Embargo sur les armes vers Israël : les militants du Royaume-Uni remportent une victoire
Embargo sur les armes vers Israël :
les militants du Royaume-Uni remportent une victoire
dimanche 26 avril 2009 - Yasmin Khan - The Electronic Intifada
Gaza, après le passage d’appareils pilotés par des Israéliens,
fabriqués par des Etats-uniens, et équipés par des Britanniques...
Ce fut comme une surprise pour les militants du Royaume-Uni d’entendre leur ministre des Affaires étrangères, David Miliband, révéler cette semaine que des composants fournis par les Britanniques avaient « presque certainement » été utilisés par Israël dans sa dernière agression contre Gaza. Malgré les violations permanentes des droits humains par Israël, le gouvernement UK a autorisé des licences d’exportations de matériels militaires à Israël pour des millions de livres sterling au cours de ces dernières années, notamment des composants pour chars d’assaut et avions de combat, en complète contradiction avec sa propre politique sur l’armement.
Mais ils ne s’attendaient pas à ce que le gouvernement britannique anonce qu’il allait reconsidérer les ventes d’armes à Israël à la lumière des atrocités commises à Gaza au début de cette année. Cette évolution représente une réelle victoire pour la coalition Stop Arming Israel qui a commencé sa campagne pour un embargo sur les armes à Israël - et dans les deux sens - pendant l’invasion israélienne du Liban en juillet 2006. Une évolution qui est un puissant exemple montrant comment, par la pression de l’opinion publique, on peut forcer les gouvernements à revoir leur politique à l’égard d’Israël.
La campagne Stop Arming Israel a sorti une analyse détaillée des licences d’exportations approuvées par la Grande-Bretagne au profit d’Israël, comprenant notamment : des avions de combat, du matériel de guerre électronique, des équipements HMD (Helmet mounted display - système d’information de pointe intégré à un casque - ndt), des aéromoteurs militaires, des radars navals, des missiles sol/air et des équipements pour utiliser des systèmes de visualisation et de communication pour l’armée. Un grand nombre de composants UK sont également utilisés sur les hélicoptères Apaches - made in USA - pour les systèmes de tirs des missiles, et sur les F16 - made in USA - pour les systèmes HUD (head-up display - « viseur tête haute », dispositif permettant au pilote de surveiller à la fois tout son environnement et ses instruments de bord - ndt). Israël a maintes fois utilisé les avions F16 et les hélicoptères Apache pour bombarder les villes et villages libanais et palestiniens.
Les F-16 américains utilisés par Israël.
Ces dernières années, le Royaume-Uni a autorisé des exportations d’armes à Israël pour un montant annuel allant de 10 à 25 millions de livres sterling. Et les chiffres disponibles pour les neuf premiers mois de 2008 montrent que plus de 27 millions de livres ont été approuvés en matériel militaire.
La campagne au Royaume-Uni a mis en lumière comment et à quel point les licences à l’exportation de matériels militaires pour Israël entraient en contradiction avec la politique même du gouvernement britannique en matière d’exportations d’armes. Depuis octobre 2000, le gouvernement britannique utilise la disposition européenne (pdf) ’Consolidation au niveau national et européen des critères pour les exportations d’armes’, pour déterminer si les licences d’exportations devaient être accordées.
Celle-ci prévoit toute une série d’éléments à prendre en considération, et notamment si le pays de destination agit en violation du droit international, ou s’il est impliqué dans des conflits armés, ou s’il respecte les droits de l’homme. Sur chacun de ces points, Israël est gravement pris en défaut et pourtant le nombre de demandes de licences d’armement qui lui ont été refusées a en réalité diminué (de 84 en 2002, il est tombé à 17 en 2007), pendant que le nombre de tués palestiniens continuait, lui, d’augmenter.
En 2006, le ministre des Affaires étrangères, Kim Howells, avait réaffirmé que la politique du gouvernement britannique était de ne pas autoriser l’exportation de matériels ou de composants qui pourraient être « employés agressivement » dans les territoires occupés palestiniens. Intervenant devant la Commission quadripartite parlementaire du Royaume-Uni, Howells avait cependant admis, « presque tous les éléments des matériels, je pense, peuvent être utilisés de façon agressive ». Ainsi, Howells confirmait l’argument depuis longtemps défendu par les militants qu’étant donné que les avions et les chars d’assaut pour lesquels les firmes UK fabriquaient des composants étaient régulièrement utilisés contre les Palestiniens, la pratique du gouvernement avait vidé de leur sens ses propres normes pour l’exportation.
