La solution à deux Etats s’éloigne
par Monique Mas
Article publié le 01/04/2009 Dernière mise à jour le 02/04/2009 à 12:12 TU
Une décennie de traversée du désert plus tard, Benjamin Netanyahu reprend les manettes du gouvernement israélien qu’il a déjà dirigé entre 1996 et 1999 avec la même répugnance notoire pour l’établissement d’un Etat palestinien indépendant et viable aux frontières d’Israël. Qu’il change d’avis en la matière risquerait d’ailleurs de faire exploser la coalition hétéroclite pour laquelle il a dû ratisser jusqu’à l’extrême droite et faire jouer les utilités au parti travailliste d’Ehud Barack. Ce dernier est en effet ouvert à la solution à deux Etats réclamée par Washington et Bruxelles. Elle n’est pas au menu de Netanyahu qui peut toujours invoquer les divisions palestiniennes pour gagner du temps. Il va quand même devoir rassurer le successeur de George Bush, mais aussi l’Europe, s’il veut continuer à bénéficier du même soutien international.
« Le gouvernement sortant a adopté l'idée de deux Etats pour deux peuples, défendue par l'administration américaine et acceptée par une majorité de pays à travers le monde », a lancé le président travailliste, Shimon Peres, le 1er avril, pendant la cérémonie de passation des pouvoirs entre Ehud Olmert et Benjamin Netanyahu. Une manière diplomatique de presser le nouveau Premier ministre de « déterminer quelle sera la forme de la réalité future » des relations israélo-palestiniennes. Et Shimon Peres d'évoquer l’initiative de paix arabe de 2002 qui offrait de reconnaître Israël en échange d’un Etat palestinien et du retrait israélien des territoires occupés depuis 1967. En réponse à ces propos à usage essentiellement externe, Benjamin Netanyahu s'est déclaré « guidé par la nécessité pour les Israéliens de rester unis », se gardant bien d'évoquer l'hypothèse d’un Etat palestinien, un terrain miné à ses yeux.
Netanyahu « ne croit pas à la paix », selon les Palestiniens
« Je ne vois pas ce qu'il peut y avoir de mieux que la paix, notamment depuis qu'à ce besoin de paix des Arabes s'ajoute la menace que fait peser l'Iran sur les pays arabes de la région », a déclaré le chef du Likoud à son investiture, ce qui a fait monter d’un cran la tension des Palestiniens. Dénonçant comme une manœuvre de diversion l’allusion à l’Iran - régulièrement présenté comme une menace existentielle pour Israël - le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas s'est empressé de « dire au monde que cet homme ne croit pas à la paix », ajoutant que «Benjamin Netanyahu n'a pas accepté la solution des deux Etats, ni les accords déjà signés et qu'il ne veut pas non plus arrêter la colonisation».
Mahmoud Abbas assure que les Palestiniens ont rempli leurs engagements de la « Feuille de route » pour la paix, inspirée par les défunts accords d’Oslo de 1993 et parrainée par le Quartette international sur le Proche-Orient (Etats-Unis, Europe, Russie et ONU). Le chef de l'Autorité palestinienne estime que dans ces conditions, « la balle est à présent dans le camp des Etats-Unis, de l'Europe et d'Israël ». Maintenant, ajoute-t-il, « le monde entier doit dire à Israël qu’il faut accepter une solution basée sur deux Etats, arrêter la colonisation, démanteler les colonies sauvages et lever les barrages » qui entravent la vie quotidienne et la survie économique des Palestiniens.
Benjamin Netanyahou annonce pour mai prochain une séance d’explications avec Barack Obama, le nouveau président américain qui juge « intenable » le statu quo entre Israël et les Palestiniens. Depuis son avènement, le président Obama appelle en effet les parties en conflit à faire avancer « la solution à deux Etats ». Un objectif auquel son prédécesseur, George Bush avait tardivement voulu donner un coup de pouce, à Annapolis, fin 2007. Un an plus tard, à défaut de résultats, le Quartette avait jugé utile d'affirmer à Charm-el-Cheikh, fin 2008, que le processus d'Annapolis survivrait à l’administration Bush. En décembre-janvier dernier, Annapolis avait semblé devoir se noyer dans l’offensive israélienne à Gaza ; il pourrait ne pas survivre à Ehud Olmert, le Premier ministre israélien sortant.
