FREE PALESTINE
27 septembre 2008

Le droit de non retour

Le droit de non retour 

Hasan Abu Nimah

The Electronic Intifada, 12 septembre 2008

http://electronicintifada.net/v2/article9824.shtml 

On a embrouillé et gravement malmené le débat sur le problème des réfugiés palestiniens. Alors qu’Israël maintient une position cohérente, les Palestiniens et les Arabes sont souvent contradictoires, vagues et inconséquents.

Pour une raison obscure, le problème des réfugiés s’est vu, avec le temps, limité à un seul aspect : le droit au retour. Cela a restreint la portée de la discussion à un point qui a non seulement provoqué un déplacement d’accent mais qui a aussi joué parfaitement entre les mains des Israéliens de la ligne dure qui tout à la fois dénient obstinément tous droits aux réfugiés et nient la responsabilité d’Israël dans la création du problème des réfugiés, d’abord par le nettoyage ethnique systématique de la Palestine, puis par le refus de permettre aux réfugiés de rentrer chez eux. Pourtant le problème des réfugiés impose davantage de droits que le droit au retour et c’est sur cette base qu’il devrait être envisagé.

L’initiative arabe de paix de mars 2002 prévoit qu’ « une solution juste au problème des réfugiés palestiniens soit réalisée par le biais d’un accord conforme à la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies ».

Parce que cette résolution constitue le cœur de la position arabe et palestinienne sur la question des réfugiés, il convient de rappeler ce que dit réellement cette résolution votée initialement par l’Assemblée générale de l’ONU il y a six décennies et réaffirmée depuis lors chaque année.

Au paragraphe 11, elle « décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables ».

La résolution affirme donc le droit au retour de ceux qui le désirent et prévoit des compensations pour toute perte ou dommage occasionné à tous les réfugiés, indépendamment de leur décision de revenir ou non.

L’insistance arabe sur le droit au retour est venu en aide à l’argument israélien selon lequel le retour de cinq millions de Palestiniens ou davantage en Israël signerait la fin de l’Etat juif. Cette insistance a placé toute la question dans un cadre étroit : l’accomplissement des droits des réfugiés ne peut se faire que par leur retour en masse, ce qui implique la fin d’Israël.

Le problème des réfugiés palestiniens devrait donc être placé dans sa véritable perspective. Au lieu de ne parler que du droit au retour, le discours tant arabe que palestinien devrait mettre l’accent sur les droits des réfugiés, dont le droit au retour, inaliénable et fondamental, mais qui ne représente qu’un seul aspect.

En fait, la résolution 194 exigeait le retour de ceux qui le souhaitaient et non pas le retour de tous les réfugiés palestiniens. Il est également évident que tous les Palestiniens qui ont fui leurs maisons et leur pays à la fin des années 40 ne choisiront pas de rentrer, une fois que leurs droits auront été réglés et qu’ils auront été dédommagés d’une manière correcte et juste.

Ces réalités ne devraient cependant pas servir de justifications pour dénier par avance aux réfugiés leurs droits, avant toute discussion sérieuse sur un règlement du problème des réfugiés conformément aux exigences du droit international, ni pour empêcher le retour de ceux qui choisiraient de revenir.

Tant les positions arabes que palestiniennes ont évolué avec le temps pour excuser et se faire plus accommodantes avec les « préoccupations » israéliennes qu’avec les droits légitimes des Palestiniens.

L’initiative arabe de paix constitue un exemple terrible de concessions gratuitement offertes à la position israélienne, sans aucune exigence en contrepartie, et ceci, à l’évidence, pour apaiser la prétendue « communauté internationale » engagée dans la logique israélienne raciste selon laquelle le « droit » d’Israël au maintien d’une majorité juive, qui l’autorise à opprimer sa minorité palestinienne, l’emporte sur les droits, réels et internationalement reconnus, des réfugiés.

L’initiative arabe parle d’une solution juste « sur laquelle il faudra s’accorder », ce qui signifie simplement qu’elle devrait être approuvée par Israël, et donne clairement à Israël un droit de veto sur toute proposition à laquelle il serait opposé. Cela fait perdre toute signification à la référence à la résolution 194 – en fait à tout le paragraphe –, parce qu’Israël nie être tenu par cette résolution. La formulation « [un accord] conforme à [la résolution 194] » est aussi destinée à égarer, en ce sens qu’elle donnerait l’assurance que la résolution est mentionnée mais sans exiger clairement son application ; « conforme à » signifie qu’une simple allusion à la résolution suffirait.

