FREE PALESTINE
1 décembre 2008

Les limites d'un système électoral.

Opinion - Israël
Les limites d'un système électoral

Sharon WEINBLUM

Mis en ligne le 29/11/2008
La crainte de se priver de partenaires gouvernementaux nécessaires en cas de nouvelles élections a pris le dessus sur la volonté de mettre en œuvre un projet politique cohérent.

Membre du Centre d'étude de la vie politique, Université libre de Bruxelles.

Les élections législatives prévues en Israël le 10 février 2009 ont comme un air de déjà vu. Les cinquièmes élections en dix ans, les cinquièmes élections anticipées aussi. Presqu’une banalité. Au-delà d’une affaire de corruption poussant le Premier ministre Olmert à la démission, ces élections, conséquence de l’échec de la formatrice désignée et ministre des Affaires étrangères, Livni, à former une nouvelle coalition, sont surtout la démonstration, s’il en fallait, des failles d’un système politique.

Produit d’un mode de scrutin ultra-proportionnel, le système de partis israélien est en grande partie le reflet des segments qui composent la société israélienne : communistes, arabes, travaillistes, nationalistes, ultra-nationalistes, orthodoxes, ultra-orthodoxes, ultra-orthodoxes séfarades etc. Depuis 2006, même les retraités sont représentés à la Knesset (le Parlement israélien).

D’aucuns souligneront l’impact positif pour les citoyens d’un système de représentation qu’aucun scrutin uninominal ne pourrait offrir. Pourtant, il semble bien atteindre ses limites lorsqu’il donne à quelques petits partis un poids qui dépasse de loin leur ancrage social réel, voire un potentiel de marchandage démesuré. Quelques exemples : en 1993, le départ du parti séfarade ultra-orthodoxe Shas suite à la signature des accords d’Oslo provoquait la mise en minorité du gouvernement Rabin ; en 2000, le retrait de Shas, du Parti national religieux et d’Israël B’alyah (parti ayant vocation à représenter les intérêts des électeurs d’origine russe) laissait à Barak un soutien de 30 députés (sur 120) en raison de sa volonté de discuter du statut de Jérusalem ; enfin, en 2005, la démission de ministres de différents partis - parmi lesquels celui du Premier ministre lui-même - en raison de l’annonce du plan de retrait de Gaza, amenait Sharon à précipiter de nouvelles élections.

Shas (12 sièges), en conditionnant sa participation au gouvernement Livni à une augmentation conséquente du budget affecté aux allocations familiales (dont bénéficie dans une importante mesure sa base électorale) et à la garantie de n’entamer aucune discussion concernant le sort de Jérusalem, a montré qu’il avait bien compris le poids qu’une telle position pouvait lui donner et son désir d’en tirer tout le bénéfice, quitte à laisser son pays sans gouvernement.

Premier responsable de l’échec de la formation gouvernementale, Shas n’a toutefois pas le monopole de l’inconséquence politique. Quel était en effet le message que le Président du Parti travailliste, Barak, a cherché à faire passer quand son premier réflexe à l’annonce de la démission d’Olmert a été d’organiser une rencontre avec Netanyahu, Président du parti nationaliste Likoud - avant de finalement signer un accord gouvernemental avec Livni et de proclamer aujourd’hui qu’il n’envisagerait pas de coalition avec le Likoud dans le futur ?

Quel objectif politique sous-tendait la démarche de Livni, lorsque, bien qu’impliquée depuis plus de deux ans dans les négociations israélo-palestiniennes, elle a décidé de se tourner vers Shas, l’un des partis les plus fermés aux pourparlers, et ce, tout en cherchant à intégrer le Meretz, fervent défenseur du retrait des territoires occupés ? Quel signal la formatrice a-t-elle cherché - ou non - à envoyer en ne prenant pas la peine de recevoir les représentants des trois partis arabes, détenant pourtant 10 sièges ? Pourquoi enfin, a-t-elle tenu, une fois les élections annoncées, à se distancier des propos d’Olmert sur la nécessité de se désengager de tous les territoires ?

De part et d’autre du spectre politique, la crainte de se priver d’une frange de l’électorat et de partenaires gouvernementaux nécessaires en cas de nouvelles élections semble une fois encore avoir pris le dessus sur la volonté de mettre en œuvre un projet politique cohérent. Il y a en effet tout à parier que les prochaines élections entraîneront la même fragmentation, les mêmes négociations gouvernementales complexes, avec pour conséquence des coalitions polarisées et précaires, peu propices à l’action politique franche.

Un seul point positif mais temporaire à la situation actuelle : Olmert, en bout de course, n’ayant donc plus rien à attendre des élections à venir a gagné la liberté d’être ambitieux, proclamant en outre publiquement la nécessité de mettre un terme à la colonisation en Cisjordanie. Pour le reste, les enjeux essentiels (questions sociales, tensions majorité-minorité, négociations de trêves, processus de paix) se trouvent à nouveau en proie à des discours équivoques et des démarches contradictoires et otages des aléas politiques et des crises gouvernementales successives.

Et une fois de plus, les citoyens d’Israël mais également des territoires palestiniens risquent de faire les frais d’un système depuis longtemps périmé et des dérives calculatrices de certains de ses hommes politiques.

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