FREE PALESTINE
4 novembre 2008

Le Dr. Ahmed Yousef, conseiller du Hamas, parle des Etats-Unis, du Fatah et d’Israël

Le Dr. Ahmed Yousef, conseiller du Hamas,

parle des Etats-Unis, du Fatah et d’Israël


L'administration Bush fait-elle des propositions discrètes au Hamas? Quelles sont les perspectives de réconciliation entre le Hamas et le Fatah et quelle est l’opinion du Hamas sur la paix avec Israël? Est-ce que le mouvement islamiste soutien la solution à un seul Etat et où se tourne-t’il vers d’autres modèles politiques?
Le Dr. Ahmed Yousef, principal conseiller du Premier Ministre Ismail Haniyeh, le chef du gouvernement du Hamas dans la Bande de Gaza, s’est récemment entretenu sur ces questions parmi d’autres avec le correspondant d’Electronic Intifada dans la bande de Gaza, Rami Almeghari.


Par Rami Almeghari >
rami_almeghari@hotmail.com
Rami Almeghari collabore avec The Electronic Intifada, IMEMC.org et Free Speech Radio News. Rami est aussi un ancien traducteur d'anglais et rédacteur en chef du Centre de Presse Internationale du Service d’Information Palestinien basé à Gaza. Il peut être contacté à l’adresse suivante :
rami_almeghari@hotmail.com.



Photo Rami Almeghari : Dr. Ahmed Yousef

Photo Rami Almeghari : Dr. Ahmed Yousef

En Juin 2007, le Hamas a pris le plein contrôle de la bande de Gaza, en évinçant les milices entrainées par les américains fidèles au Président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas. Depuis lors, le territoire, grand comme deux fois la taille de Washington DC, a été puni par un blocus israélien, forçant la grande majorité de ses 1,5 millions d'habitants à dépendre des dons en nourriture des Nations Unies.

Le Hamas, élu pour gouverner en Cisjordanie et dans la bande de Gaza par une victoire écrasante en Janvier 2006, a été boycotté par les puissances occidentales et a déclaré "organisation terroriste" par les États-Unis. Alors que le gouvernement d’Haniyeh est limité à la bande de Gaza, les États-Unis ne reconnaît que les élus du gouvernement basé à Ramallah nommé par Abbas en Cisjordanie.

Depuis Juin, le Hamas et Israël observent un cessez-le-feu négocié par les Egyptiens qui a mis fin à des mois de violence dans lesquels des centaines de civils palestiniens et plusieurs Israéliens ont été tués.


Propositions de l’Occident au Hamas

Rami Almeghari : Un journal basé dans le Golfe a signalé récemment que la secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, avait pris contact avec le Hamas par l'intermédiaire de tiers. Pouvez-vous confirmer ou nier cela?

Ahmed Yousef: En fait, c’était plus qu'une déclaration verbale transmise au Hamas par certains dirigeants arabes dans le Golfe parce que les Américains estiment qu'ils sont satisfaits du cessez-le-feu et que cela fait honneur au Hamas et pour la première fois, ils reconnaissent que le Hamas peut contrôler la frontière et s’assurer qu’il n'y a pas de violation de cessez-le-feu. Ainsi, c’était comme un compliment de la part de hauts responsables américains.


Rami Almeghari : Récemment, il y a eu des rapports de contacts entre le Hamas et certains pays européens comme la France. Pouvez-vous le confirmer et nous dire quelle est l'ampleur de ces contacts?

Ahmed Yousef: Pour être honnête avec vous, avant la prise de pouvoir du Hamas à Gaza, nous avions de bonnes relations avec de nombreux pays. Mais, malheureusement, après la prise de pouvoir, l'Autorité Palestinienne à Ramallah a fait pression sur les délégations occidentales pour qu’elles ne rencontrent pas le Hamas.

Nous avons voyagé et nous avons rencontré de nombreux dirigeants et diplomates européens et nous continuons toujours à le faire dans les coulisses. La France a envoyé une délégation ici ainsi que beaucoup d'autres.


Rami Almeghari : Etait-ce une délégation parlementaire?

