FREE PALESTINE
26 octobre 2008

Les Juifs radicaux à Jérusalem

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Babelmed Newsletter 25 octobre 2008
Les Juifs radicaux à Jérusalem
Marie Medina

http://www.babelmed.net/Pais/M%C3%A9diterran%C3%A9e/les_juifs.php?c=3676&m=34&l=fr

Le mot "radical", que les médias européens appliquent si souvent à l'islam, est très rarement associé au judaïsme. Le fondamentalisme juif est pourtant omniprésent à Jérusalem, où il jouit d'une parfaite complaisance des autorités israéliennes tant qu'il s'exerce au détriment des populations palestiniennes.

Les organisations de colons qui s'efforcent de "judaïser" la ville sainte ont ainsi les coudées franches pour s'approprier des terrains et des maisons arabes. Le but politique est évident: empêcher une partition de Jérusalem.

Dans la Vieille Ville


La Vieille Ville, qui fait partie de Jérusalem Est, a été conquise par Israël lors de la guerre des Six Jours en 1967. Dans ce qui était alors le "quartier marocain", des habitations ont été détruites pour libérer de l'espace devant le Mur des Lamentations. La zone autour de ce lieu saint a été rénovée et est devenue le quartier juif. C'est aujourd'hui l'un des quatre quartiers de la Vieille Ville, avec les quartiers musulman, chrétien et arménien.

Actuellement, environ 35.000 personnes habitent intra-muros, dont 4.000 Juifs. Parmi eux, 950 vivent en dehors du quartier juif, principalement dans les quartiers musulman et chrétien.

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Ariel Sharon personnifie cette liberté d'installation à l'israélienne: en 1987, alors ministre du Commerce et de l'Industrie, il achète un appartement enjambant El Wad, l'une des principales artères du quartier musulman. Même s'il n'a quasiment pas habité ce logement, le symbole est là. Et les Palestiniens ne manquent pas de montrer aux visiteurs étrangers la maison ornée d'un grand drapeau israélien et couronnée d'une non moins imposante hanoukia (chandelier à neuf branches).

L'organisation Ateret Cohanim aide des familles juives à acheter des propriétés palestiniennes dans la Vieille Ville. Son porte-parole Dan Laurie ne voit pas pourquoi elles se priveraient d'habiter dans le quartier musulman. "Tout Juif qui comprend l'importance du Mont du Temple veut habiter ici", justifie-t-il. Le Mont du Temple est le nom juif de ce que les musulmans appellent l'Esplanade des Mosquées. C'est sur ce site, qui surplombe le Mur des Lamentations, que s'élevait autrefois le Temple de Jérusalem et que se trouvent maintenant la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher.

Selon M. Laurie, les choses sont simples : "Il y a des Arabes qui veulent vendre et il y a des Juifs qui veulent acheter" - à un prix plus élevé que celui du marché. Le porte-parole d'Ateret Cohanim reconnaît que les acquéreurs sont "principalement des familles religieuses qui restent très idéalistes". Pour les Palestiniens, ce ne sont ni plus ni moins que des colons qui entendent par leur présence empêcher que Jérusalem ne soit divisée et ne devienne la capitale de deux Etats.

Des agressions ont déjà été commises. Un rabbin a été poignardé pas plus tard que l'été dernier. Les colons sont donc protégés. Leurs maisons sont facilement reconnaissables: l'entrée consiste en général en une porte blindée surplombée d'une caméra de vidéosurveillance. Pour se déplacer dans le quartier, les groupes de femmes et d'enfants juifs orthodoxes sont escortés par deux gardes armés, l'un à l'avant et l'autre à l'arrière. Cette sécurité privée est financée par l'Etat, qui a "sans doute trouvé cela plus économique que d'installer des commissariats à chaque coin de rue", explique M. Laurie.

Dans certains bâtiments proches de l'Esplanade des Mosquées, des Juifs vivent au contact direct de Palestiniens. Juste au dessus de l'Association des jeunes de la Vieille Ville, par exemple, des chambres abritent les étudiants d'une yeshiva, au milieu de petits appartements où s'entassent des familles arabes. Sur le toit, un garde armé veille 24 heures sur 24.

Samir Amru, le directeur de l'Association des jeunes, se plaint de relations de voisinage déplorables. Il affirme que les jeunes juifs s'amusent parfois à faire semblant d'enlever des enfants palestiniens pour affoler les familles. Il raconte avoir trouvé sur la porte du centre des inscriptions telles que "Mort aux Arabes" ou encore un dessin où des couteaux formaient une étoile de David. En montrant le plafond et les murs de ses locaux infiltrés d'eau, il explique qu'à chaque fête juive, ses voisins du dessus quittent leur chambre en laissant les robinets ouverts, provoquant inondations, courts-circuits et dommages informatiques. Il relate encore que lorsqu'une vieille Palestinienne a été admise à l'hôpital, les occupants juifs de l'immeuble ont forcé sa porte pour s'installer dans son appartement - avant d'être délogés par les résidents arabes. Sur place, l'accès est à présent condamné par une porte en fer pour empêcher toute nouvelle effraction.

