Message De Nurit Peled-Elhanan, Prix Sakharov 2001, partagé avec Izzat Ghazzawi
A Mr Hans Gert Pöttering, Président du Parlement européen; Luisa Morgantini, Vice-Présidente du Parlement européen; Et aux vainqueurs du Prix Sakharov
A l’occasion du 20e anniversaire du Prix Sakharov pour la liberté de pensée
Cher Président,
Chère Vice-présidente,
Chers vainqueurs du Prix Sakharov,
Je présente mes excuses de ne pas pouvoir assister à un événement si important.
Ces mots sont dédiés aux héros de Gaza, les mères et pères et enfants, les enseignants et les médecins et les infirmières qui démontrent chaque jour et chaque heure qu’aucun mur fortifié n’est capable d’emprisonner l’esprit libre de l’humanité et qu’aucune forme de violence n’est capable d’assujettir la vie.
Le pogrom mis en œuvre par les brutes de l’armée d’occupation contre les habitants de la Bande de Gaza est connu de tous, et pourtant le monde est impotent comme toujours. J’en appelle à vous tous qui avez acquis un privilège ainsi qu’un devoir en recevant le Prix Sakharov, à vous dresser et à aller à Gaza et toute autre ville d’oppression et de massacre, à défier tous les blocus et hauts murs et de ne pas renoncer jusqu’à ce que toutes les barrières soient tombées.
Quand le poète juif Bialik a écrit après le pogrom contre les Juifs de Kishiniev,« Satan n’a jusqu’ici pas créé la Vengeance pour le sang d’un petit enfant, »Il ne lui est pas venu à l’esprit que l’enfant serait un enfant palestinien de Gaza et que ses massacreurs seraient des soldats juifs.
Et quand il a écrit :
Que le sang transperce les abysses ! Que le sang suinte dans les profondeurs des ténèbres
Et y ronge, dans l’obscurité, et ouvre une brèche dans toutes les fondations pourrissantes de la terre.
Il n’imaginait pas que ces fondations seraient celles de l’état d’Israël. Que l’état d’Israël, juif et démocratique, utiliserait démagogiquement l’expression « du sang sur les mains » pour justifier son refus de libérer des combattants de la liberté, des enfants et des dirigeants pacifistes de la pire des prisons, tandis qu’il nous immerge tous dans le sang de bébés innocents, jusqu’au cou, jusqu’à nos narines, de sorte que chaque bouffée d’air que nous respirons envoie des bulles rouges de sang dans l’air de la Terre sainte.
Mais le siège de Gaza n’est qu’un des nombreux sièges imposés aujourd’hui dans le monde par les pouvoirs démocratiques ainsi que par les pouvoirs non-démocratiques. Tous ces sièges n’ont qu’un seul but : réduire au silence les voix de la liberté et de la justice.
Mon co-lauréat du Prix Sakharov, le Prof. Izzat Gazzawi, qui est mort d’humiliation moins de deux ans après avoir reçu cette prestigieuse récompense, m’avait écrit peu avant que son cœur ne lâche, qu’il croyait que les soldats israéliens qui venaient chaque nuit chez lui, dans sa maison, pour casser les meubles et effrayer les enfants, voulait réduire sa voix au silence. J’ai fais vœu alors comme je crois nous devrions tous le faire chaque jour, de faire tout en notre pouvoir pour que sa voix et d’autres voix courageuses ne soient pas réduites au silence.
Aujourd’hui, alors que les civilisations les plus éclairées commettent les crimes les plus haineux contre des gens innocents sans défense, par cupidité, par mégalomanie et racisme pur, nous devrions une fois de plus écouter le cri de Bialik d’il y a cent ans.
« Et moi, mon cœur est mort, il n’y a plus de prière Sur mes lèvres ;Toute force s’en est allée et Il n’y a plus d’espoir. Jusqu’à quand, Pendant combien de temps encore, Jusqu’à quand ?
Et ensuite, suivez l’exemple de gens comme Hu Jia le lauréat d’aujourd’hui du Prix Sakharov qui est détenu en prison pour avoir consacrer chaque moment de sa vie à mettre fin aux misères de la famille de l’homme.
With my best regards,
Nurit Peled-Elhanan
15.12 2008