FREE PALESTINE
7 octobre 2008

Livni : La fabrication d’une « colombe » israélienne

Livni : La fabrication d’une « colombe » israélienne

Avec le Premier ministre israélien Ehud Olmert obligé de se concentrer sur ses accusations de corruption, Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires Etrangères, a remporté les primaires du parti au pouvoir, Kadima, et espère former un nouveau gouvernement.
Livni, comme Olmert, vient du mouvement révisionniste de Droite, le prédécesseur idéologique du Likoud (le nom fait référence à leur demande de réviser les termes du Mandat Britannique pour que ce qui est maintenant la Jordanie soit inclus dans le futur État juif).
Son père, Eitan Livni, était un officier des opérations du groupe terroriste révisionniste Etzel.


Par Gabriel Ash
Gabriel Ash est un militant et écrivain. Ash est membre de IJAN (International Jewish Anti-Zionist Network). Il écrit parce que la plume est parfois plus forte que l'épée, et parfois non. Il accepte les commentaires à l’adresse suivante :
gaevildoer@gmail.com


Livni : La fabrication d’une « colombe » israélienne

Au printemps dernier, Livni a exprimé sa pure arrogance en demandant que les Palestiniens effacent le mot «Nakba» (le terme arabe pour la dépossession forcée des Palestiniens de leur patrie) de leur lexique s'il devait y avoir la moindre chance d'un "État palestinien" et de "la paix" - ce sont rarement les déclarations d'une "colombe".

Pourtant, aussi bien en Israël que dans les médias du monde entier, c'est précisément la réputation que Livni a cultivée. Cette perception de Livni repose principalement sur son supposé "trajet" de l'extrême-droite au soutien d’un État palestinien.

La carrière politique de Livni a commencé au Likoud. Toutefois, elle avait suivi ses mentors, le Premier Ministre de l’époque, Ariel Sharon et Olmert, dans Kadima en 2005, après que le Likoud soit devenu trop fortement identifié au mouvement des colons qui avait bloqué le désengagement prévu de la Bande de Gaza par Sharon.

Olmert a, depuis, expliqué de façon claire et sur un ton quelque peu irrité à ses électeurs que le rêve de "toute la terre d'Israël" était mort : un État palestinien établi sur une certaine partie de la Cisjordanie et à Gaza, comprenant une certaine partie de Jérusalem-Est, est la seule base sur laquelle Israël peut chercher à négocier avec ses voisins. Livni est étroitement associée aux mêmes opinions "modérées".

Cette représentation de Livni (et d’Olmert) en tant que colombes est basée sur une distinction légendaire entre la «Gauche Sioniste» désirant la paix et la «Droite Sioniste» voleuse de terres.

Avec Sharon, Olmert et Livni, tous originaires de l’Extrème-Droite ayant adopté l’un après l’autre des soi-disant positions «de Gauche», nous constatons paradoxalement la victoire de la vision politique de la «Gauche sioniste» d’un retrait (partiel) des territoires palestiniens occupés, et pourtant dans le même temps, le développement continue des colonies et de la matrice de contrôle et la violence quotidienne qui les entourent au point que l'idée d'un État palestinien souverain aux côtés d'Israël semble pour de nombreux observateurs n'être plus viable.

Pour comprendre ce paradoxe et déchiffrer les tendances qu’incarne Livni, nous devons comprendre la logique profonde de la politique israélienne.

Les termes "Gauche" et "Droite" comportent des connotations de points de vue politiques et moraux opposés. Cependant, dans le contexte colonial d'Israël, les termes décrivent des désaccords stratégiques et factionnels et même ceux-ci ont en grande partie disparu avec le temps.

Le Likoud est apparu dans les années 1970 en tant qu’alliance de ressentiment contre le parti corporatiste au pouvoir, les Travaillistes. Le Likoud a réuni des propriétaires de petites entreprises, des idéologues nationalistes pleins de rancune et les masses en colère Mizrahim appauvries et marginalisées, les juifs des pays arabes. L’alliance décisive du Likoud établie entre la libéralisation économique, le ressentiment culturel et de classe et l’ultranationalisme revanchard savaient que de nombreux changements restaient pourtant la base définissant la structure profonde de la politique israélienne.