Ahmed Yousef: Cela dépend. Parfois, ils prétendent venir sans le soutien de leur gouvernement, mais nous sommes sûrs qu’ils ne pourraient pas entrer sans la permission de leurs gouvernements.
Même une délégation américaine est arrivée et a rencontré les dirigeants du Hamas. Ils ont dit qu'ils étaient indépendants, mais nous savons, d'après certaines informations que nous avons eues, qu’ils étaient vraiment envoyés par l'administration Bush. Elle n'était pas indépendante.
C'était comme une mission d'enquête. Ils voulaient connaitre le Hamas et quelle est sa vision politique. Ils sont venus discuter avec nous de notre vision et voir si nous avions un plan pour régler le conflit pacifiquement


Réconciliation palestinienne

Rami Almeghari : Quel est la situation des discussions sur une réconciliation palestinienne qui ont lieu au Caire visant à mettre fin à la division entre le Hamas et le Fatah? Des reportages ont dit que le Hamas avait émis des réserves au sujet d'un projet de mémorandum d'accord présenté par l'Egypte.

Ahmed Youssef : Le document du Caire est un bon point de départ. Nous avons quelques réserves, mais nous pensons que nous serons en mesure de les résoudre lorsque nous nous réunirons avec les Egyptiens et les autres partis palestiniens au Caire le 9 Novembre.

Nous pensons que tant que le Hamas et le Jihad Islamique ne font pas partie de l'OLP [Organisation de Libération de la Palestine], la réforme et la restructuration de l'OLP ne sont pas accomplies, alors l'OLP n'a pas le droit de signer des accords avec Israël ou avec la communauté internationale. Avant nous, les Palestiniens, étions tous d’accord sur le fait que l'OLP serait le seul représentant de tous les Palestiniens mais alors, l'OLP n'avait pas ce genre de pouvoir.


Rami Almeghari: Si la division entre le Hamas et le Fatah continue, est-ce que cela assombrira les aspirations du peuple palestinien pour un État?

Ahmed Youssef: Je crois que dans les deux prochains mois, nous serons en mesure de mettre fin à cette division et à unir notre peuple dans le cadre d'un nouveau gouvernement. C’est honteux d'avoir de telles divisions, et je crois que tous les patriotes palestiniens veulent voir la fin de cette saga.


Rami Almeghari: Le président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, a demandé à plusieurs reprises des élections présidentielles et législatives anticipées. Est-ce que le Hamas accepterait cela ?

Ahmed Youssef : les Palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ne sont pas encore réunis et donc je ne sais pas comment nous pourrions avoir des élections pendant que le Hamas contrôle la bande de Gaza et qu’Abbas et ses forces de sécurité contrôlent la Cisjordanie. Lorsque nous aurons restauré l'unité, il sera plus facile d’étudier des élections anticipées.

D’ailleurs, il ne reste pas beaucoup de temps pour des élections anticipées. Le Conseil Législatif ne dispose que d'un an et trois mois avant la fin de son mandat.

Pour le moment, nous avons la réconciliation et un gouvernement de transition, cela pourrait prendre encore six mois pour régler les questions du document de réconciliation présenté par l’Egypte et puis nous serions encore besoin d'au moins six mois pour préparer les élections. Je pense donc que nous nous dirigeons vers un calendrier où nous aurions des élections en Janvier 2010.


Le Hamas et la situation dans Gaza

Rami Almeghari: Certaines personnes ont affirmé que le Hamas cherchait à établir un émirat islamique et qu’il était sur le point d'imposer la charia dans les territoires sous son contrôle. Est-ce vrai?

Ahmed Youssef: C’est totalement faux, et depuis la date de la prise de pouvoir par le Hamas dans la bande de Gaza, je ne pense pas qu’un Palestinien ait observé un changement dans la vie quotidienne. Cette revendication est utilisée seulement pour satisfaire la propagande d'Israël et peut-être quelques ordres du jour américains.

Nous vivons la même vie ici, et nous sommes confrontés aux mêmes problèmes avec les sanctions, l'occupation et l'isolement. Rien n'a changé. C'est la même vie. Les gens peuvent porter un foulard ou ne pas le porter et personne ne force personne à se conformer à la loi islamique. La vie ici est très démocratique, et nous espérons rester comme ça.

Je suis sûr que les gens qui ont commencé à parler de ces choses ont besoin de satisfaire certains des stéréotypes dans l'esprit de certains gouvernements occidentaux pour discréditer le Hamas et maintenir la pression et les sanctions afin de nous mettre en difficulté. Je ne pense pas que cette propagande ait réussi parce qu'une chose est différente du passé – tous ceux qui sont venus ici ont vu que le Hamas était en mesure de renforcer la sécurité de la population de Gaza.


