FREE PALESTINE
5 mars 2009

Netanyahou doit former un gouvernement

Netanyahou doit former un gouvernement

>> Mise en ligne le 3/03/2009

Les partis de droite ont remporté les dernières élections israéliennes. Benyamin Netanyahou doit former un gouvernement et plusieurs hypothèses sont envisageables. Rien n’est joué, principalement en raison de sa détermination à régner au centre, tout en menant sa politique.

Une fois les suffrages dépouillés et les sièges de 1 à 120 distribués, il y a désormais place pour deux combinaisons possibles et plausibles. Deux variantes qui rendent le Likoud incontournable. A cet égard, Kadima a beau être arrivé en tête -ce qui n’est pas une mince affaire-, Tzipi Livni n’a nullement les moyens de former une coalition sans lui, alors que l’inverse n’est pas vrai. Même l’addition de Kadima, Avoda et Liberman ne s’élève qu’à 56 députés et il faudrait que le Meretz et les partis arabes consentent à s’abstenir pour que cela fonctionne. Cette combinaison n’a pas de sens et pas d’avenir.

Une coalition « acceptable »
Le Likoud a les moyens de former une coalition avec toutes les formations à sa droite, forte de 65 députés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Président de l’Etat, Shimon Peres, a confié à Netanyahou le soin de former un nouveau gouvernement. Et ce n’est pas le mode de scrutin qui l’empêchera de constituer cette coalition, pas plus que les contradictions entre les revendications laïques de Liberman face au statu quo exigé par le Shass et les partis frères concernant le monopole religieux en matière de mariage. C’est Netanyahou lui-même qui n’en veut pas - et il ne s’est pas privé de le dire publiquement et officieusement. Il sait bien qu’un gouvernement de cette nature est disqualifié d’avance. Sur la scène intérieure, d’abord : un gouvernement aussi homogène sur le plan idéologique et clérical réveillera les antagonismes politiques fondamentaux, et notamment les clivages gauche/droite et laïques/religieux que Sharon puis Olmert étaient parvenus à atténuer. Ensuite, dans la perspective d’une négociation avec l’Autorité palestinienne, la coalition est peu présentable, insortable, un repaire de fanatiques, de fous furieux ultranationalistes. C’est sans doute déformé, exagéré, mais même si l’on l’écrivait avec plus de nuance, le résultat serait le même. Netanyahou, qui s’y est déjà frotté -entre 1996 à 1999- en sait quelque chose. Sa liberté de manœuvre sera réduite à une peau de chagrin. A la première concession faite aux Américains en gage de bonne volonté -un avant-poste évacué, par exemple, ou le gel pour six mois de l’extension des implantations-, le parti Ikhoud Ha-leoumi (dont un des députés se déclare ouvertement le disciple du rabbin Meïr Kahanah) prendra la poudre d’escampette. Et s’il s’agit de reprendre la négociation sur Jérusalem, le Shass, l’ex-Mafdal et la moitié du Likoud feront tomber la coalition pour haute trahison.

La première place en jeu
Bref, Netanyahou veut régner au centre, avec une aile gauche et une aile droite pour réduire la pression des partis de droite récalcitrants. Mais cette aspiration à gouverner au centre, louable et capitale pour affronter les difficultés économiques, diplomatiques et stratégiques à venir, et que seule Tzipi Livni est en mesure de garantir, a un prix. Forte de cette réticence à gouverner « à droite toute » que Netanyahou dissimule à peine, elle exige dès lors de son adversaire le prix le plus élevé qu’elle est en droit de lui réclamer, précisément parce qu’elle est arrivée en tête du scrutin, à cette première place acquise de haute lutte, et, au demeurant, avec les voix du peuple de gauche : l’alternance à la tête du gouvernement. Elle n’a pas les moyens de former un gouvernement de rechange, et c’est pour elle ou le partage du pouvoir ou l’opposition. Pour Netanyahou, l’alternative existe : gouverner à droite ou gouverner au centre. Il ne faut pas, évidemment, exclure la possibilité qu’il se résigne à gouverner sans elle, mais la vie sera dure pour lui. Il ne faut pas exclure non plus qu’elle s’incline et participe à un gouvernement Likoud sans en être à la tête pour une période de deux ans, mais elle perdra alors très gros, car elle aura fait, une fois de plus, après son échec en octobre dernier, la démonstration qu’elle est une piètre politique. Tels sont les dilemmes qui se présentent aux deux vainqueurs du scrutin.
Un choix politique doit être fait et c’est à Netanyahou qu’incombe la lourde responsabilité de trancher. Il dispose d’un délai de 28 jours, prolongeable de 14 jours, pour y parvenir. A gauche, d’aucuns souhaiteraient le voir s’enliser avec sa coalition. Qu’elle se présente enfin sous son visage véritable et qu’elle ne compte plus sur le maquillage que trop souvent dans le passé les Travaillistes se sont empressés de fournir pour que le gouvernement puisse faire bonne figure. Qu’on aille droit à la crise, droit au mur. Ce vœu correspond à la conviction de nombreux Israéliens que si l’administration américaine hausse le ton, Netanyahou s’exécutera.

