FREE PALESTINE
24 octobre 2008

Le Fatah dans la tourmente

Le Fatah dans la tourmente

Par Khaled Amayreh

Le licenciement par le président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, du chef des services de renseignements, Tawfiq Tirawi, mardi semble être plus qu'une simple "formalité" liée à l’arrivée de l’âge à la retraite de ce dernier, comme l’a dit le porte-parole de l’Autorité Palestinienne.

Tirawi, ainsi qu’un certain nombre d'autres responsables de la sécurité de l'Autorité Palestinienne, était à la tête de la campagne impitoyable menée contre les partisans et les institutions du Hamas en Cisjordanie, allant même jusqu’à travailler activement en coordination et collaboration avec Israël.

Ce fait, que de nombreux Palestiniens connaissent bien, y compris les partisans du Fatah, a, en fin de compte, donné à la majorité des chefs de la sécurité une responsabilité dans l’effritement de l'image du Fatah en tant que mouvement de libération nationale.

En outre, les critiques, y compris le Hamas, ont utilisé les "excès" pour dépeindre l'Autorité Palestinienne comme une entité collaboratrice travaillant de concert avec Israël contre la cause nationale.

Le mois dernier, un certain nombre de chefs de sécurité ont rencontré les commandants de l'armée israélienne dans la colonie de Beit El, près de Ramallah, et ils leur auraient dit: "Israël et l'Autorité palestinienne sont alliés contre un ennemi commun, qui est le Hamas."

Selon le journaliste israélien Nahom Barnea, qui a assisté à la réunion avec le consentement des officiers palestiniens, les Palestiniens ont demandé à leurs "collègues" israéliens des armes et une formation dans le but de «reconquérir la bande de Gaza".

En outre, selon Barnea, les Palestiniens ont également cherché à impressionner les commandants de l'occupation israélienne en citant leur répression du Hamas en Cisjordanie, avec l'un d'eux en disant: "Nous faisons plus que ce que vous nous demandez de faire», et «Nous n'hésitons même pas à entrer dans les mosquées quand il le faut."

Les informations sur la réunion, qualifiée de désastre de relations publiques par le Fatah, qui se sont rapidement propagées sur internet et dans la presse en hébreu, ont embarrassé le Fatah et incité certains de ses anciens dirigeants à demander à Abbas de virer immédiatement les chefs de la sécurité.

Munzer Irsheid, un ancien maire de Jéricho et ancienne figure de la sécurité, résidant maintenant en Jordanie, a suggéré dans un article publié en Septembre que les chefs de la sécurité étaient "des traîtres au Fatah" et de "traîtres envers la Palestine".

De même, Qaddura Fares, un député du Fatah et proche confident de leader emprisonné du Fatah, Marwan Al-Barghouti, a demandé le "renvoi immédiat" des chefs des services de sécurité qui, selon lui, ne représentent pas le Fatah.

La réunion de Beit El, ainsi que la perception d’une étroite collaboration entre les agences de sécurité et l'armée d'occupation israélienne, ont continué à secouer la scène palestinienne, avec le Hamas demandant à Abbas de "chasser les traîtres de son camp".

Un responsable du Hamas dans la région d'Hébron a déclaré: "Comment pouvons-nous avoir un dialogue sérieux sur l'unité nationale avec les gens qui prétendent être des patriotes Palestiniens le jour, alors qu’ils coordonnent la nuit avec l'armée israélienne la prochaine vague d'arrestations contre notre peuple?"

Au début du mois, le député du Fatah, Isa Qaraqi, a fustigé les membres de la sécurité, en les qualifiant de «lapins en panique". Il a souligné que des milliers de membres de la sécurité de l’Autorité Palestinienne, qui sont censés assurer la protection du peuple palestinien, fuyaient leurs "poulaillers" à chaque fois que les troupes de l'Occupation israélienne attaquaient les agglomérations palestiniennes.

L’attaque cinglante de Qaraqi a attiré de vives réactions de la part de Tirawi et d’autres officiers de la sécurité qui ont répondu en affirmant que les agences de sécurité avaient donné de nombreux martyrs à la Palestine et que les gens qui conduisent des belles voitures et perçoivent des gros salaires ne sont pas en mesure de remettre en question les références nationalistes des soldats de Palestine.

Tirawi a insinué que Qaraqi aidait en réalité le Hamas en remettant en cause l'intégrité des agences de sécurité. Les partisans de Qaraqi ont rétorqué vivement que les "vrais soldats de la Palestine" ne passent pas des nuits conviviales avec les chefs de l’armée d'occupation israélienne. "Si vous n'êtes pas capables de nous protéger, et si vous n'êtes pas capables de vous protéger vous-mêmes, alors quelle est la justification de votre existence?" a écrit la semaine dernière un militant du Fatah.