La diplomatie israélienne ne passe plus par Annapolis
A sa prise de fonction, ce 1er avril, le nouveau chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman a jeté un froid en affirmant que « le gouvernement israélien n'a jamais ratifié Annapolis, pas plus que la Knesset ». Faut-il seulement voir dans cette déclaration plutôt intempestive une nouvelle provocation à usage interne ? Le diplomate ultranationaliste s'est en effet souvent illustré par ses diatribes contre les Arabes israéliens auxquels il prête la volonté de former une « cinquième colonne ». Sa remarque interroge en tout cas grandement le chef de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Jusqu'ici, il avait tiré une légitimité et un soutien international de ses négociations avec Ehud Olmert. Mais désormais, de Ramallah à Gaza, qu'ils soient partisans du Fatah ou du Hamas, les Palestiniens ne croient pas du tout devoir se réjouir lorsque Benjamin Netanyahu promet que son « gouvernement agira pour arriver à la paix sur trois volets : économique, sécuritaire et politique ».
Netanyahu jure aussi ses grands dieux qu’Israël ne « veut pas gouverner un autre peuple…». Les Palestiniens n'en sont pas davantages rassurés. Ils retiennent que dans l'esprit du nouveau Premier ministre israélien, un « accord définitif » pourrait effectivement leur concéder « tous les droits pour se gouverner eux-mêmes », à l'exception des droits qui seraient « susceptibles de constituer un danger pour la sécurité et l'existence de l'Etat d'Israël ». Ce serait donc affaire d'interprétation. Et en la matière, les Palestiniens n'attendent pas une grande tolérance de l'attelage formé à droite autour des 27 députés du Likoud et finalisé le 1er avril avec l'arrivée des cinq députés du Parti du Judaïsme unifié de la Torah, représentant de l’orthodoxie ashkénaze, aux côtés de l’extrême droite nationaliste d’Israël Beiteinou (15 députés), de l’orthodoxie sépharade du Shass (11 députés) et du « parti des colons », le Foyer juif (3 députés).
Une raison pour les Palestiniens de faire front commun
Si le régime Netanyahu fait déjà office de repoussoir dans les rues palestiniennes et arabes, la réconciliation des frères ennemis du Fatah et du Hamas n'est pas acquise. Ce 1er avril, ils étaient justement invités au Caire pour un nouveau round de négociations, toujours sous le patronage du chef des renseignements égyptiens, Omar Souleimane. Finalement, à l'instar des Israéliens, pour les Palestiniens aussi l'objectif est de former un gouvernement d'entente, sinon d’union nationale puisque celui qui était sorti des urnes de 2006 est tombé dans les oubliettes de l’histoire avec la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en juin 2007. Pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, les choix sont dictés par les aléas du conflit qui les oppose.
Au Caire, les Palestiniens discutent système électoral en vue de nouvelles législatives et d’une présidentielle. En filigrane se livre une bataille très vive sur la préséance entre mouvements. Il est notamment question de l'avenir de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) dont se réclame Mahmoud Abbas pour revendiquer la légitimité de son autorité. Jusqu’à présent, les discussions ont régulièrement achoppé, la lutte pour le pouvoir prenant le dessus. Elle retarde d'autant la reconstruction de la bande de Gaza pour laquelle une aide internationale de 4,5 milliards de dollars à été annoncée le 2 mars dernier. Un appui à la médiation égyptienne. Un appât tendu aux Palestiniens, mais rien qui leur garantisse la pérénisation d'un Etat.
Force est de constater que le gouvernement Olmert est parvenu à réduire à peau de chagrin l’hypothétique Etat palestinien, tout en se prêtant à d'interminables négociations émaillées d'épreuves de force. A l'inverse, s'il leur refuse jusqu’au moindre espoir, le gouvernement Netanyahou donnera peut-être aux Palestiniens une raison de faire front commun. A moins que justement, l'épreuve de la réalité les conduise à la paix des braves.