FREE PALESTINE
16 septembre 2008

La castration de la Cour Suprême israélienne

La castration de la Cour Suprême israélienne 

Jeremiah Haber

The Magnes Zionist, 8 septembre 2008

http://themagneszionist.blogspot.com/2008/09/castrating-israeli-supreme-court.html 

Combien de fois avez-vous entendu tenir cet argument : je reconnais qu’il y a des problèmes avec la démocratie israélienne, par exemple sa manière de traiter ses citoyens arabes et aussi l’occupation. Mais le pays est toujours en guerre avec les Arabes et les choses s’amélioreront avec le temps. Après tout, les citoyens arabes étaient autrefois sous gouvernement militaire. Maintenant, au moins de jure, ce sont des citoyens égaux. Les restrictions mises aux libertés civiles sont des mesures temporaires. Quant à l’occupation, elle cessera lorsque la paix viendra. En attendant, le système judiciaire israélien est là pour protéger les libertés civiles.

Ce sentiment constitue bien sûr une part essentiel de la foi du sioniste libéral. Pendant trente ans, jamais je ne l’ai remis en question. 

Et si l’inverse était vrai ? Et s’il y avait une lente détérioration des libertés civiles et de l’autorité de la loi, aussi bien en Israël même que dans les Territoires occupés ? Et si ces libertés civiles faisaient l’objet de restrictions non pas en période de tension relative mais durant une période de calme relatif, comme à présent ?

Que dit alors le sioniste libéral des perspectives d’avenir d’Israël ? 

Le gouvernement israélien a approuvé, dimanche, la proposition du Ministre de la Justice, Daniel Friedmann, visant à amender la Loi Fondamentale sur le système judiciaire dans le but de restreindre le pouvoir de la Cour Suprême. Lire à ce propos l’article suivant [en anglais]. Très clairement, la Cour Suprême ne serait plus en mesure d’annuler une loi qui ne violerait pas une des Lois fondamentales (sur la dignité humaine et la liberté, sur la liberté d’activité professionnelle,…) et lorsqu’une de ces lois seraient violées, une majorité simple au Parlement ferait passer outre à la décision de la Cour. Si, par exemple, une majorité de députés votaient une législation interdisant aux Arabes l’accès aux plages publiques en Israël, la Cour ne pourrait annuler cette loi que pour la voir passer à une majorité simple au Parlement. Et si le Parlement faisait passer une loi interdisant aux Palestiniens de chercher à obtenir des compensations financières pour des dommages occasionnés par l’armée israélienne, la Cour Suprême ne pourrait pas même intervenir, comme elle le fait maintenant.

En d’autres termes, la décision du gouvernement israélien, si elle devient loi, castrera le système judiciaire israélien et ôtera le seul rempart des droits civils et humains en Israël. 

Notez que cette décision a été prise au moment le plus calme qu’Israël ait connu de mémoire récente. La seconde Intifada est morte et aucune roquette ne tombe sur Sderot. Par cette décision, le gouvernement israélien déclare que pour survivre en tant qu’Etat juif, il ne peut être une vraie démocratie mais bien plutôt une république bananière où l’appareil judiciaire a les dents émoussées et aucune indépendance.

Bien sûr, Daniel Friedmann souhaite aussi politiser le processus de sélection des juges. Il n’a pas encore été en mesure de réaliser cela, mais il le fera. L’appareil judiciaire indépendant qu’Alan Dershowitz louait si chaudement dans son livre Case for IsraelLe droit d'Israël »] (d’une manière peu justifiée, ainsi que l’a relevé Norman Finkelstein), appartiendra au passé. 

Je ne crois pas en l’inéluctabilité historique. Mais nous sommes témoins de l’évolution continue d’Israël qui l’éloigne de ce qu’il avait pu avoir de racines démocratiques et, selon moi, les germes de cette évolution sont juste là, dans l’Etat fondé en 1948.

Notez encore que cette décision a été prise non par un gouvernement de droite mais par un gouvernement centriste. Et c’est le bon côté de la chose. Parce que dans des décisions comme celle-ci, Israël se démasque. Il ne peut apparaître comme une démocratie virtuelle, avec une Cour qui fait respecter les droits virtuels des Palestiniens de Cisjordanie, une Cour qui opte toujours pour la sécurité de l’occupant contre celle de l’occupé. Il est préférable que l’imposture, tant admirée par Dershowitz et dont la Ministre israélienne des Affaires étrangères fait un tel battage, soit exposée pour ce qu’elle est réellement. 

Mais pour ceux qui, comme l’auteur de ces lignes, se préoccupent d’Israël et qui trouvent toujours douloureux de voir exposée la vérité du sionisme, la décision prise par le gouvernement fait mal. Les illusions ont la vie dure.

(Traduction de l’anglais : Michel Ghys)

Commentaires
Derniers commentaires
Recevez nos infos gratuites
Visiteurs
Depuis la création 865 225
Archives