Gaza : folie collective et crimes de guerre
JUREK KUCZKIEWICZ
lundi 12 janvier 2009, 08:03
Les mots sont faibles pour caractériser ce qui se passe à Gaza. Lorsqu'on parle du conflit proche-oriental, il est généralement jugé habile ou judicieux de ne jamais accuser l'une des parties sans incriminer également la partie adverse. Mais il faut parfois oser dire les choses comme elles sont : la vérité et la justice ne sont pas toujours à mi-chemin des thèses ou des forces militaires qui s'opposent. Rien – pas même des roquettes qui ont fait trois morts en Israël depuis le début de cette guerre, pas même la présumée instrumentalisation par le Hamas de la population gazaouie – ne peut justifier la boucherie à laquelle nous assistons. Les guerres ne sont généralement, hélas, comptabilisées qu'au chapitre des morts. À Gaza, les quelques centaines de morts occultent le million et demi de vivants entassés dans ce qui s'apparente depuis deux ans à une prison – le mot est trop faible – et dont le sort était déjà tragique avant l'offensive israélienne. La destruction systématique, matérielle et morale, d'une population et d'un territoire exsangues, où écoles et hôpitaux sont délibérément pris pour cibles, dépasse tout entendement.
Même si elle correspond très précisément à la définition des crimes de guerre.
L'histoire enseigne que les crimes de guerre résultent souvent de folies collectives. Il faut bien parler ici de folie. De celle qui a saisi les dirigeants israéliens, qui ne se croient sans doute que cyniques, et se sont pris au piège de leur propre logique électorale et guerrière. L'extinction totale des tirs de roquette du Hamas est avancée comme un objectif absolu d'Israël : mais il faudrait exterminer toute la population de Gaza pour garantir qu'il ne se trouvera plus le moindre tireur d'une roquette qu'il finira toujours par bricoler. Cet objectif est impossible, et dès lors perpétuellement autojustificateur d'une poursuite du carnage. Par une mise en abyme dramatique, plus le Hamas et Gaza seront écrasés, au propre comme au figuré, par le rouleau compresseur militaire israélien, plus le même Hamas en sortira, en dépit de tout, vainqueur aux yeux des Palestiniens, et de tout le monde arabe. Ce carnage – répétons-le : des crimes de guerre – est pure folie. Combien de jours encore laisserons-nous faire ?