Quel avenir pour les Palestiniens?
Quel avenir pour les Palestiniens?
Par Jamal Juma
Dans moins de trois mois, le mandat du président de l'Autorité Nationale Palestinienne (ANP), Mahmoud Abbas, sera légalement terminé. Avec le gel du Conseil Législatif Palestinien depuis 2006 et l’absence de légitimité démocratique aux administrations de Salam Fayyad en Cisjordanie et d’Ismail Haniyeh à Gaza, il est le dernier élu en poste de l'Autorité Nationale Palestinienne.
Sans nouvelles élections avant le 9 Janvier 2009, les Palestiniens risquent de se retrouver sans structures légitimes, et la communauté internationale n'aura pas de partenaire pour poursuivre le vain "processus de paix".
Alors que la communauté internationale et Israël ont un intérêt majeur dans l’ébranlement des institutions démocratiques palestiniennes, la question demeure: que faire pour le peuple palestinien? En fait, cet effondrement pourrait être une importante occasion pour l’apparition de nouvelles forces populaires au sein de la politique nationale palestinienne.
Pour sauver ce qui reste des institutions palestiniennes, l'Égypte tente de négocier un accord entre le Fatah et le Hamas. Toutefois, le premier projet d'un éventuel accord reflète les intérêts des factions concurrentes qui rendent les négociations, au mieux, fragiles. Le mandat d’Abbas est au sommet des négociations préliminaires. Le Hamas a insisté sur l'illégalité d'une prolongation de son mandat, mais il semble reculer devant l'intransigeance du Fatah.
Aucun acteur parmi l’ANP en Cisjordanie n’est en mesure de lancer une campagne électorale maintenant. Abbas, avec un Fatah divisé pourrait perdre le scrutin, et si Fayyad a l’intention de se présenter, il a encore besoin de temps pour se préparer. En réalité, il semble inutile d’organiser des élections qui risque un vote des Palestiniens pour un représentant du Hamas qui ne plairait pas aux intérêts israéliens et occidentaux et qui attirerait les sanctions et l'isolement.
La concession du Hamas à Abbas pour qu’il conserve son poste au-delà du mandat électoral souligne seulement le fait que l'ANP est au bord d’un effondrement institutionnel. Politiquement, Abbas est pris entre les gestes que le Hamas lui demandera en retour et les divisions au sein du Fatah.
Une vieille garde de responsables du Fatah se rassemblent derrière Ahmad Qureia, le négociateur en chef de l'Autorité Nationale Palestinienne, et demandent la démission du gouvernement Fayyad.
Leur principal intérêt au Caire est la construction d'un nouveau "gouvernement de consensus» pour maintenir le pouvoir des parties dominantes et mettre sur la touche Fayyad et ses «technocrates». La vieille garde se sent menacée par ce qu'ils considèrent comme la tentative de Fayyad de diviser le Fatah ou de ravir le contrôle à ses dirigeants traditionnels.
Fayyad est bien placé pour réussir dans cette mission. Son pouvoir sur le financement de l'Autorité Nationale Palestinienne lui permet de s'assurer que les cadres du Fatah, les gouverneurs régionaux et autres titulaires de postes dépendront en partie de lui pour les salaires et les avantages. En outre, la réforme actuelle "du secteur de la sécurité" palestinien élimine une grande partie de la direction historique militaire qui est apparue parmi la diaspora au cours des années 70 et 80 et qui reste imprégnée des valeurs nationales.
Au lieu de cela, les nouvelles recrues formées par la CIA apprennent une position différente.
Comme l’aurait soi-disant dit le ministre palestinien de l'Intérieur : "Vous n'êtes pas ici pour affronter Israël, le conflit avec Israël a jusqu'à présent mené nulle part. Vous devez montrer aux Israéliens que vous pouvez faire le travail."
Ce n'est pas la façon d'obtenir le soutien de la population palestinienne. Même après ses visites presque quotidiennes dans les villes de la Cisjordanie cet été, le protégé des États-Unis, Fayyad, n'a pas plus d’influence sur les gens que Qureia, dont le nom est toujours lié à l'entreprise qui a fourni le ciment pour le Mur.
Une alliance des partis de Gauche palestinien, pour l’instant non impliqués dans le jeu du pouvoir autour de l'Autorité Nationale Palestinienne, obtiendrait sans doute un soutien de la population en donnant la priorité aux besoins de la population et aux principes de la lutte palestinienne. Pourtant, ils n’ont, jusqu'à présent, pas été en mesure de s'unir concrètement contre la politique des intérêts de factions. En attendant, ils resteront marginaux dans le débat national.
Au milieu de la politique de marchandage par des dirigeants sans vision nationale, les pourparlers du Caire ne vont guère au-delà de l'actuel projet d'accord. Cela pourrait éviter une confrontation ouverte entre le Fatah et le Hamas, mais cela garde le mandat du Président juridiquement contestable et politiquement non viable. Cela produit, avant tout, des commissions qui examineront les points considérés comme essentiels aux intérêts des factions, mais avec peu d'espoir de parvenir à des conclusions.
Dans ce contexte, l'OLP pourrait être une option de repli. Bien que la relance de l'organisation soit sur l'agenda du Caire, les efforts récents ne sont pas de bon augure. La dernière tentative, menée par Abed Rabbo (le président de l'OLP) et Fayyad, a été basée uniquement sur la participation de la Cisjordanie.
Selon, leurs plans, l'OLP commencerait à recevoir des fonds par le biais de l'Autorité Nationale Palestinienne, mettant l'Autorité Nationale Palestinienne dans une position dominante. Cela paralyserait la seule institution palestinienne représentant les Palestiniens de la Palestine historique et de la diaspora, en abandonnant tout à une ANP paralysée.
Pour la communauté internationale, la disparition imminente des structures de représentation palestiniennes viables et légitimes marque la fin du processus d'Annapolis. Avec l'administration américaine en pleine élection et le Premier ministre israélien qui doit encore former son gouvernement, il semble irréaliste que les promoteurs d'Annapolis puissent réussir, avant la fin du mandat d’Abbas, à contraindre les Palestiniens à signer un accord qui reflète les attentes des Israéliens et aurait comme résultat de ne pas arrêter la colonisation, la fragmentation et l'isolement de la Cisjordanie et de Gaza.
Abbas n'est pas Yasser Arafat, qui jouissait de la confiance et du respect, même sans élections en raison de son rôle dans la lutte et de son charisme. Toute nouvelle administration américaine ou israélienne n’aura pas de partenaire palestinien ayant une autorité légitime ou un soutien populaire pour signer un tel accord.
Pour une fois, le temps semble être du côté des Palestiniens, en ouvrant la possibilité de réorganiser les rangs et de définir des alternatives au décor politique actuel. Une force populaire créée pour assumer les responsabilités nationales pourrait être construite avec la grande majorité des Palestiniens qui ont été aliénés par les partis politiques actuels, mais ne sont pas disposés à renoncer à leur lutte.
Cela pourrait créer une unité nationale en mettant l'accent sur la seule chose qui manque dans les pourparlers du Caire: la lutte contre l'occupation et le système d'apartheid d'Israël composé de checkpoints, du Mur et des colonies. Cela pourrait conduire à une sortie de la crise politique actuelle, régénérer la lutte palestinienne, et créer un mouvement national viable.