Hiyam El Ayyan, la directrice du centre Saraya, décrit aussi des relations de voisinage très tendues avec les familles juives qui habitent juste à côté de son institution. Un matin de l'année dernière, les membres de l'association palestinienne ont eu la surprise de découvrir que les colons voisins avaient percé une porte donnant sur leur cour. Ils se sont empressés de la refermer, de crainte d'une annexation de facto. Les relations se sont encore dégradées lorsqu'un fils d'une famille voisine est mort dans l'attaque de la yeshiva (en mars 2008, un Palestinien de Jérusalem Est a tué huit personnes dans une école talmudique). "Tous les jours, ils nous balaçaient des choses ici", se souvient Hiyam El Ayyan, donnant comme exemple des détritus, des fruits pourris ou encore "du papier toilette usagé". Elle reconnaît n'avoir été témoin d'aucune violence physique. Elle se sent cependant victime de harcèlement. Ainsi, chaque fois que le centre réalise des travaux, les voisins font intervenir la police et l'armée. "Ils veulent que nous nous sentions en permanence en insécurité", affirme-t-elle.

A Silwan
La situation est encore plus tendue à Silwan, village palestinien qui borde au sud le quartier juif de la Vieille Ville, à quelques centaines de mètres du Mur des Lamentations.

Les vestiges qui y ont été découverts marquent "l'emplacement réel de la ville biblique de Jérusalem conquise il y a plus de 3000 ans par le roi David". C'est du moins ce qu'affirme Elad, une organisation qui subventionne les fouilles archéologiques dans la zone, qui se charge d'y développer le tourisme mais aussi d'y mener à bien des projets
résidentiels. Comprendre: de judaïser le quartier.

En 1991, les premiers colons juifs se sont installés. Et les efforts de nettoyage ethnique se sont intensifiés. L'association Rabbins pour les droits de l'homme accuse Elad d'avoir mis au point une "méthode pour expulser les résidents de leurs propriétés, s'approprier les terrains publics, encercler ces terrains de barrières et de gardes et en  interdire l'accès aux habitants locaux".

Plusieurs méthodes sont employées.

La loi sur la Propriété des absents, qu'Israël s'est abstenu d'appliquer à Jérusalem Est durant de longues années, a commencé à être évoquée en 2004, lorsque le Mur de Séparation a coupé certains habitants de Cisjordanie de leurs terres situées dans les limites municipales de Jérusalem. Déclarés "absents", ces Palestiniens ont vu leurs terres confisquées.

Dans une minorité de cas, les Juifs passent par des prête-noms arabes pour acheter une maison en vente. Sur une cinquantaine de sites actuellement aux mains des colons, une demi-douzaine ont été acquis par l'intermédiaire de collaborateurs palestiniens, rapporte un habitant du village.

La vente est d'autant plus tentante que dans la partie de Silwan nommée Wadi Hilwe (la belle vallée), les 7.000 habitants vivent sous la menace permanente d'une expulsion : 60% d'entre eux ont déjà reçu un ordre de démolition de leur domicile. Dans le quartier d'al-Bustan (le jardin), en 2005, la municipalité s'apprêtait à raser 88 maisons sous prétexte qu'elles se trouvaient au-dessus d'un site archéologique. La mobilisation internationale a permis de suspendre la destruction de ces habitations - dont aucune n'avait été construite illégalement. Il ne s'agit cependant que d'un sursis puisque la décision n'a jamais été révoquée.

Par ailleurs, une quarantaine de maisons de Wadi Hilwe ont subi des dommages structurels à cause des fouilles souterraines entreprises en toute illégalité par Elad. La loi impose d'obtenir l'autorisation du propriétaire avant de creuser sous son terrain, ce qu'Elad ne fait pas.
Et lorsque les habitants protestent, ce sont eux qui se font arrêter pour "troubles à l'ordre public".

Au printemps dernier, la Cour suprême a finalement ordonné la suspension des fouilles sous les maisons palestiniennes de Silwan. Sans effet, semble-t-il. L'été dernier, l'on entendait encore le ronronnement des machines qui soufflent de l'air dans les tunnels. Ces engins ne sont branchés que lorsque des ouvriers s'y trouvent, expliquent des habitants, en déduisant qu'en sous-sol, les travaux se poursuivent.

"On a appelé la police mais ils ne sont pas venus les arrêter", confie un voisin. "Elad a acheté le commissariat. Ce sont les colons d'extrême droite qui donnent les ordres aux policiers".

Jawad Siyam raconte un incident survenu l'été dernier. Un Palestinien de 12 ans, qui ramassait des métaux pour gagner un peu d'argent, a pris du fer devant la maison d'un colon. L'accusant de vol, un garde privé a pointé son arme sur la tête de l'enfant. Les habitants ont commencé à protester, la police est intervenue et a arrêté... le garçon de 12 ans, qui a été assigné à résidence pendant cinq jours.

Marie Medina
(24/10/2008)

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