Rami Almeghari: Comment décririez-vous l'expérience des Islamistes dans le gouvernement ici, notamment dans le cadre de la poursuite de l'occupation israélienne et le rejet du mouvement islamiste par les pays voisins?

Ahmed Youssef: Les gens ont été stupéfaits par la majorité remportée par les Islamistes aux élections. Personne ne s'attendait à cela. Même dans les élections israéliennes, aucun parti ne peut remporter un tel pourcentage. Le Hamas l'a fait parce que les gens disaient que c'est un mouvement qui fait de bonnes choses pour aider la cause nationale palestinienne et la population avait confiance en eux et pensait qu'ils n'étaient pas corrompus.
C'est quelque chose d'étonnant que nous ayons pu avoir des élections très libres, équitables et transparentes et beaucoup de gens ont dit que l'élection en Palestine avait été la meilleure parmi tous les pays arabes.



Rami Almeghari: Quel impact a eu le blocus imposé par Israël à la Bande de Gaza et le boycott international du Hamas sur l’autorité du Hamas?

Ahmed Youssef: Personne ne s'attendait à ce que le Hamas résiste à ce type de siège, de sanctions et d'isolement. Peut-être que certaines personnes ont tenté de vendre l'idée que le Hamas échouerait, s’effondrerait au bout de trois mois. Il suffit de maintenir la pression sur eux et ils cèderont. Heureusement, le Hamas a prouvé à la population du monde sa ténacité. C'est parce que les gens qui ont soutenu le Hamas, accordent encore leur soutien à ce gouvernement parce que les gens pensent que le Hamas n'est pas corrompu et tente de servir les plus hauts intérêts nationaux palestiniens. C'est pourquoi le gouvernement ne s'est pas effondré malgré le siège et les incursions israéliennes continues et l'agression contre nous ici et en Cisjordanie. Nous avons prouvé que nous pouvions résister et défier et que personne ne peut nous forcer la main si cela ne sert pas nos intérêts nationaux.


Rami Almeghari: Croyez-vous que les mesures prises contre les membres du Hamas en Cisjordanie par l'Autorité Palestinienne à Ramallah sont destinés à maintenir l'ordre et la sécurité ou cherchent-ils à ébranler le Hamas?

Ahmed Youssef: Tout le monde sait que la répression contre le Hamas en Cisjordanie cherche à ébranler le mouvement et à briser la volonté de ses membres. Ils veulent leur dire, "Vous ne pouvez pas bénéficier de la même liberté que vous aviez dans la bande de Gaza, et vous ne pouvez pas contester le gouvernement et les gens de la sécurité à Ramallah."


Rami Almeghari: Voyez-vous une relation entre le vœu de l'autorité de Ramallah de ne pas permettre au Hamas d’avoir des armes et la récente approbation du ministre israélien de la Défense au déploiement de 500 membres de la sécurité palestinienne dans la ville cisjordanienne d'Hébron?

Ahmed Youssef: Malheureusement, l'appareil de sécurité à Ramallah coopère pleinement avec les Israéliens. Ils sont devenus des agents, comme Saad Haddad (Editeur : Haddad dirigeait l’armée du Sud Liban, une milice de collaborateurs soutenue par Israël qui opérait dans le sud du Liban au cours de la période de l'occupation israélienne de 1982 à 2000].

Cela me donne l'impression que, pour survivre, les personnes corrompues de Ramallah essaient de faire tout ce qu'ils peuvent pour satisfaire les Israéliens. Leur objectif n'est pas que de renforcer la sécurité en Cisjordanie - parce que la Cisjordanie est toujours sous occupation et que le peuple palestinien a le droit de se défendre lui--même et a le droit de résister.
C'est légitime au regard du droit international. Je crois que la façon dont les gens sont à Ramallah traitent la résistance en Cisjordanie va ébranler leurs propres crédibilité et autorité.


Rami Almeghari: Des rapports de groupes des droits de l'homme soulignent certaines violations des forces contrôlées par le Hamas. Que répondez-vous à ces rapports?

Ahmed Youssef: Lorsque vous voyez des gens conspirer contre vous et en collaboration avec l'occupation, il faut être sévère avec eux.
Rappelez-vous ce qui s'est passé en Amérique après le 11 Septembre 2001? Ils ont lancé deux guerres en Irak et en Afghanistan, car ils ont affirmé que les gens de ces pays étaient liés à ces attaques.
Et en Grande-Bretagne, après les attentats à la bombe du 7 Juillet 2005, ils ont soupçonné que certains Arabes et Musulmans étaient à l'origine des explosions, alors ils ont réprimé tous les Arabes et les Musulmans.

