FREE PALESTINE
30 janvier 2009

La patience saoudienne est à bout

La patience saoudienne est à bout
Financial Times, le 22 janvier 2009
par Turki al-Fayçal
article original : "Saudi patience is running out"

Pendant les dizaines d’années où j’étais fonctionnaire, j’ai fermement encouragé le processus de paix israélo-arabe. Au cours des derniers mois, j’ai exposé que le plan de paix proposé par l’Arabie Saoudite pouvait être exécuté sous l’administration Obama, si les Israéliens et les Palestiniens acceptaient de faire des compromis difficiles. J’ai dit à mes auditoires que cela valait la peine pour la nouvelle administration [américaine] d’y consacrer son énergie, parce que, comme le disait le diplomate indien Vijaya Lakshmi Nehru Pandit aujourd’hui décédé, « Plus nous suons dans la paix, moins nous saignons dans la guerre ».
Mais après qu’Israël a lancé sont attaque meurtrière contre Gaza, ces appels à l’optimisme et à la coopération semblent maintenant des souvenirs lointains. Ces dernières semaines, non seulement les Forces de Défense d’Israël ont massacré plus de 1.000 Palestiniens, mais elles ont pratiquement tué les espoirs de paix. A moins que la nouvelle administration étasunienne ne prenne des mesures vigoureuses pour empêcher toute souffrance et massacre supplémentaires des Palestiniens, le processus de paix, les relations américano-saoudiennes et la stabilité de la région seront en danger.

Le Prince Saoud Al-Fayçal, le ministre saoudien des affaires étrangères, a déclaré au Conseil de Sécurité des Nations-Unies que s’il n’y avait pas un règlement juste, « Nous vous tournerons le dos ». Le Roi Abdallâh s’est exprimé au nom de l’ensemble du monde arabe et musulman lorsqu’il a dit, au sommet arabe du Koweït, que si l’initiative de paix arabe était sur la table, elle n’y resterait pas longtemps. Une grande partie du monde partage ces sentiments et tout gouvernement arabe qui négocierait aujourd’hui avec les Israéliens serait à juste titre condamné par ses citoyens. Deux des pays arabes qui entretiennent des liens officiels avec Israël – le Qatar et la Mauritanie – ont suspendu toutes relations et la Jordanie a rappelé son ambassadeur.

L’Amérique n’est pas innocente dans cette calamité. Non seulement l’administration Bush a laissé un héritage insupportable dans cette partie du monde – de la mort de centaines de milliers d’Irakiens à l’humiliation d’Abou Ghraïb – mais elle a également, au moyen d’une attitude arrogante vis-à-vis de la boucherie de Gaza, contribué au massacre d’innocents. Si les Etats-Unis veulent continuer à jouer un rôle de leader au Moyen-Orient et maintenir des alliances stratégiques intactes – en particulier leur « relation spéciale » avec l’Arabie Saoudite – ils devront réviser radicalement leur politique vis-à-vis d’Israël et de la Palestine.

La nouvelle administration étasunienne héritera d’un « panier rempli de serpents » dans la région, mais il y a des choses qui peuvent être faites pour aider à les calmer. D’abord, le Président Barack Obama doit s’exprimer sur le désastre à Gaza et ses causes. Inévitablement, il condamnera les tirs de roquettes par le Hamas contre Israël.

Lorsqu’il le fera, il devra également condamner les atrocités commises par Israël contre les Palestiniens et soutenir une résolution de l’ONU à cet effet, condamnant avec vigueur les actions israéliennes qui ont conduit à ce conflit, depuis la construction des colonies en Cisjordanie au blocus de Gaza, aux assassinats ciblés et aux arrestations arbitraires de Palestiniens. Il devra déclarer l’intention de l’Amérique de travailler en vue d’un Moyen-Orient exempt d’armes de destruction massive, avec un parapluie de sécurité pour les pays qui y adhèrent et des sanctions pour les autres. Il devra également appeler à un retrait immédiat des forces israéliennes des Fermes de Shaba au Liban, encourager des négociations de paix israélo-syriennes et soutenir une résolution de l’ONU garantissant l’intégrité territoriale de l’Irak.

M. Obama devrait encourager fermement l’initiative de paix d’Abdallâh, qui appelle Israël à remplir ses obligations, stipulées dans les diverses résolutions et lois internationales : se retirer complètement des territoires occupés en 1967, y compris Jérusalem-Est, et retourner aux lignes fixées en juin 1967 ; accepter une solution juste mutuellement acceptée au problème des réfugiés selon la résolution 194 de l’Assemblée Générale de l’ONU ; et reconnaître l’Etat indépendant de Palestine avec Jérusalem-Est pour capitale. En échange, il y aurait la fin des hostilités entre Israël et les pays arabes et Israël obtiendrait des relations diplomatiques entières et normales.

La semaine dernière, le Président iranien Mahmoud Ahmadi-Nejad a écrit une lettre au Roi Abdallâh, reconnaissant explicitement l’Arabie Saoudite comme leader du monde arabo-musulman et l’appelant à adopter un rôle plus provocateur concernant « cette atrocité et ce massacre flagrants de vos propres enfants » à Gaza. Ce communiqué est important parce que la reconnaissance de fait de la primauté du royaume [saoudien] de la part de l’un de ses plus ardents ennemis révèle l’ampleur de cette guerre qui a uni toute une région, à la fois les Chiites et les Sunnites. De plus, l’appel de M. Ahmadi-Nejad à ce que l’Arabie Saoudite conduise un Djihad contre Israël créerait, s’il était suivi d’effet, un chaos et un bain de sang sans précédent dans la région.

Jusqu’à présent, le royaume [saoudien] a résisté à ces appels mais, chaque jour, cette retenue devient plus difficile à maintenir. Lorsque Israël tue délibérément des Palestiniens, s’approprie leurs terres, détruit leurs maisons, déracine leurs vergers et impose un blocus inhumain contre eux ; et, tandis que le monde se lamente une fois de plus de la souffrance des Palestiniens, les gens de conscience de tous les coins du monde réclament une action. Le royaume [saoudien] finira par ne plus pouvoir empêcher ses citoyens de rejoindre la révolte mondiale contre Israël. Aujourd’hui, tous les Saoudiens sont des Gazéens et nous nous souvenons des mots de feu notre Roi Fayçal : « J’espère que vous pardonnerez mon débordement d’émotions, mais lorsque je pense que notre Mosquée Sainte à Jérusalem est envahie et désacralisée, je demande à Dieu, si je suis incapable d’entreprendre la Guerre Sainte, de ne pas me laisser vivre une minute de plus. »

Prions pour que M. Obama dispose de la prévoyance et de l’équité et qu’il parvienne à contenir le régime meurtrier israélien et qu’il ouvre un nouveau chapitre dans ce conflit des plus intraitables.


Le Prince Turki préside le Centre du Roi Fayçal pour la Recherche et les Etudes Islamiques, à Riyad. Il a été directeur des services secrets saoudiens, ambassadeur auprès du Royaume-Uni et de l’Irlande et ambassadeur auprès des Etats-Unis.
Copyright 2009 - The Financial Times Limited — traduction [JFG-QuestionsCritiques

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