Un scrutin très dépendant
Toutefois, comme le disait Rabin en son temps face à cette politique du pire, nous n’avons pas un second Israël en réserve. Si Israël est en difficulté, c’est chacun d’entre nous qui le sera. Somme toute, faut-il voir dans la finalisation des négociations ou dans l’évacuation des implantations des mesures qui nous mettent en difficulté ? C’est à voir.
Concernant le rapport de force entre les blocs, il n’y a rien de nouveau sous le soleil même lorsqu’il pleut des trombes comme ce fut le cas en cette journée électorale. La clé du scrutin dépend étroitement de ce qui se passe du côté palestinien. Le climat est à la négociation et à la baisse de la violence ? Barak remporte les élections. Donnez-nous, en revanche, une intifada, et Barak les perd. Offrez-nous un désengagement qui se passe sans accroc et Olmert, remplaçant Sharon, gagne le scrutin. Donnez-nous ensuite l’enlèvement de soldats israéliens à la frontière libanaise et des roquettes sur Sderot consécutif à ce même dé-sengagement, et Netanyahou peut faire son come-back. Il n’y a pas de miracle en Israël et encore moins de surprise : depuis 1981, c’est l’allié ou l’adversaire palestinien qui fait les élections. Et c’est depuis cette époque que nous allons, à l’exception Sharon près, d’alternance en alternance.

La débâcle de la gauche
Cette évaluation de deux coalitions possibles ne doit pas nous dispenser de revenir sur le résultat des élections, à commencer par ce qui est, à coup sûr, le plus grand échec électoral de la gauche sioniste : 3 sièges pour le Meretz, 13 sièges pour le Parti travailliste. Ce n’est pas une défaite, c’est une débâcle. On en a pourtant trop vite conclu que le corps électoral, et notamment la population juive, avait viré à droite. L’idée doit être nuancée. Nous sommes loin des 51 députés qu’alignaient les Travaillistes au temps de Lévi Eshkol et Golda Meïr en 1969, à ceci près que la position des Travaillistes à l’époque était plus proche de celle du Likoud d’aujourd’hui : pour faire bref, le corps électoral bascule à droite alors que l’échiquier politique penche à gauche. Il n’est pas sûr qu’une partie des électeurs du Likoud soient hostiles au principe « deux peuples, deux Etats » que défend avec ardeur Kadima. Mais ils souhaitent que ce soit Netanyahou qui mène la négociation en ce sens, au nom du principe que la gauche est bonne à faire la guerre -ce qui s’est vérifié à deux reprises en moins de trois ans, au Liban et à Gaza-, tandis que la droite est habile à faire à la paix - ce que Begin et Sharon ont montré par deux fois également. Le peuple de gauche ne s’est pas évanoui : il a été convaincu de voter utile à partir du moment où les sondages ont confirmé, trois jours avant le scrutin, après des semaines durant lesquelles Netanyahou avait une confortable avance sur Livni, qu’il y avait bel et bien duel entre les deux. Le vote à un tour oblige les électeurs, devant une situation pareille, à voter utile ou pour ses convictions. Et la tendance au rassemblement est forte lorsque la compétition est ouverte.

Denis Charbit
Correspondant israélien

http://www.cclj.be/regards/web/isr_act.asp

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