FREE PALESTINE
11 mars 2009

Discuter avec le Hamas - L’Histoire se répéterait-elle ?

Discuter avec le Hamas - L’Histoire se répéterait-elle ?


Quand il est question des stratégies israélo-américaines appliquées aux Palestiniens et à leurs mouvements de résistance, les carottes sont également des bâtons, écrit Ramzy Baroud.

Ramzy Baroud

Discuter avec le Hamas - L’Histoire se répéterait-elle ?

 

Figure dominante et emblématique de la résistance du peuple palestinien, Yasser Arafat s’exprime le 13 novembre 1974 devant l’assemblée générale des Nations Unies.

Le mouvement Hamas peut affirmer avec raison que sa position un moment indiscutablement « radicale » n’est plus aujourd’hui considérée comme « extrême ». En effet, « Hamas » n’est plus un nom qui fait peur même dans le public occidental, et les inlassables tentatives israéliennes d’imposer un lien entre le Hamas et les objectifs de jihadistes islamiques sont maintenant sans effet.

La guerre israélienne contre Gaza a en effet prouvé que le Hamas ne pouvait pas être réduit à néant par des bombes ou décimé par des missiles. C’est à la même conclusion que les Etats-Unis et d’autres pays étaient arrivés concernant l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) au milieu des années 70. Naturellement, cette conclusion n’avait pas empêché Israël à beaucoup d’occasions d’essayer de détruire OLP : en Jordanie (tout au long de la fin des années 1960), en participant à la guerre civile libanaise (1976), puis en occupant le sud-Liban (1978) et finalement le pays tout entier (1982). Même après le départ des organisations de l’OLP du Liban, Israël a poursuivi ses dirigeants en Tunisie et dans d’autres pays, assassinant les moins accomodants et préparant de ce fait le terrain pour le « dialogue » politique avec « les plus acceptable partenaires pour la paix ».

L’histoire du conflit israélo-arabe nous a enseigné que l’engagement politique succède souvent aux guerres ; les résultats militaires de ces guerres déterminent souvent le cours de l’action politique qui s’ensuit. Par exemple, une guerre comme celle de 1967 (la défaite des Arabes) a renforcé l’idée que la solution militaire est la première option pour imposer la « paix » et la « sécurité ».

Naturellement, cette logique est fausse quand elle est appliquée aux luttes populaires. Des armées conventionnelles peuvent être encerclées et défaites. Ce n’est pas le cas des guerres populaires et les tentatives allant dans ce sens donnent souvent des résultats inattendus et contradictoires. La victoire d’Israël (grâce aux Etats-Unis et au soutien militaire, financier et logistique américain et européen) l’a mené à un abyme de totale arrogance. Les Arabes ont rendu la monnaie de la pièce en 1973 et étaient proches d’une victoire décisive au moment où les Etats-Unis sont à nouveau intervenus, fournissant à Israël le plus grand transport d’armes enregistré depuis la deuxième guerre mondiale.

Cette fois encore, la guerre de 1973 a créé de nouvelles réalités que même Israël ne pouvait pas nier. Le président égyptien Anwar El-Sadate avait gagné en prestige en tant qu’homme d’Etat après la guerre, tandis que le secrétaire d’état des Etats-Unis Henry Kissinger (de tous les temps, l’ami le plus dévoué d’Israël) conditionnait n’importe quel engagement américain en faveur de l’Egypte à l’abandon par ce dernier du camp soviétique. Pour gagner l’accord des Etats-Unis, le vocabulaire de Sadate et sa perception du conflit ont commencé à changer alors qu’un « processus de paix » fragmentait le conflit, en faisait une version localisée qui par la suite a vu l’Egypte s’extraire du conflit israélo-arabe.

