été le résultat
d’une combinaison constante entre tous les moyens de lutte sur le
terrain et la solidarité internationale, dont le boycott fut le point
culminant.
Le boycott du sionisme existe depuis sa mise en œuvre
par la Ligue arabe en … 1945 ! Et depuis 1948, c’est avant tout la
résistance acharnée du peuple palestinien, par tous les moyens dont il
dispose, qui tient en échec le colonialisme et les guerres permanentes
du sionisme. Et c’est parce que le peuple palestinien continue de
résister que nous devons développer de toutes nos forces le mouvement
de boycott d’Israël qui commence enfin à prendre l’ampleur nécessaire.
Le
boycott n’est pas une alternative à la résistance, c’est un soutien à
la résistance. Et pour que ce soutien soit complet et cohérent, il doit
comprendre l’appel à retirer le Hamas, le FPLP et toutes les
organisations palestiniennes de résistance des listes d’organisations
terroristes, avec autant de passion que nous avons chanté et crié
pendant des années « Free Nelson Mandela ».
Nadine Rosa-Rosso
25.10.09
Pour retirer les organisations de résistance palestinienne des listes "terroristes" voir:
www.recogniseresistance.net