FREE PALESTINE
14 septembre 2009

LA MORALE DE TSAHAL

LA MORALE DE TSAHAL - Rarement l’éthique de la société
israélienne n’aura été autant questionnée que ces derniers mois.

Par Maxime Perez à Tel-Aviv

http://www.israelvalley.com/news/2009/09/11/24268

Comme cela semble être devenu la norme depuis la première guerre du Liban en 1982, l’offensive militaire menée à Gaza en janvier dernier a un peu plus conforté la rupture de fond entre les impératifs stratégiques d’Israël et leur perception par l’opinion publique internationale.

Désormais, face aux Palestiniens, l’Etat hébreu est moins attendu sur ses performances militaires que sur sa capacité à gérer des situations humanitaires et morales complexes. Plus que tout autre pays engagé dans un conflit, sa légitimité à agir repose précisément sur le respect de cet équilibre.

Neuf mois après la fin des hostilités et alors qu’un calme relatif règne à sa frontière sud, Israël voit son image de nouveau mise à mal par l’organisation des Droits de l’Homme « B’tselem ». Dans un rapport qu’elle a publié ce mercredi, l’ONG israélienne affirme que sur les 1387 Palestiniens tués au cours de l’opération « Plomb durci » en janvier dernier, 773 étaient des civils, contredisant ainsi les allégations de Tsahal qui a toujours clamé que 60% des victimes étaient des combattants issus du Hamas et d’autres factions armées.

Quelle que soit leur fiabilité, ces statistiques viennent renforcer la litanie d’accusations portées contre l’armée israélienne. Entre blocus de la bande de Gaza et présence militaire en Cisjordanie, la sacro-sainte morale de Tsahal est régulièrement épinglée par la communauté internationale, de même que la conduite de ses soldats sur le champ de bataille.

Sur ce plan, l’affaire la plus néfaste remonte au mois de mars lorsque des journalistes israéliens, sous-estimant l’impact désastreux d’une telle information, ont relayé les témoignages de militaires engagés dans les opérations à Gaza. Ces derniers évoquaient une agressivité inhabituelle dans les ordres qu’ils recevaient du haut commandement et un brusque changement des règles d’engagement au combat qui auraient occasionné de nombreuses bavures. Censés être confidentiels, ces récits ont alors largement alimenté les titres de la presse internationale.

Plus récemment, le tabloïd suédois « Aftonbladet » affirmait que des soldats israéliens se livraient à un trafic d’organes qu’ils prélevaient sur des Palestiniens tués au cours d’affrontements. Ces révélations avaient scandalisé Israël, déclenchant au passage une sérieuse crise diplomatique avec les autorités de Stockholm, accusées de garder le silence.

Cette prédisposition des médias à se faire l’écho des moindres agissements de l’Etat hébreu, même lorsqu’il s’agit de rumeurs fortement contestables et abjectes, a pour effet de réduire l’éthique de la société israélienne à la seule question palestinienne.

Le sort de Gilad Shalit et les enjeux entourant sa libération viennent pourtant rappeler que la morale n’a jamais cessé d’être érigée en valeur suprême de l’Etat hébreu. Depuis trois ans, tiraillée entre des considérations humaines et politiques, la conscience de la société israélienne et de son gouvernement est soumise à rude épreuve.

Inégalée jusqu’ici, la mobilisation en faveur du jeune Gilad permet aussi au Hamas de garder la main sur ce dossier en faisant monter les enchères à sa guise tout en bénéficiant d’une légitimité inespérée.

Assurément, le prix à payer pour le retour de Gilad Shalit sera extrêmement lourd et pèse sur les responsables politiques israéliens. A l’époque de son mandat, le Premier ministre Ehoud Olmert avait préféré s’acquitter d’un tel fardeau en refusant de conclure un accord avec le Hamas lorsque l’opportunité s’est présentée.

En Israël, le traumatisme est réel. Les scènes de liesse que suscitera la libération de prisonniers palestiniens impliqués dans les attentats les plus meurtriers de l’histoire du pays sonnent par avance comme un cruel désaveu.

Cette semaine, alors que l’opinion israélienne s’émouvait de la publication de la première lettre écrite par le jeune Gilad depuis son lieu de captivité, Amos Harel, éditorialiste du quotidien « Haaretz », revenait sur un thème qui préoccupe actuellement au plus haut point l’état- major de Tsahal : faut-il ouvrir le feu sur des terroristes détenant un soldat israélien au risque de le tuer ?

Dans les années 90, au plus fort de la confrontation avec le Hezbollah au Sud-Liban, la crainte de kidnappings suscitait un tabou au sein du commandement de l’armée israélienne. Au motif que cela allait à l’encontre du règlement éthique de Tsahal, aucun officier n’admettait publiquement que ses hommes étaient autorisés à tirer sur un groupe de terroristes si ces derniers parvenaient à capturer un militaire.

La donne a désormais changé. Les exigences formulées par le Hamas en échange de Gilad Shalit obligent l’armée à réviser ses considérations morales et sa jurisprudence. Interrogé ce vendredi dans la presse israélienne, Motti Barouch, commandant de l’unité d’infanterie Nahal déployée à la frontière de Gaza, se veut clair : les soldats ont pour instruction d’empêcher par tous les moyens un kidnapping. Quitte à mettre en danger la vie d’un soldat tombé aux mains de l’ennemi.

Le 25 juin 2006, un tank israélien envoyé en renfort au point de passage de Kerem Shalom repère le commando palestinien au moment précis où celui-ci transporte Gilad Shalit à l’intérieur de la bande de Gaza. Le commandant du blindé demande alors par radio l’autorisation d’ouvrir le feu. Du fait du chaos régnant après l’attaque, son message ne parviendra jamais au chef de brigade et après de longues minutes d’attente, le tank finira par rebrousser chemin. Aujourd’hui, un tel disfonctionnement ne se reproduira pas.—

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