L’OLP, dominée par sa plus grande composante le Fatah, s’est retrouvée en périlleuse position. Elle se renforçait politiquement il est vrai, mais on attendait que son discours pour la libération se tranforme en une approche « plus pragmatique » et « plus modérée ». Kissinger était déterminé à s’assurer que les objectifs arabes « maximalistes », y compris ceux de l’OLP, deviendraient minimalistes. C’était le prix de la reconnaissance et de la légitimité politique. Non seulement Sadate mais également l’OLP, comme le Hamas aujourd’hui, ont été invités à modérer leurs attentes et la véritable formule à la mode était d’accepter la résolution 242 des Nations Unies. Le prix de la légitimité de la lutte palestinienne demeure inchangé, mais la nouvelle période a amené de nouvelles exigences et conditions. Que ce soit à l’époque ou aujourd’hui, il n’a jamais été demandé à Israël de respecter la moindre réciprocité.

Plus l’OLP des années 70 remplissait ces conditions, plus Yasser Arafat prenait de l’ascendant. En juin 1974, l’OLP dirigée par le Fatah révisait et approuvait un programme politique qui adoptait une stratégie politique « par phase » avec pour objectif d’établir un état palestinien « sur chaque partie du territoire palestinien libéré », par opposition à l’engagement précédent du Fatah pour « un état démocratique sur toute Palestine ». La stratégie par étapes a divisé l’OLP — auparavant à peu près unifiée — entre le front des « modérés » et celui du « refus », mais a permis des gains politiques tels que la désignation de l’OLP par les états arabes à Rabat, comme « seul représentant légitime du peuple palestinien ». Par la suite Arafat a été invité à s’exprimer devant l’Assemblée générale des Nations Unies où OLP a obtenu le statut « d’observateur ». Lors de son discours du 13 novembre 1974, Arafat a prononcé sa phrase la plus célèbre : « Aujourd’hui, je suis venu tenant d’une main une branche d’olivier et de l’autre un pistolet de combattant pour la liberté. Ne laissez pas la branche d’olivier tomber de ma main. »

Laissons les historiens débattre pour savoir si Arafat a ou non été dupé par un stratagème qui a entraîné le ramollissement de la position d’OLP tandis que la position israélienne continuait à se durcir sans aucun frein. Le fait est que les graines de la division palestinienne ont été plantées durant ces années-là et les Palestiniens se sont retrouvés compartimentés entre modérés, extrémistes, maximalistes, minimalistes, pragmatiques, partisans du refus et ainsi de suite. Quant aux gains politiques de l’OLP, ils se sont avérés sans réelle importance et ont plus tard été employés exclusivement pour des affaires de gains personnels débutant en 1974, traversant l’époque d’Oslo, puis les années « de processus de paix » qui ont suivi et tombant finalement dans le cul-de-sac d’aujourd’hui.

Les médias font savoir aujourd’hui que les pays européens sont en contact direct avec des responsables du Hamas bien que les officiels [de ces pays] insistent sur le fait que ces contacts sont indépendants et sans rapport avec de plus grandes initiatives gouvernementales. De plus, plusieurs membres du Congrès des Etats-Unis ont visité Gaza, faisant toujours de semblables démentis. Le sénateur John Kerry qui conduisait une délégation des Etats-Unis, a prétendu que la position américaine concernant le Hamas n’avait pas changée et a répété les conditions que le Hamas devait remplir avant que n’importe quel contact soit possible.

Il faut être attentif à l’histoire qui a fait de l’OLP auparavant influente, l’organisation insignifiante qu’elle est aujourd’hui. L’histoire se répète souvent, c’est un fait, mais cela peut être évité si on mémorise de telles leçons historiques. La paix n’est pas un « processus », du moins pas dans le sens de Kissinger, et un véritable dialogue et un engagement positif n’exigent ni stipulations ni conditions. Le Hamas est aujourd’hui placé dans la même position à risque que celle de l’OLP ces précédentes années. Ses futures décisions influenceront d’inombrables façons la prochaine étape de ce conflit, et par conséquent le sort du peuple Palestinien.

(JPG)

* Ramzy Baroud est écrivain et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com ». Ses écrits ont été publiés dans de nombreux journaux, magazines et anthologies dans le monde entier.
Son dernier livre est « The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » (Pluto Press, London).

Site Internet : www.ramzybaroud.net

28 février 2009 - Diffusé par l’auteur
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article

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