Le lobby pro-Israël fait échouer la nomination de Freeman
Le lobby pro-Israël fait échouer la nomination de Freeman
Robert Dreyfuss
The Nation > Blogs > The Dreyfuss Report, 10 mars 2009
www.thenation.com/blogs/dreyfuss/416170/israel_lobby_defeats_freeman_appointment
Le retrait de Charles (Chas) Freeman de la
présidence du National Intelligence Council, au terme de deux semaines
d’attaques injurieuses lancées contre lui par le chœur le plus ardent du lobby
sioniste américain, est un mauvais point pour l’administration Obama.
Comme je l’écrivais il y a quinze jours,
lorsque la campagne contre Freeman a débuté, si Barack Obama ne peut pas tenir
tête à des gens comme Marty Peretz, Jonathan Chait, Steve Rosen et autres critiques
irascibles et si la Maison Blanche ne peut pas défendre le gratin en matière d’intelligence
critique quand cette personne est attaquée par des requins républicains flairant
le sang dans l’eau, comment alors pouvons-nous attendre d’Obama qu’il tienne
tête à Bibi Netanyahou et à son allier plus radical encore, Avigdor Lieberman, quand
ils s’affronteront sur la politique du Proche-Orient ?
C’est triste et inquiétant.
Attendez-vous à de l’exultation dans les
pages de The New Republic, de la National Review, de The
Weekly Standard, sur Fox News, dans les couloirs de l’American Enterprise
Institute et de l’AIPAC, ainsi que sur les blogs de droite et néo-cons.
Parmi ceux qui ont rejoint la campagne de
diffamation visant Freeman, il y avait (voyons les choses comme elles sont) les
Juifs intransigeants du Congrès démocrate, y compris le sénateur Charles Schumer
de New York, le député Steve Israel (il se nomme vraiment « Israël »)
de New York et bien sûr cet ancien démocrate, Joe Lieberman – tous pressés dans
le coin des fidèles, avec l’AIPAC.
Le Post, écrivant ce matin à propos
de l’opposition à Freeman de la part de sept membres républicains du Senate
Select Committee on Intelligence, citait Freeman tel qu’il s’exprimait en
2007 : « L’oppression brutale des Palestiniens par l’occupation
israélienne ne montre aucun signe d’un terme quelconque… L’identification
américaine avec Israël est devenue complète. »
Vous pouvez apparemment tout croire, sauf
cela.
Il y a près de quatre ans, j’ai interviewé
Freeman à propos de la nomination désastreuse de Porter Goss au poste de
directeur de la CIA ; celui-ci avait été affecté par le Président Bush à
la surveillance politique d’une agence censée dire la vérité au pouvoir. Goss,
m’avait alors dit Freeman, avait été envoyé à Langley pour « imposer
une vision [de la CIA] que ses analystes et ses agents rejettent comme n’étant
tout simplement pas basée sur la réalité ». « C’est
totalitaire. On va finir par se retrouver avec une agence plus à droite, plus
conformiste et moins portée à produire des gens ayant des idées originales et des
dissidents. »
J’ai bien l’impression que nous savons
maintenant qu’il n’y a plus de place pour des dissidents dans le monde du
renseignement.
Ce mardi, tard, Freeman a publié cette
déclaration :
A tous ceux qui
m’ont soutenu ou m’ont adressé des paroles d’encouragement au cours de la
controverse de ces deux dernières semaines, j’adresse ma gratitude et mon
respect.
Vous aurez
découvert la déclaration faite par le Director of National Intelligence, Dennis
Blair, rapportant le fait que je suis revenu sur mon acceptation initiale de l’invitation
qu’il m’avait faite d’occuper la présidence du National Intelligence Council.
Je suis arrivé à la
conclusion que le déluge de distorsions diffamatoires de mes antécédents ne
s’arrêterait pas avec mon entrée en fonction. Les efforts en vue de me calomnier
et de détruire ma crédibilité se poursuivraient au contraire. Je ne crois pas
que le National Intelligence Council pourrait fonctionner efficacement avec un
président sous attaque permanente de la part de gens sans scrupules passionnément
attachés aux vues d’une faction politique d’un pays étranger. J’étais d’accord
de présider le NIC pour le renforcer et le protéger contre la politisation, et
non pour l’exposer aux efforts d’un groupe d’intérêt particulier prétendant le
contrôler par le biais d’une longue campagne politique.
Ceux qui me
connaissent le savent bien : j’ai beaucoup profité de la vie depuis ma
retraite. Rien n’était plus éloigné de mon esprit qu’un retour à la fonction
publique. Lorsque l’amiral Blair m’a demandé de présider le NIC, je lui ai
répondu que j’entendais qu’il me demandait « de renoncer à ma liberté de
parole, à mes loisirs, la plus grande part de mes revenus, de me soumettre à la
colonoscopie mentale d’un polygraphe, et de reprendre la navette quotidienne
pour un job aux longues heures de travail et une ration quotidienne d’injures
politiques ». J’ai ajouté que je me demandais « s’il n’y avait pas un
côté négatif à cette offre ». J’étais pleinement conscient que nul n’est
indispensable ; je ne fais pas exception. Il m’a fallu des semaines de réflexion
pour conclure qu’étant donné les circonstances de défi sans précédant dans
lesquelles notre pays se trouve actuellement à l’étranger et à l’intérieur, je
n’avais pas d’autre choix que d’accepter cet appel à revenir dans la fonction
publique. J’ai donc démissionné de toutes les positions que j’avais et de
toutes les activités dans lesquelles j’étais engagé. J’attends avec impatience
de retourner à la vie privée, libéré de toutes les obligations antérieures.
