La gauche invisible
Résolument à droite, le prochain gouvernement israélien a su convaincre le Parti travailliste d’intégrer la coalition. Un faux semblant qui ne présage rien de bon.
La gauche invisible
Depuis les dernières législatives et l’annonce qui chargeait Benyamin Netanyahu de former un gouvernement de coalition, de l’eau a coulé sous les ponts. La droite extrémiste s’est rapidement ralliée au Likoud. Par droite extrémiste, on entend le parti d’Avigdor Lieberman Israel Beiteinou, ou encore le parti ultra-orthodoxe Shass. L’opposition, quant à elle, maintenait ses positions, le Parti travailliste et Kadima restaient hostiles quant aux propositions de Bibi, l’empêchant ainsi de parvenir à son objectif de coalition. Mais voilà. Le 24 mars, suite à des négociations sous-marines, le chef du Parti travailliste a changé la donne. En effet, Ehud Barak est parvenu à obtenir l’adhésion du comité central de sa formation pour rejoindre la coalition gouvernementale dirigée par Bibi. Par 680 voix contre 507, les délégués approuvent l’accord concocté en moins de 24 heures par une équipe de négociateurs des deux partis. C’est la surprise générale et l’incompréhension aussi. Netanyahu n’avait pas besoin du soutien des Travaillistes pour avoir la majorité à la Knesset. Mais ce soutien est crucial pour qu’il puisse s’affranchir quelque peu de son alliance avec le parti d’extrême droite d’Avigdor Lieberman (Beiteinou), qui sera le ministre des Affaires étrangères. Cela permet à Netanyahu d’amorcer un virage nécessaire s’il veut avoir des relations constructives avec l’Administration de Barack Obama.
Dans le rôle d’Ehud Barak, on attendait Livni. Mais la dirigeante du parti centriste Kadima n’a pas voulu, elle, transiger avec ses principes ou servir de faire valoir à Netanyahu. Ehud Barak n’a pas ses scrupules. Le Travailliste a justifié son intention de rallier la droite en arguant de « l’intérêt supérieur de l’Etat », confronté à de graves problèmes économiques et de sécurité.
La présence des Travaillistes aux côtés du parti Israel Beiteinou d’Avigdor Lieberman et du Shass d’Eli Yichaï — deux formations qui excluent notamment, tout comme le Likoud, la moindre idée de concessions sur Jérusalem — permet de sauver les apparences. Le gouvernement faussement hybride est l’unique façon de montrer patte blanche auprès de la communauté internationale tout en conservant une unité de droite. Benyamin Netanyahu a composé une équipe qui peut s’accommoder du statu quo, mais qui éclatera à la minute où les dossiers principaux du conflit israélo-palestinien seront rouverts avec la volonté de trouver des solutions équitables et pérennes à la question des frontières, des réfugiés, des colonies et, bien entendu, de Jérusalem. Le chef du Shass, le nouveau parti de la coalition, a d’ores et déjà écarté toute « concession sur Jérusalem », dont Israël a annexé la partie arabe après sa conquête en 1967, et où les Palestiniens aspirent à établir la capitale de leur futur Etat.
Certains espéraient que Netanyahu modérerait son point de vue une fois nommé premier ministre. On est loin du compte.
En Egypte, Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères pressenti, risque fort de se heurter à un mur. Hosni Moubarak est peut-être doux avec les Américains, mais c’est Lieberman qui, en disant que le président égyptien devrait visiter Israël ou « aller en enfer », a profondément offensé le président égyptien.
En outre, nombreux ont été choqués en lisant les déclarations outrancières de Lieberman qui parlaient de noyer les Palestiniens dans la mer Morte ou d’exécuter les Palestiniens israéliens qui discuteraient avec le Hamas. Pour ne rien arranger, à l’occasion de l’anniversaire des trente ans de paix israélo-égyptien, si certains médias sont restés consensuels, l’hebdomadaire égyptien Al-Ahram avait publié un éditorial dont le titre annonce la couleur : « Lettre de l’Egypte à Israël : Rien à célébrer ! ». Se référant à Benyamin Netanyahu et Avigdor Lieberman, l’éditorialiste parle de « l’aveuglement » des Israéliens et les accuse d’avoir choisi la « voie extrémiste » ainsi que de « tuer tout espoir ou pari sur la paix ». Le premier ministre sortant, Ehud Olmert (Kadima), a mis en garde son successeur en rappelant que la négociation avec les Palestiniens partait du principe de la création future d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël, avertissant que tout gouvernement israélien qui y renoncerait « perdrait son soutien international ». Désormais, selon la loi, Benyamin Netanyahu doit former son gouvernement d’ici le 3 avril, pour obtenir l’aval du Parlement.
Répartitions
Likoud : Dirigé par Benyamin Netanyahu, premier ministre pressenti. 27 députés.
Israël Beiteinou : Dirigé par Avigdor Lieberman, futur ministre des Affaires étrangères. 15 députés.
Parti travailliste : Dirigé par Ehud Barak, qui devrait rester ministre de la Défense. 13 députés.
Shass : Parti ultra-orthodoxe séfarade. 11 députés.
Habayit hayehoudi : Maison juive, ex-Parti national religieux. 3 députés.
Maude Girard