FREE PALESTINE
14 septembre 2009

Le débat autour d’un boycott d’Israël prend de l’ampleur

Le débat autour d’un boycott d’Israël prend de l’ampleur

LOOS,BAUDOUIN

Samedi 12 septembre 2009

La Norvège se retire du capital d’une entreprise israélienne qui équipe la barrière de séparation. Des voix s’élèvent, à l’étranger, et en Israël, en faveur d’un boycott de l’Etat hébreu.

Faut-il boycotter Israël en raison de la persistance de sa politique de colonisation des territoires palestiniens occupés ? Cette question, longtemps réservée à des cercles marginaux et/ou radicaux, prend peu à peu de l’ampleur, relayée par quelques personnalités dans le monde qui entendent faire connaître et expliquer leur réponse positive à la question.

En toute logique, le débat n’implique que ceux qui estiment que la situation actuelle, celle qui prévaut dans les territoires depuis l’occupation de 1967, est intolérable. En revanche, ceux qui se considèrent comme des défenseurs inconditionnels d’Israël – qui ne mettent donc pas en cause l’occupation, la dépossession et la répression qui affectent les Palestiniens – ne se sentent pas concernés, puisqu’ils rejettent toute pression contre Israël, assimilée par eux à de l’antisionisme, voire, assez souvent, à de l’antisémitisme.

Côté palestinien, si l’Autorité de Mahmoud Abbas observe un prudent silence sur le sujet, la société civile s’est exprimée depuis longtemps : des centaines d’organisations en tous genres et de tous bords se sont liguées pour réclamer à la communauté internationale un boycott d’Israël, même s’il devait entraîner des conséquences négatives pour la population locale. Il s’agit surtout de la campagne BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions) lancée le 9 juillet 2005 par des nombreuses associations palestiniennes.

En Israël, les adversaires de l’occupation se montrent divisés sur la question du boycott. Un intellectuel a jeté un pavé dans la mare le 20 août en publiant une tribune libre dans The Los Angeles Times intitulée : « Boycottez Israël ». Neve Gordon, un politologue de l’Université Ben Gourion à Beersheva, y affirme sa conviction que « le boycott est la seule façon de sauver Israël de sa propre folie ». Car, écrit-il, « la question qui m’empêche de dormir est celle de savoir comment faire en sorte que mes deux enfants, ainsi que ceux de mes voisins palestiniens, ne grandissent pas dans un système d’apartheid ». Il n’en fallait pas plus pour déclencher une vraie hystérie en Israël, où d’aucuns l’ont accusé de traîtrise, réclamé son limogeage ou même le retrait de sa nationalité.

Mais quels sont donc les arguments des uns et des autres dans la problématique du boycott ?

Gordon résume ainsi la pensée de son camp : « Je suis convaincu que la pression extérieure est l’unique réponse. Durant les trois décennies écoulées, le nombre des colons juifs dans les territoires occupés s’est considérablement accru. Le mythe de la Jérusalem réunifiée a abouti à la création d’une ville où règne la ségrégation, l’apartheid, où les Palestiniens ne sont pas considérés comme citoyens et où les services municipaux de base leur sont déniés. Le camp de la paix israélien s’est effiloché au fil des années, si bien qu’aujourd’hui, il n’existe pour ainsi dire plus, et cela s’accompagne d’une glissade continue des partis politiques israéliens vers l’extrême droite. Par conséquent, il est évident, à mes yeux, que la seule manière permettant de contrer la tendance à l’apartheid actuelle en Israël passe par une pression internationale massive ».

Pour rester en Israël, la réponse la plus courtoise et argumentée est venue d’Ouri Avnery, un vénérable pacifiste doué d’une faculté d’analyse peu banale. Il se réfère ici au boycott international organisé contre l’Afrique du Sud raciste des années 80 et évoqué par Neve Gordon : « Un boycott d’Israël aurait l’effet inverse : il jetterait l’immense majorité des gens dans les bras de l’extrême droite et créerait une mentalité de forteresse assiégée “par le monde antisémite” ». Et de rappeler un élément de base de la conscience des juifs : « La conviction que le monde est contre eux a été renforcée par l’Holocauste (…) Cette croyance est ancrée au plus profond de l’âme juive ».

Il existe par ailleurs bien des façons de boycotter : un boycott général, organisé par la communauté internationale (comme l’Irak de Saddam Hussein le subissait) ; un boycott ciblé (sur les matériaux à usage nucléaire, par exemple) ; et tous les boycotts « privés », suivis par des citoyens ou des organismes.

Les boycottages officiels internationaux n’ont que peu de chances de jamais exister. Le droit de veto américain au Conseil de sécurité des Nations unies veille. En revanche, les initiatives non étatiques commencent à proliférer, depuis les citoyens d’Europe qui refusent d’acheter la moindre patate douce d’Israël au grand magasin du coin jusqu’aux groupes plus organisés qui attaquent en justice une firme de leur pays qui travaille en territoire occupé (le cas des sociétés françaises Veolia et Alstom, parties prenantes du projet de tramway dans la partie occupée de Jérusalem).

Parmi les autres formes d’action en la matière, boycott culturel, sportif, etc. – on trouve le boycott universitaire, prôné notamment par nombre d’intellectuels britanniques. Là aussi, les Israéliens de gauche, seuls chagrinés par le statu quo, se révèlent désunis : là où la majorité estime que cela aboutit à frapper des innocents et des intellectuels libres, les autres estiment choquant le silence des universités israéliennes sur l’occupation et sur les difficultés innombrables infligées par l’occupant israélien aux universités palestiniennes, aux professeurs et aux élèves.