Israël possède sa propre industrie d’armement, bien intégrée dans le commerce mondial des armes, aussi pour qu’un embargo sur les armes soit efficace et crédible, il doit opérer dans deux directions. Les firmes israéliennes telles que les industries aéronautiques, les arsenaux, Systèmes Rafael et Elbit, ont monté leur commerce de ventes d’armes avec des régimes auxquels les autres pays avaient refusé de livrer des armes, tels que l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid et la Birmanie aujourd’hui. Les exportations militaires sont une partie déterminante de l’économie d’Israël et son industrie aéronautique est le premier employeur privé du pays. L’Europe représente aussi aujourd’hui un important marché pour les firmes israéliennes, et le Royaume-Uni ne fait pas exception.
Lors de la récente invasion de Gaza par Israël, le rapporteur spécial des Nations unies, Richard Falk, a mis en cause « les pays qui s’étaient rendus et qui se rendaient complices, soit directement soit indirectement, des violations par Israël du droit international. Cette complicité concerne les pays qui fournissent sciemment des matériels militaires, notamment les avions et les missiles utilisés dans ces agressions illégales. » En vendant des armes à Israël, le Royaume-Uni apporte un appui matériel direct aux agressions d’Israël et lui manifeste clairement son accord avec ses agissements.
Chars d’assaut israéliens au "repos".
Le bombardement et l’invasion de Gaza ont intensifié les appels à un embargo sur les armes. Des parlementaires de l’ensemble de la représentation politique ont signé une Early Day Motion (forme de pétition parlementaire) condamnant les ventes d’armes britanniques à Israël. De plus, les Libéraux démocrates, le troisième parti le plus important au Royaume-Uni, et Amnesty International ont rejoint l’appel à l’embargo sur les armes. Amnesty International a publié un rapport accablant sur l’agression de Gaza et a appelé à un embargo sur les armes. Et l’organisation palestinienne pour les droits de l’homme Al-Haq a engagé des procédures juridiques avec Public Interest Lawyers au Royaume-Uni, pour examiner sous l’angle judiciaire la politique britannique engagée avec Israël dans un « business as usual » [reprise - péjorative - de cette expression de Winston Churchill en 1914, signifiant que des gens peuvent bien mourir de faim ou être bombardés, le ministère continue ses affaires comme d’habitude - ndt].
Pendant ce temps, les gouvernements du monde entier soutiennent activement l’assujettissement ininterrompu du peuple palestinien en fournissant à Israël les moyens militaires pour imposer et renforcer son occupation de plus en plus violente. Dans les nombreux pays qui ont inclus dans leur politique d’exportations d’armes des obligations liées aux droits de l’homme, faire campagne contre l’exportation d’armes à Israël est un outil très efficace qui met à jour l’hypocrisie des gouvernements dans la mise en oeuvre de leurs propres normes éthiques.
Alors que le mouvement mondial pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions prend de l’ampleur, une stratégie d’embargo sur les armes est un élément clé pour un appel plus large à des sanctions. Le refus du commerce des armes avec Israël lance un message fort de dénonciation des actes de ce pays, et le réexamen en cours entrepris par le gouvernement britannique démontre combien les campagnes de terrain peuvent créer une vraie différence en forçant les gouvernements à justifier leurs actes. Au Royaume-Uni, nous allons mettre maintenant la pression sur le gouvernement pour que cet examen aboutisse à des actions concrètes et à une décision contraignante pour cesser d’armer Israël.
Cela doit être soutenu au niveau mondial et tous les gouvernements qui récompensent Israël pour son agression avec leur appui militaire doivent être dénoncés.
Yasmin Khan milite pour une justice mondiale comme responsable à War on Want, organisation caritative qui combat la pauvreté dans le monde ; elle est coordinatrice de la coalition Stop Arming Israel.
24 avril 2009 - Vous pouvez consulter cet article à :
The Electronic Intifada - Traduction : JPP
http://www.info-palestine.net/impression.php3?id_article=6514