Nous essayons d'améliorer l'état de droit et d’empêcher les gens de se faire justice eux-mêmes et nous voulons que les gens respectent nos lois locales. Je peux dire que nous sommes préoccupés par l'imposition de nos propres lois et nous ne voulons pas voir n’importe quelle organisation violer ces lois.


Opinions du Hamas sur l'avenir

Rami Almeghari: Le Hamas demande depuis longtemps une trêve à long-terme avec Israël, une offre que le Président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, et Israël ont déjà rejetée. Y a t-il une possibilité que le Hamas envisage d'autres options?

Ahmed Youssef: Nous nous en tenons toujours à notre vision politique qui est basée sur la trêve ou un cessez-le-feu de cinq, dix ou vingt ans si Israël accepte de se retirer sur les frontières d’avant 1967. Cela reste notre vision de base pour un règlement pacifique du conflit.


Rami Almeghari: Abbas affirme qu’une trêve à long terme va donner une chance à Israël de réoccuper les territoires palestiniens. Comment voyez-vous cela?

Ahmed Youssef: Je ne pense pas qu’Abbas comprenne pleinement ce que nous entendons par une trêve. La trêve signifie que les Israéliens se retirent dans un délai déterminé, peut-être six mois, de tous les territoires palestiniens occupés, et ils pourront obtenir une garantie de la sécurité pendant dix ou vingt ans.

Nous pensons que cela pourrait ouvrir la voie à l'instauration de la confiance. Dans vingt ans, peut-être que la nouvelle génération de Palestiniens aura des vues différentes sur la façon de régler le conflit.

Lorsqu’il n’y a pas d'effusion de sang, peut-être que ce serait un bon moment pour parler de paix, mais maintenant alors que le cycle de la mort continue et nous avons chaque jour des funérailles, je ne pense pas que ce soit le bon moment pour parler d'un règlement pacifique. Donc, nous avons besoin de temps pour guérir les blessures et les mauvais souvenirs de l'effusion de sang entre les Musulmans et les Juifs, entre les Palestiniens et les Juifs.

Et après cela, cette nouvelle génération aura sa propre vision politique sur la façon de régler le conflit peut-être par le biais d'un État binational ou d'une solution à un Etat. Je suis sûr qu'ils viendront avec des propositions différentes.

Mais aujourd'hui, c'est ce que nous pouvons offrir : Une hudna - vingt ans de paix avec les Palestiniens qui ont leur propre Etat indépendant et libre sur les frontières d'avant 1967.


Rami Almeghari: Il y a beaucoup de discussions sur la mort de la solution à deux États et de plus en plus d’activistes appellent à une solution à un Etat comme en Afrique du Sud. Comment le Hamas se place dans ces discussions et quelles sont les tendances actuelles dans la réflexion au sujet d’une solution à long terme?


Ahmed Youssef: Cela semble bien de parler d'une solution à un Etat mais cela ne sera pris en considération que lorsque la solution à deux États aura échoué. Cependant, jusqu'à présent, nous nous en tenons à notre position d’une trêve à long terme. L’Afrique du Sud est un bon modèle de coexistence, de réconciliation et de pardon.

Pour l’instant, nous n’avons toujours pas abordé cette question. Mais à l'avenir, si les attentes du monde d'un État palestinien indépendant et viable échouent en raison des politiques expansionnistes d'Israël - Israël a déjà confisqué et annexé 50% des terres de la Cisjordanie - les gens en arriverons à cette question et nous l’aborderons.


Rami Almeghari: Vers quel modèle politique se tourne Hamas dans les autres luttes de l'histoire?

Ahmed Youssef: Bien sûr, il y a Nelson Mandela, et nous nous tournons vers des modèles de pays non-musulmans et non-arabes. Par exemple, Michael Collins en Irlande [Editeur: Collins a été l'un des principaux dirigeants dans la lutte de l'Irlande pour son indépendance].
Je crois que le Hamas voit également comme bon modèle le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Nous ne sommes pas des Talibans, nous sommes Erdogan.


Source : http://electronicintifada.net/
Traduction : MG pour ISM

Commentaires
Derniers commentaires
Recevez nos infos gratuites
Visiteurs
Depuis la création 865 317
Archives