Les vifs échanges reflètent une polarisation grandissante entre deux camps à l’intérieur du Fatah: le camp nationaliste, ou les "Arafatistes", qui est fidèle à l'héritage de Yasser Arafat et est déterminée à maintenir la "pureté" de la lutte nationale pour l'indépendance et la liberté, et le soi-disant "camp pragmatique", à savoir les bénéficiaires à l'esprit carriériste de l’ère Oslo qui ont profité énormément du statu quo.

Le premier camp est représenté par des gens comme Marwan Al-Barghouti et ses partisans, Hani Al-Hassan, Farouk Qaddumi et un grand nombre de députés et dirigeants du Fatah, et en particulier la base et les niveaux intermédiaires.
Le second camp regroupe les chefs de la sécurité, les membres et les fonctionnaires de l’Autorité Palestinienne qui ne sont pas nombreux en terme de membres, mais puissants en raison du soutien étranger - surtout américain – qui contrôle les coffres de l'Autorité Palestinienne, du Fatah, et de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) .

Le président Abbas et ses collaborateurs de premier plan, tels qu’Ahmed Qoreï, Saeb Ereikat, Nabil Amr et Nabil Shaath tentent souvent d’essayer de combler le fossé entre les deux camps afin de présenter le Fatah comme un front uni, en particulier face au Hamas. Toutefois, ces efforts n'ont pas été couronnés de succès.

La semaine dernière, quand les hauts dirigeants du Fatah se sont réunis à Amman en vue de fixer une date pour la tenue du sixième Congrès du Fatah retardé à plusieurs reprises, des échanges virulents entre Abbas et Qaddumi ont mis en évidence le gouffre énorme entre les camps pro et anti-Oslo. Qaddumi aurait déclaré à Abbas : «Vous n'êtes pas Yasser Arafat» et "Vous ne pouvez pas avoir tous ces portefeuilles en même temps."

Abbas est le chef de l'OLP, le chef du Fatah et le président de l'Autorité Palestinienne, ce qui signifie que des gens comme Qaddumi sont effectivement marginalisés.

Néanmoins, le véritable élément gênant – empêchant même – la convocation du congrès, c’est que les "pragmatiques" (c'est-à-dire ceux qui voudraient suivre le processus de paix, peu importe ce que fait Israël) ont peur d’être rejetés du bureau au cas où les rangs et membres du Fatah seraient autorisés à décider qui seront les prochains dirigeants du Fatah.

Auparavant, Intesar Al-Wazeer, Um Jihad, la veuve du commandant militaire du Fatah assassiné, Al-Khalil Wazeer (qui a été assassiné à Tunis par le Mossad en 1989) a déclaré au journal Al-Hayat basé à Londres qu'il existait «un complot visant à affaiblir et à marginaliser le Fatah" par "des personnes qui prétendent être le Fatah".

Al-Wazeer a accusé "les gens autour de Mahmoud Abbas" d'être "indifférents au Fatah" et de "s’occuper seulement de leurs propres intérêts". Elle a également accusé Abbas de "consulter seulement une petite clique de gens autour de lui", qui ont, selon elle, un autre agenda.

La réunion d’Amman s'est terminée de manière non concluante sans fixer de date pour le congrès, même si une déclaration publiée par Hakam Balaawi, le secrétaire du Fatah, déclarait qu'il y avait une volonté de tenir le congrès avant fin 2008. Cependant, la déclaration de Balaawi ne peut être tenue pour acquise, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, plus de deux ans d'intenses négociations avec Israël, ainsi que plusieurs conférences de paix internationales dont on a beaucoup entendu parler n'ont pas réussi à réaliser une percée vers la fin de 41 ans d'occupation israélienne. Il est peu probable qu’Abbas et ses partisans viennent "les mains vides" à une très importante convention qui permettrait de déterminer leur avenir politique.

Deuxièmement, la nouvelle administration américaine et l'instabilité politique croissante en Israël ne sont pas propices à la tenue d'un congrès réussi du Fatah et cela pourrait même agir en faveur des "radicaux" qui en ont marre d’un processus de paix qui n’a vu que plus de terres palestiniennes volées par Israël et le rêve d'un État palestinien brisé.

Mais l'incapacité à tenir le congrès avant la fin 2008 compliquerait sans aucun doute davantage les choses au sein du Fatah et accroîtrait la frustration parmi les partisans du mouvement, en particulier la base, ce qui est également une mauvaise nouvelle pour Abbas.

Source : http://weekly.ahram.org.eg/

Traduction : MG pour ISM

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