FREE PALESTINE
19 janvier 2009

Gaza et la jeunesse bruxelloise

Gaza et la jeunesse bruxelloise

Billet posté le samedi 17 janvier à 15:42 par Henri Goldman.

Mohamed, Adam, Rayan, Nathan, Gabriel, Amine, Ayoub, Mehdi. Ces prénoms constituent le « top 8 » de ceux qui ont été attribués aux garçons bruxellois nés en 2007. Cinq de ces prénoms sont à consonance arabo-musulmane. La jeunesse bruxelloise d’aujourd’hui est ainsi, pour le meilleur et le pire. Le meilleur : c’est grâce à la vitalité de l’immigration (notamment, mais pas seulement) maghrébine que Bruxelles a mis fin à son déclin démographique. Le pire : la société bruxelloise n’a toujours pas trouvé le moyen de faire de ses habitants d’origine populaire extra-européenne des citoyens reconnus et acceptés pour ce qu’ils sont. À Bruxelles, la proportion de jeunes issus de l’immigration est telle que, souvent, les politiques dites d’intégration fonctionnent à l’envers. Sur le terrain, chacun s’en rend compte. Mais le système institutionnel continue à tourner sur lui-même comme si Bruxelles était toujours composée d’habitants « de souche » répartis entre 85% de francophones et 15% de Flamands. Cherchez l’erreur…

Les frères et les sœurs de Mohamed, Rayan et Mehdi, avec ou sans leurs parents, se sont massivement retrouvés à la manifestation du dimanche 11 janvier contre les massacres de Gaza. On a parlé à ce propos d’une manifestation communautaire. C’était surtout une manifestation bruxelloise. Ce qui est d’ordinaire confiné dans les rues et les maisons de Molenbeek ou Saint-Josse que le beau monde ne fréquente pas a pris ce jour-là possession des boulevards centraux de la ville. On a découvert une population jeune qui avait des valeurs et des préoccupations situées à des années lumières de Bruxelles-Hal-Vilvorde ou de la déconfiture de Fortis. Et ce qu’elle a montré d’elle a fait peur.

Ces jeunes Bruxellois ont pris fait et cause pour un peuple écrasé sous les bombes d’une armée puissante. Un peuple qui n’occupe aucune place particulière dans l’imaginaire européen, mais dont le destin tragique résonne dans tous les foyers arabes à partir des images d’Al Jazira consommées jusqu’à la nausée. Comme si le destin des Arabes de Bruxelles, et notamment d’une part importante de la jeunesse de cette ville, se jouait désormais en Palestine.

Cette identification vous choque ? Pourtant, elle ne fait que reproduire ce que tout le monde accepte comme une évidence : la solidarité « naturelle » des Juifs de partout avec Israël. À toutes les manifestations juives de quelque importance, le drapeau israélien est déployé. Quand un hymne national est de rigueur, l’Hatikva israélienne accompagne toujours la Brabançonne. Le Comité de coordination des organisations juives de Belgique affirme son « soutien par tous les moyens appropriés à l’État d’Israël, centre spirituel du judaïsme et havre pour les communautés juives menacées ». Enfin, l’éditorial du dernier numéro de Contact J, mensuel très professionnel édité par le Cercle Ben Gourion, réitère son soutien inconditionnel au « peuple d’Israël engagé dans un combat vital contre des agresseurs qui ont délibérément choisi de tourner le dos à l’humanité ». (En passant, on se demandera qui, dans les événements de Gaza, « tourne le dos à l’humanité ».)

Ce lien privilégié des Juifs avec Israël a une histoire. Une autre histoire est en train de tisser un lien de même type entre les jeunes Bruxellois d’origine maghrébine et les Palestiniens. C’est désormais en Palestine que se joue leur dignité de vivre en femmes et en hommes libres et respectés, leur fierté de ne pas courber l’échine malgré la disproportion des forces en présence, c’est aussi là que s’élabore un sens à leur vie puisque, pour beaucoup d’entre eux, celle qui les attend ici n’a pas de sens. Si l’islamisme a le vent en poupe aujourd’hui au sein de cette jeunesse, c’est qu’il apparaît à la fois comme le ferment de la résistance à l’occupation de la Palestine et comme porteur de valeurs là où nos droits de l’Homme à géométrie variable ont été complètement démonétisés par notre inconséquence.

Voilà le paysage sur fond duquel se constitue une nouvelle culture de résistance qui relie ici et là-bas. Sans aucun doute, cette culture charrie des références et se prête à des fréquentations difficiles à admettre pour des démocrates, mais les donneurs de leçon n’ont pas toujours fait la fine bouche. S’il faut comptabiliser les crimes selon le nombre de victimes, le Hamas est moins coupable que Tzipi Livni qui fut pourtant accueillie à bouche que veux-tu par Sarkozy alors que Gaza croulait sous les bombes. Georges W. Bush, président élu d’une grande démocratie et qui sera resté notre allié jusqu’au bout, a plus de sang sur les mains que Ben Laden. Attention à ne pas exonérer mentalement du statut de criminel celle ou celui qui partage nos bonnes manières. Un crime en Chanel, avec des mains soignées et un langage policé, reste un crime.

Il s’agit donc de notre jeunesse. Nous n’en avons pas d’autre de rechange. Son engagement existentiel aux côtés des Palestiniens massacrés est nettement plus honorable que la lâcheté et l’indifférence généralisées, même s’il y a beaucoup à redire sur les formes que cette solidarité emprunte. En les accompagnant franchement mais de façon critique dans cette solidarité, nous aiderons les plus lucides d’entre eux à contenir l’influence suicidaire de l’islamisme qui autrement risque d’occuper seul tout le terrain. Si cette hypothèse désastreuse devait se confirmer, c’est notre démission qui lui aura déroulé le tapis vert.

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