Ainsi, Anat Matar, professeur de philosophie à l’Université de Tel-Aviv, écrit-elle ceci dans le Haaretz : « Ce n’est que quand la couche privilégiée de la société israélienne paiera vraiment le prix de l’occupation qu’elle prendra finalement de vraies mesures pour y mettre fin. » Et d’ajouter : « Cette année scolaire va s’ouvrir à Gaza avec des classes en miettes parce qu’il n’y a pas de matériaux de construction pour remettre les ruines en état, il n’y a ni cahiers, ni livres, ni crayons, qui ne peuvent être acheminés en raison de l’embargo – oui, Israël peut boycotter les écoles et on n’entend aucun cri ». En effet, pour des raisons politiques (la mainmise du Hamas islamiste sur le territoire), Israël mais aussi la communauté internationale imposent à Gaza un blocus sévère qui s’apparente à un boycott et, pour le coup, frappe surtout sinon seulement les civils.

Une récente décision de la Cour européenne des droits de l’homme vient toutefois s’apporter un bémol à l’enthousiasme de certains pour les actions de boycottage : au nom de la liberté de commercer, la cour de Strasbourg a en effet confirmé le 17 juillet un jugement en appel de la justice française qui condamnait à 1.000 euros d’amende le maire d’une petite ville française, Seclin. Jean-Claude Willem avait appelé en 2002 au boycott des produits israéliens, proposant de l’appliquer dans les achats des cantines communales. Pour la cour, seuls des États ou l’ONU ont le droit de recommander des mesures de boycott.

Un seul État a, jusqu’ici, osé se frotter à la problématique : la Norvège. On vient en effet d’apprendre au début de ce mois de septembre, que l’un des plus gros fonds souverains du monde, le fonds de pension public norvégien, suivant en cela l’avis de son comité d’éthique, avait décidé de se retirer du capital d’un groupe électronique israélien, Elbit Systems, au motif que cette entreprise avait fourni un système de surveillance pour la barrière de séparation construite par Israël en territoire occupé et déclarée illégale par la Cour internationale de justice en 2004. Ce précédent est pris très au sérieux en Israël, où le gouvernement craint que l’exemple norvégien soit suivi par d’autres pays européens. Il est vrai qu’Oslo a choisi une voie difficile à contester, celle du droit international.

Les sanctions ont sapé l’apartheid sud-africain

KIESEL,VERONIQUE

Samedi 12 septembre 2009

Ceux qui appellent au boycott d’Israël aiment à rappeler que c’est grâce au boycott que la communauté internationale a poussé l’Afrique du Sud à abolir son odieux régime d’apartheid. Vrai ?

Lors d’une récente visite en Israël, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu a été on ne peut plus clair : « Le boycott était immensément important. Beaucoup plus que la lutte armée. L’importance du boycott n’était pas seulement économique mais aussi morale. Les Sud-Africains sont par exemple fous de sports. Le boycott, qui empêchait leurs équipes de participer à des compétitions à l’étranger, leur a fait très mal. Mais le principal, c’était que ce boycott nous a donné (à nous qui combattions l’apartheid) le sentiment que nous n’étions pas seuls, que le monde entier était avec nous. Cela nous a donné la force de continuer ».

Mais quels étaient les principaux éléments de ce boycott (à l’époque, on parlait plutôt de sanctions) ? Au niveau international, tout commence dès 1960 : l’Afrique du Sud est exclue de l’Organisation mondiale de la Santé, et d’autres organisations onusiennes. Et en 1964, peu après la condamnation à la prison à vie de Nelson Mandela, le Comité international olympique suspend le comité sud-africain, la charte olympique rejetant toute discrimination raciale. Le pays sera officiellement exclu par le CIO en 1970, tandis que, en 1974, la Fifa exclut l’Afrique du Sud des grandes compétitions de football. L’équipe de rugby sera elle aussi mise au ban des compétitions internationales.

Contestation interne

En 1973, l’Assemblée générale de l’ONU qualifie l’apartheid de crime contre l’humanité. Les embargos se multiplient durant les années 70, mais Pretoria s’efforce de contourner ces sanctions économiques et industrielles en s’appuyant sur des grands groupes financiers internationaux et sur des partenaires comme Israël ou Taïwan.

Les pressions occidentales montent en puissance. Les Etats-Unis adoptent en 1986 (après avoir surmonté un veto du président Ronald Reagan…) le « Comprehensive anti-apartheid act », un large dispositif de sanctions. C’est aussi cette année-là que la Communauté économique européenne met en place des sanctions économiques contre Pretoria qui concernent les armes mais aussi le commerce du fer, de l’acier, des pièces d’or et du charbon, sans toutefois toucher à des minerais stratégiques. Ce qui gêne le plus l’Afrique du Sud, c’est qu’elle a perdu le droit de commercer librement. Et les sanctions sur les investissements font encore plus mal.

Couplées à une contestation interne de plus en plus forte, ces sanctions poussent le pouvoir blanc à commencer à adoucir, puis à démanteler l’apartheid à partir du milieu des années 80. Nelson Mandela, symbole de la lutte populaire contre l’apartheid sera finalement libéré en 1990, mais les sanctions ne seront levées que progressivement. Le monde entier craint toujours un retour en arrière. Il faudra l’organisation en 1994 de vraies élections multiraciales et démocratiques pour que l’Afrique du Sud soit pleinement réintégrée dans la communauté internationale.

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