FREE PALESTINE
5 septembre 2008

Une puce dans le caleçon

Une puce dans le caleçon

Gideon Lévy

Haaretz, 7 août 2008

www.haaretz.co.il/hasite/spages/1009313.html

Version anglaise : Stop watching, Big Brother

www.haaretz.com/hasen/spages/1009392.html

Le Ministre de l’Intérieur veut savoir où vous vous trouvez en ce moment ; le chef de la Sûreté Générale [Shabak] veut savoir ce que vous avez fait hier soir ; le chef du Mossad veut savoir qui vous avez rencontré à l’étranger. Leurs scandaleuses demandes seront bientôt satisfaites.

Après avoir approuvé la constitution par la police d’une base de données des appels téléphoniques, le gouvernement a également approuvé, cette semaine, la loi sur l’information biométrique, comprenant l’établissement d’une base de données des empreintes digitales de toute la population et, pire encore, des photos du visage. Voilà qui devrait raccourcir la pente savonneuse vers d’autres moyens encore dans la guerre contre le crime et le terrorisme : l’enregistrement de l’ADN de tous les citoyens, et par la suite suite, pourquoi pas, l’insertion d’une puce électronique dans la fesse de chacun. Comme pour les animaux de compagnie ou les prisonniers en libération conditionnelle. De cette manière, les autorités sauront toujours où nous nous trouvons. Finis les alibis fabriqués, les criminels en cavale, les disparus, le terrorisme, et peut-être même les couples prohibés. Big Brother saura tout. Serions-nous devenus comme le Pakistan, comme le Yémen ? Aucune démocratie n’a pris les empreintes digitales de ses citoyens. Même les Etats-Unis, si peu éclairés, et qui ont fortement durci les moyens de la lutte contre le terrorisme, n’ont pas osé aller si loin. Seul Israël.

Jouant de ruse, le gouvernement a enveloppé son projet, tout à fait légitime, de délivrer des cartes d’identité sophistiquées, avec l’instauration d’une banque de données des empreintes digitales et des visages, chose inacceptable. Avec son jumeau – l’enregistrement des ADN – chaque citoyen deviendra un coupable en puissance. Un braquage dans un supermarché ? Nous y étions, nous voilà suspects. Un viol dans un club ? Nous y étions, nous nous retrouvons prévenus. Une fois trouvées les preuves soi-disant irréfutables, allez démontrer qu’il n’y a rien de vrai là-dedans. Que vous étiez allé acheter du ketchup au supermarché, que vous vous divertissiez innocemment dans le club. La « preuve » se trouvait sur le lieu du crime. Dorénavant, nous serons tous accusés, jusqu’à preuve du contraire.

Il s’agit d’équilibres délicats et sensibles que seule une vraie démocratie saura préserver. Tout le monde souhaite éliminer la criminalité et faire obstacle au terrorisme, mais pas à n’importe quel prix. Il y a un prix qu’une société saine ne sera pas d’accord de payer : celui qui porte un coup mortel aux droits de l’homme et à la liberté individuelle. Nous avions déjà connu d’intolérables décrets, depuis le « permis de se rendre à l’étranger » qui fut d’application durant des années sans susciter la moindre protestation dans la population, jusqu’aux mises sous écoute qui ont pris des proportions effarantes. Au nom de la « sécurité », nous avons fait plus qu’assez de dégâts. On fouille nos bagages, on nous pose des questions inacceptables à l’aéroport, et nous franchissons maintenant un nouveau pas vers l’abîme. Et il est particulièrement inquiétant quand on pense à la possibilité que toutes ces banques de données puissent un jour se retrouver aux mains de gouvernements plus extrémistes et plus dangereux que ce que nous avons connus.

Il y a lieu de dire, maintenant, aux autorités : ça suffit, vous en savez déjà trop, tirez vos pattes. Le prétexte selon lequel on en sait de toute façon déjà pas mal à notre sujet par le biais du téléphone portable et de la carte de crédit, est ridicule. C’est précisément une raison pour ne pas vous permettre d’en savoir davantage. Aux citoyens aussi, il faut maintenant dire ça suffit, ne prêtez pas la main à cette intrusion insupportable dans vos vies. Brandissez l’étendard de la rébellion, qu’au moins un petit groupe influent dise non. Que la police lutte contre le crime, que la Sûreté générale lutte contre le terrorisme, mais qu’elles nous laissent tranquilles. Nous n’avons pas envie de vous dire qui a fait notre valise et nous n’avons pas envie que vous sachiez où nous étions hier.

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)

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