Lettre ouverte d’un des 271 enfants palestiniens morts d’Israël
Lettre ouverte d’un des 271 enfants palestiniens morts d’Israël
Lorsque c’est arrivé
Je n’ai rien pu prévenir
Je n’ai rien vu venir
Je n’ai rien du sentir
Soudain le jour entier a chaviré dans la lumière
la nuit humaine s’est éteinte
comme une fuite jusqu’au trépas
D’où je suis censé vivre si tôt dans vos mémoires
J’entends les pleurs des miens
Les cris les hurlements des frères
La plainte d’oiseaux meurtris
dans le ciel de décombres
Je vois par milliers les cortèges
Défiler sur la terre
lancer leur voix d’urgence
auréoler nos âmes d’étoiles en collier
D’où je suis censé voir par-dessus les frontières
Le vol accompli de deux générations
J’apprends que la terre appartient à la terre
Sans autre promesse que ses fleurs en partage
Entre tous les hommes que ne vante aucune occupation
Je sais que la vie passe au viseur des soldats
Sans que leur conscience sonne l’heure de trêve
Je comprends que l’on meurt de solitude devant mille caméras
Sans que justice inscrive notre droit
D’où je suis censé dire parmi les certitudes
Que l’espoir est sans fin au cœur de mon enfance
Je découvre les ruines de ma maison
L’arbre déraciné l’école éventrée
Mon jouet sous les bombes
Frappé pour sa fidélité
Je médite le sable revenant du vent
A la recherche de sa rose exilée dans les cendres
Je souffre le drame incompris du poète
dont les mots ne s’écrivent plus en terre d’où nommer un pays
Je crois que ma vie n’avait rien de plus précieux
Que l’éclosion des rires parmi les visages les plus lointains
Je sens par tout mon corps abandonné
Que la terre emmurée n’avait soif que d’ombre sans miradors
D’eau sans reflets de sang
D’où je suis censé grandir d’éternité
Embaumer la terre sainte
Je mesure de toutes mes heures brisées
Combien la faculté de la mort a mûri le colon
Au point d’interrompre la noce entre lune et soleil
et frapper de sa botte la graine de ma voix
J’écoute le crépitement des armes sur la pierre de ma tombe
faire du livre la religion du meurtre
J’attends des plaies d’histoire qu’elles décrivent
Dans les rues de Gaza réduites en poussière
Une aire de blé pour battre le mensonge
J’observe la mort en moi fixer ce regard d’enfants
Sur une nuit qui hurle le nom aveugle des bourreaux
D’où je suis censé faire entendre l’imprononcé
Mon cri déchire les massacres et les exils
Mon cri entre dans ta gorge et dans tes yeux
A la recherche de ton âme pour mon histoire
Inséparable de la tienne
Je pose sur tes joues une rosée plus forte que les larme de ma naissance
Je déploie sur tes rêves de paix le foulard de ma mémoire
Rassemblée autour des périls
Dans l’incomprise clarté de mes combats
J’accours par mes paupières endormies
Par mes lèvres entr’ouvertes
Par mes mains figées
J’accours vers le sens de ton jaillissement
Parmi le cri des révoltés qui entendront mon nom
Philippe Tancelin
12/01/09
poète-philosophe
directeur du centre international interuniversitaire de créations d'espaces poétiques
06 30 67 15 10