Je ne pousse pas
l’immodestie jusqu’à penser que cette controverse portait sur moi plutôt que
sur des questions de politique publique. Ces questions avaient peu à voir avec
le NIC et n’étaient pas au cœur de la contribution que j’espérais apporter à la
qualité d’analyse offerte au Président Obama et à son administration. Néanmoins,
je suis attristé par ce que la controverse et la manière avec laquelle le
vitriol public de ses instigateurs dévoués s’est déversé ont révélé de l’état
de notre société civile. Il est manifeste que nous, Américains, ne pouvons plus
mener un débat public sérieux ni exercer un jugement indépendant sur des
matières de grande importance pour notre pays ainsi que pour nos alliés et
amis.
Les calomnies
lancées contre moi et leurs courriels dont on peut aisément suivre la trace
montrent de manière décisive qu’il y a un puissant Lobby décidé à empêcher
toute autre vue que la sienne de s’exposer, moins encore s’agissant de la
compréhension américaine des tendances et événements du Proche-Orient. La
tactique du Lobby pro-Israël touche le fond du déshonneur et de l’indécence, et
inclut l’assassinat moral, la citation sélective inexacte, la déformation
délibérée des antécédents, la fabrication de mensonges et un mépris total de la
vérité. L’objectif de ce Lobby est le contrôle du processus politique via
l’exercice d’un veto sur la nomination de personnes qui contestent la sagesse
de ses vues, le remplacement de l’analyse par la conformité politique, et
l’exclusion pour les Américains et notre gouvernement de tout choix de décision
autre que ceux qu’il prône.
Il y a une ironie
toute spéciale à avoir été accusé de considération déplacée pour les opinions
de gouvernements étrangers et de sociétés étrangères par un groupe aussi
clairement déterminé à imposer l’adhésion à la politique d’un gouvernement
étranger – dans ce cas-ci, le gouvernement d’Israël. Je crois que l’incapacité
du public américain à débattre ou celle du gouvernement à envisager n’importe
quel choix pour la politique US au Proche-Orient qui fasse l’objet d’une
opposition de la part de la faction dirigeante dans la politique israélienne, a
permis à cette faction d’adopter et de soutenir une politique qui menace en fin
de compte l’existence de l’Etat d’Israël. Il n’est permis à personne aux
Etats-Unis de le dire. Ce n’est pas seulement une tragédie pour les Israéliens
et leurs voisins au Proche-Orient ; cela porte un préjudice grandissant à
la sécurité nationale des Etats-Unis.
L’agitation scandaleuse
qui a suivi la fuite concernant ma nomination en instance sera vue par beaucoup
comme une raison de s’interroger sérieusement sur la capacité de
l’administration Obama de prendre ses propres décisions à propos du
Proche-Orient et des questions apparentées. Je regrette que ma volonté de
servir la nouvelle administration ait abouti à jeter le doute sur sa capacité
d’envisager et a fortiori de décider quelle politique est susceptible de servir
au mieux les intérêts des Etats-Unis plutôt que ceux d’un Lobby résolu à
imposer la volonté et les intérêts d’un gouvernement étranger.
Au tribunal de
l’opinion publique, contrairement à une cour de justice, on est coupable
jusqu’à preuve du contraire. Les discours à partir desquels des citations ont
été tirées de leur contexte sont accessibles à toute personne intéressée par la
vérité. L’injustice des accusations lancées contre moi était évidente pour ceux
qui ont l’esprit ouvert. Ceux qui ont cherché à attaquer ma réputation sont
indifférents à toute réfutation que moi-même ou n’importe qui d‘autre pourrait
avancer.
Mais tout de même,
pour mémoire : je n’ai jamais cherché à être payé ni accepté de paiement
de quelque gouvernement étranger que ce soit, en ce compris l’Arabie Saoudite
ou la Chine, pour un service quelconque et jamais je n’ai parlé au nom d’un
gouvernement étranger, au nom de ses intérêts ou de sa politique. Je n’ai
jamais fait de lobbying auprès d’un quelconque département de notre
gouvernement pour aucune cause, étrangère ou domestique. Je suis mon propre
maître, je ne dépends de personne et en retournant à la vie privée, je vais une
fois encore – pour mon plaisir – ne servir d’autre maître que moi-même. Je
continuerai à m’exprimer comme il me plaira sur des sujets de préoccupation
pour moi et pour d’autres Américains.
Je garde mon
respect et ma confiance dans le Président Obama et le Director of National
Intelligence Dennis Blair. Notre pays est actuellement confronté à de terribles
défis, à l’étranger et à l’intérieur. Comme tout Américain patriote, je
continue de prier pour que notre président puisse nous diriger avec succès afin
de les surmonter.
Je continuerai de mettre à jour ce post au
fil de la semaine, donc restez à l’écoute.
(Traduction de l’anglais : Michel Ghys)