D’autres exemples incluent les nombreux arrangements obtenus entre négociateurs palestiniens et israéliens (comme le plan de Tan et l’initiative de Genève) offrant aux réfugiés palestiniens diverses options de destinations et comportant une option, qui s’invalide elle-même, d’un « retour en Israël » mais seulement si Israël y consent de son plein gré – ce qu’il ne ferait évidemment pas. Pareilles suggestions ont pour but d’afficher une feinte justice.

La tendance a toujours été de disperser les Palestiniens partout dans le monde, le reste retournant, au mieux, dans un « Etat » palestinien croupion.

Récemment, des déclarations plus contradictoires encore ont été faites à ce sujet par le Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas. A la suite d’une rencontre qui a eu lieu la semaine dernière avec le Président égyptien Hosni Moubarak, Abbas a confirmé que « Jérusalem et le droit au retour sont des droits palestiniens inaliénables ».

Un mois plus tôt, cette fois-là encore après avoir rendu visite au Président égyptien, Abbas déclarait à un quotidien arabe (ainsi que cela a été rapporté par le quotidien israélien Haaretz le 7 septembre) qu’il ne pouvait pas « exiger d’Israël d’accepter tous les réfugiés, mais que cela ne signifiait pas qu’aucun d’entre eux ne retournerait ». Abbas aurait ajouté que « il n’est pas défendable que je propose que cinq millions de réfugiés retournent en Israël, parce que [les Israéliens] me diraient immédiatement que mon intention est de liquider l’Etat. Mais il n’est pas défendable non plus que je dise qu’aucun ne rentrera. »

Mais, il y a deux semaines, au Liban, Abbas a assuré le gouvernement libanais qu’il était opposé à l’établissement des réfugiés palestiniens dans ce pays. Il a déclaré : « Les réfugiés du Liban sont parmi ceux qui retourneront sur leur terre. »

Ce propos était probablement destiné à plaire aux autorités libanaises et, bien sûr, aux réfugiés eux-mêmes qui se méfient profondément des intentions internationales à l’égard de leurs droits.

Ces contradictions et ces offres généreuses visant à faire gagner à leurs initiateurs les faveurs de telle ou telle partie, ont été dommageables. Elles ont, avec le temps, érodé la position arabe et palestinienne au point qu’Israël ne prête plus la moindre attention aux déclarations ou prises de position officielles palestiniennes ou arabes sur cette question.

Il est temps de corriger la chose.

Le leadership palestinien devrait reconnaître que, dans le conflit, il n’est pas un médiateur dont la tâche serait de proposer des compromis, mais qu’il est partie à ce conflit, avec pour devoir fondamental de défendre ses droits légitimes et d’exiger leur réalisation pleine et entière. Et ceci devrait s’appliquer aux Arabes également.

Des arrangements peuvent effectivement impliquer des compromis, mais seulement comme élément d’un accord et d’un règlement final. Il n’y a pas d’exemple dont on se souvienne et où une partie à un conflit d’une telle importance ne se serait engagée qu’à avancer des propositions taillées à la mesure des désirs et besoins de ses adversaires et aux dépens de ses propres droits.

Le problème des réfugiés est au centre de toute solution envisageable du conflit et avec des plans douteux, cela ne peut pas marcher. Il est évident que parler de justice pour les réfugiés palestiniens, cela ne signifie pas le retour de la totalité d’entre eux, mais cela devrait être leur choix et non pas des offres faites délibérément par des opportunistes et des manipulateurs politiques de par le monde. Cela devrait aussi être décidé au terme de négociations sérieuses et non pas offert au titre de libres concessions faites par avance.

Il est clair également que ceux qui choisiraient de ne pas rentrer devraient obtenir pleines compensations pour les dommages et les biens perdus. Ils devraient également être autorisés à choisir en quel l’endroit devenir des citoyens respectés et non pas être aiguillés en un lieu quelconque où ils seraient tolérés. En effet, les pays européens qui ont contribué à créer le problème des réfugiés palestiniens et qui ont depuis lors manqué à leurs obligations morales et légales envers les Palestiniens, devraient être les premiers à accueillir ceux qui préféreraient ne pas rentrer en Palestine.

Le point de départ doit être une position palestinienne et arabe ferme et claire, compatible avec ce qui est utile à rendre justice aux réfugiés palestiniens, et non pas un langage qui sourie à l’usurpateur.

Hasan Abu Nimah est l’ancien représentant permanent de la Jordanie aux Nations Unies. Cet article a paru initialement dans The Jordan Times.

(Traduction de l’anglais : Michel Ghys)

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