A Jérusalem-Est, le quartier Al-Boustan s'organise contre sa destruction annoncée
A Jérusalem-Est, le quartier Al-Boustan s'organise contre sa destruction annoncée
La résistance s'est organisée. Une grande tente a été dressée et un comité de défense a été désigné. Le quartier Al-Boustan ("le jardin") à Jérusalem-Est est sur le pied de guerre. Les autorités israéliennes ont projeté de démolir 88 maisons pour y créer un parc. Le projet date de quatre ans, mais il vient d'être remis sur la table, et des ordres de démolition ont été notifiés aux 1 500 habitants de ces maisons qui, dit la mairie, ont été construites sans permis de construire.
"Certaines de ces maisons datent d'avant l'occupation de 1967, et les demandes de permis ne sont jamais accordées", proteste Abed Shalode, du comité de défense. Des cartes ont été déployées sur le mur pour expliquer comment la colonisation est en marche à Jérusalem-Est.
Des zones plus claires cernées de rouge indiquent les emplacements des implantations juives et leur progression dans le faubourg de Silwan, dans lequel figure le quartier Al-Boustan. Située au pied de l'esplanade des Mosquées, le Mont du Temple pour les juifs, près de la face sud de la vieille ville, cette zone est âprement convoitée par les colons pour en faire un prolongement du quartier juif.
C'est à cet endroit qu'est située la cité de David. D'intenses fouilles archéologiques y sont menées pour retrouver les traces de l'ancien royaume et démontrer que cette terre est bien juive. D'autant que la municipalité de Jérusalem projette d'en faire un lieu touristique.
"Pas de site touristique sur les ruines des maisons de 1 500 habitants", proclame un écriteau placé sous la tente. Deux maisons ont déjà été détruites, et la population craint l'arrivée soudaine des bulldozers. "La réaction sera violente", prévient Daoud Siam, né à Al-Boustan il y a soixante-dix ans. "Ils veulent nous humilier, nous provoquer, voler notre terre, mais nous ne nous laisserons pas faire", ajoute-t-il en mettant directement en cause le nouveau maire de Jérusalem, Nir Barkat, qualifié de "boutefeu de la ville sainte".
Elu il y a quatre mois, ce dernier a fait savoir que "la loi devait être respectée quelles que soient l'identité, la race, la résidence et la religion". Al-Boustan est devenu un abcès de fixation des tensions israélo-palestinienn
Al-Boustan est devenu le test de la volonté de Washington de prendre
une position claire contre la poursuite de la colonisation qui ruine la
possibilité de créer un Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme
capitale comme le souhaitent les Palestiniens. Cinquante-cinq autres
maisons sont également dans le collimateur à Choufat, au nord de
Jérusalem. Craignant un raidissement du prochain gouvernement
israélien, qui pourrait être très à droite, l'Autorité palestinienne
est sur le qui-vive. Soixante-dix familles juives vivent déjà à Silwan.
La fondation Elad, une organisation nationaliste religieuse, tente par
tous les moyens de conquérir de nouveaux espaces, maison après maison.
A chaque succès, les colons font immédiatement flotter le drapeau
israélien pour marquer le territoire. La municipalité a précisé que
seules les maisons construites après 1992 étaient concernées par les
démolitions. Les résidents ont demandé en vain que cette zone soit
classée résidentielle. Le rejet a été finalement notifié le 17 février.
Depuis, c'est l'inquiétude.
Très impliqué à Jérusalem, le cheikh Raed Salah, dirigeant arabe
israélien (il dirige la branche nord du Mouvement islamique), est venu
dire sur place : "Notre position est claire : soit nous vivons sur
notre terre, soit nous y serons enterrés."
Michel Bôle-Richard - Le Monde du 19 mars 2009
Quartier al-Bustan à Silwan: la réalité
Traduit en français Raghida Ousseiran
27 février 2009
Le
samedi 21 février 2009, la municipalité de l’occupation remet à 134
familles d’al-Quds, formées de 1500 personnes, vivant sur 88 ensembles
de terres dans le quartier al-Bustan de Silwan, dans la banlieue, au
sud de la mosquée al-Aqsa, des ordres d’évacuation de leurs maisons
dont la destruction est prévue pour instaurer, à la place, un parc
dénommé « le jardin du roi David ».
Bien que cette mesure semble
isolée et subite, elle fait cependant partie d’un projet parallèle à la
constitution d’un centre juif à la place de l’ancienne ville et de ses
environs, isolant la mosquée al-Aqsa de son environnement palestinien,
et réalisant une continuité entre les colonies réparties aux alentours
de la ville et la ville ancienne et la mosquée al-Aqsa. Nous essaierons
ci-joint d’éclaircir les différents aspects de cette mesure et le
projet duquel elle fait partie
Le quartier al-Bustan
Le quartier al-Bustan se trouve au centre de la banlieue Silwan, au sud de la sainte mosquée d’al-Aqsa. Il est limité au nord par les murs de l’ancienne ville et la mosquée al-Aqsa, au sud par le quartier al-Thawrî qui se trouve sur les pentes du mont al-Mukabbir, à l’est par le quartier Ras al-‘Amûd et à l’ouest par le quartier de wadi al-Hilwa. La superficie du quartier est d’environ 70 dunums, il constitue une partie du bassin n° 29987 selon l’administration du mandat britannique, et la propriété de tous ses terrains et ses immeubles est entièrement palestinienne maqdisite (carte n°1,2).