Depuis les années 1990, Israël a connu une forte mondialisation et privatisation néolibérales qui a démantelé l'Etat-providence et augmenté les inégalités économiques presque qu’au niveau des États-Unis. Ce programme reflétait l'ensemble des intérêts des classes moyennes et supérieures d'Israël. Mais il a également coïncidé avec une maturation politique de la population Mizrahi appauvrie qui fait partie des perdants de la mondialisation. L'ultranationalisme et le soutien grandissant aux colonies est devenu le mécanisme pour réconcilier le poids politique grandissant de ces secteurs sociaux les plus pauvres avec les intérêts économiques des classes moyennes et supérieures.

Le service militaire et les colonies dans les territoires occupés sont devenus un filet de sécurité social alternatif accessible seulement aux Juifs pauvres, un moyen pour les groupes juifs marginalisés de recevoir des subventions de financement, du travail et de l'éducation par des allocations spéciales au lieu du système d’aide sociale national qui a été démantelé.

Ce compromis de classe a toujours été sensible à la situation internationale. Dans sa période de formation au début des années 1990, la pression pour la libéralisation était liée à l’Accord de Madrid et, plus tard, au cadre des négociations d'Oslo. Les États-Unis ont crée des pressions significatives sur Israël pour qu’il exerce un minimum de retenue.
Faire semblant de s’intéresser à un État palestinien était le ticket d'entrée dans le nouvel ordre mondial de la mondialisation menée par les Etats-Unis.

Cette pression a donné les moyens d’assumer un "mouvement de la paix" à une classe moyenne militante blanche en Israël qui avait peur de rester à l’écart de la mondialisation par l'intransigeance des classes inférieures. Toutefois, le nouvel appétit américain pour la guerre pendant l’administration de George W. Bush a effectivement tué ce "mouvement de la paix". En particulier, quand la deuxième Intifada palestinienne a perdu de l’ampleur, l'expansion des colonies et la répression militaire ne menaçaient plus l'intégration des élites israéliennes dans l'ordre mondial néolibéral. Au contraire, avec le monde occidental sur le pied de guerre, Israël pouvait être à la fois néolibéral et belliqueux.

Le premier poste important de Livni dans le "service public" a été d’être à la tête de l'agence pour la privatisation des sociétés nationales. Comme Sharon et Olmert avant elle, Livni représente d'abord et avant tout des intérêts néolibéraux. Elle tire son soutien de la petite oligarchie israélienne et doit sa victoire politique aux riches habitants de la côte. Contrairement à son infime victoire dans les primaires, les bureaux de vote de Tel-Aviv lui ont accordé 80% des voix.

Son parti Kadima a été créé par une scission du Likoud et du parti Travailliste quand ces deux derniers ont été menacés par des insurrections populistes internes par les représentants du mouvement des colons au Likoud et par l'arrivée du militant travailliste Mizrahi, Amir Peretz, chez les Travaillistes.

En tant que représentants de l'oligarchie au pouvoir, Kadima et son nouveau chef ont un rôle complexe d'équilibre. Ils doivent de plus en plus offrir des opportunités économiques pour leurs électeurs nantis tout en maintenant le système d’aide sociale incarné par la construction de colonies et la répression militaire des Palestiniens.

Cet équilibre est rendu particulièrement difficile par la grande incertitude occasionnée par la puissance mondiale en baisse des Etats-Unis et l'incertitude concernant les politiques de la prochaine administration. Un Etat américain moins puissant pourrait forcer Israël à dépendre plus de la bonne volonté des oligarchies arabes et des Etats européens. Cela pourrait signifier une tolérance internationale moindre pour les atrocités de l'occupation. Les classes aisées sont tout à fait conscientes de l'importance de la légitimité internationale pour leur bien-être et s'élèveront contre toute menace, réelle ou perçue. La "modérée" Livni est leur espoir.

Toutefois, elle ne peut pas prendre le risque de s'aliéner les classes les plus pauvres, pour qui les colonies et l’armée représentent l'accès aux fonds publics et à une mobilité sociale. Les perdre signifierait une défaite électorale.

L’"État palestinien", que soutient Livni, une série de bantoustans morcelés et alambiqués entourés par des murs et des checkpoints n'est pas un compromis, bien qu’imparfait, entre les nationalismes israéliens et palestiniens.

Il s'agit d'un compromis entre le besoin des riches Israéliens d’une intégration économique internationale et la dépendance économique des électeurs juifs les plus pauvres à la poursuite de l'occupation. Les aspirations palestiniennes ne font pas partie du tout de cet arrangement. Ils sont censés simplement s’effacer eux-mêmes de leur lexique. Mais cela ne va pas se produire.


Source : http://electronicintifada.net/
Traduction : MG pour ISM

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