Carte n°1
Carte n°2
Décision d’expulser
Il y a cinq ans, précisément le 11 novembre 2004, l’architecte de la municipalité de l’occupation d’al-Quds, Uri Shatrit, promulgue la décision de détruire tous les bâtiments du quartier al-Bustan « en vue d’installer un jardin archéologique relié à la ville du roi David » (document n°1). Au début de l’année 2005, la municipalité de l’occupation commence par exécuter cet ordre et les habitants du quartier reçoivent progressivement des ordres de démolition et des chefs d’accusation au sujet de construction non autorisée. Au cours de cette année, la municipalité détruit effectivement deux maisons dans le quartier.
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Document n°1
Mais le gouvernement de l’occupation est revenu sur sa décision en la gelant à la fin de l’année 2005 par suite des pressions internationales, mais aussi parce que les habitants du quartier al-Bustan se sont présentés au-devant du conseiller juridique du gouvernement de l’occupation avec un mémorandum, lui demandant d’empêcher la destruction du quartier. Suite à cela, le président de la municipalité de l’occupation d’al-Quds annonce être revenu sur sa décision, proposant à la population de présenter un plan exprimant ses besoins en matière de développement. Au mois d’août 2008, la population du quartier remet ses plans à la municipalité de l’occupation, mais l’architecte de la municipalité, Shlomo Ashkol, lui fait comprendre que le plan présenté ne sera pas prochainement étudié, et que la municipalité poursuivra le plan de construction du « jardin national » dans le quartier, leur proposant de quitter leurs maisons, volontairement, en contrepartie de compensations ou de leur relogement dans une autre région d’al-Quds, Beit Hanina, au nord de la ville. Mais les habitants du quartier refusent absolument cette proposition. La municipalité de l’occupation leur apprend ensuite son refus du plan qu’ils avaient proposé, et leur remet les ordres d’évacuation.
3 – Projet de judaïsation « du bassin sacré » :
Dans les années 90 du siècle dernier, la municipalité de l’occupation d’al-Quds soulève le projet de judaïser la zone que l’occupant appelle « bassin sacré », qui comprend toute la ville ancienne, et de larges parties de quartiers et de banlieues environnants : quartiers de Sheikh Jarrah, Wadi al-Joz, al-Tur à l’est, la banlieu de Silwan dans le sud (voir carte n°3)
Carte n°3
Ce plan de judaïsation comprend :
a – constituer une ville archéologique semblable à la description biblique de « la sainte Urshalim » sous la mosquée al-Aqsa, dnas la banlieue de Silwan, des parties du quartier islamique de l’ancienne ville, et relier cette ville par un ensemble de jardins, de parcs, de musées, de sites archéologiques installés au-dessus de la zone entourant la ville ancienne, et notamment au sud, où se trouve la banlieue Silwan et à l’est, où se trouve le mont des oliviers (Jabal al-Zaytoun) et la banlieue al-Tur.
b – Remplacer la population arabe palestinienne par des habitants juifs, à commencer par l’ancienne ville pour arriver jusqu’aux quartiers de Wadi al-Joz, sheikh Jarrah, al-Tur, Silwan, Ras al-‘Amud.
Ce projet à plusieurs buts, se présente sous différents aspects, culturels, politiques, démographiques et religieux, les buts les plus importants étant :
1 – supprimer l’identité arabe et musulmane de la ville d’al-Quds pour la remplacer par une identité juive, sur le plan historique et religieux.
2 – Déplacer un grand nombre de Maqdisis (habitants originaires d’al-Quds) vers des zones éloignées de la mosquée al-Aqsa et de l’ancienne ville, ou même les déplacer vers l’extérieur de la ville d’al-Quds.
3 – Isoler la mosquée al-Aqsa des quartiers arabes palestiniens de la ville d’al-Quds, ce qui prive la mosquée d’une des principales lignes de défense, et facilite à l’occupant son agression contre elle, quand et comme il le veut.
4 – Instaurer une continuité géographique entre les points de colonisation dans l’ancienne ville et ses alentours d’une part et les colonies installées aux abords de la ville d’al-Quds, comme la colonie sur la French Hill et le bloc de colonisation E1 à l’est, ainsi que la colonie orientale Talpiot au sud.
Aujourd’hui, l’occupant a effectivement avancé à grands pas dans son projet. Ses réalisations les plus marquées sont :
1 – l’achèvement d’une grand nombre de lieux de visites archéologiques sous la mosquée al-Aqsa et la banlieue Silwan, au sud de la mosquée, en les ouvrant aux visiteurs juifs et aux touristes (carte n°4).
2 – Achèvement d’une grande partie de la « ville de David » archéologique, en plein air, dans le quartier Wadi al-Hilwa, dans la banlieue de Silwan, et son ouverture aux visiteurs juifs et aux touristes (carte N°4).
3 – Installation de points de colonisation dans les quartiers arabes, aux alentours de la mosquée al-Aqsa, et notamment dans le quartier musulman de l’ancienne ville et dans la banlieue Silwan et le quartier de sheikh Jarrah (carte n°3).
4 – Séparation des quartiers palestiniens entourant l’ancienne ville et la mosquée al-Aqsa du reste d’al-Quds par le biais du mur de séparation, des barrages, et interdiction à la population de ces quartiers d’emprunter un grand nombre de routes et de voies principales « pour raisons sécuritaires » (carte n°5).
Carte n°4
Carte n°5