Save the Jordan Valley !

Non à l’exploitation de l’apartheid

Non au plan néolibéral de la Banque Mondiale 

(Waroquiez Dominique)

Le 18 novembre 2007, Tony Blair, Représentant spécial du  Quartet, a annoncé une série de projets économiques pour la Palestine, projets qui existaient déjà et qu’il a ressorti. Parmi ceux-ci, le projet « Corridor de Paix et de Prospérité » proposé au départ par la JICA, l’Agence Japonaise de Coopération Internationale, pour la Vallée du Jourdain (environ 30 % de la Cisjordanie occupée).

Ce projet consiste à établir une zone d’agro-business dans la vallée avec un système de gestion des déchets et de routes intégré.

Le 13 novembre, avant l’annonce du projet de «Peace Corridor» par Tony Blair, les conseils régionaux de la vallée ont exprimé leurs désaccords. Nous allons les relayer en faisant le lien avec l’épuration ethnique en cours dans cette vallée, que l’armée d’occupation israélienne a transformée en corridor militaire et qui attire de plus en plus de colons.


Une zone d’agro-business dans la Vallée

Pour les Palestiniens des groupes de base (
Rapport «Développement ou Normalisation ?» publié par Stop The Wall), le plan d’investissement tel qu’il est conçu et visant à construire dans la Vallée une zone d’agro-business et d’exportation à grande échelle à l’aide de capitaux étrangers (en provenance de l’Occident, d’Israël et des pays pétroliers …), consiste à soutenir avant tout le business israélien qui opère déjà dans la Vallée et en particulier dans les colonies.

Ils soulignent particulièrement le fait que ce que le projet appelle «des sociétés migrantes israéliennes» ne sont ni plus ni moins que des sociétés coloniales installées illégalement sur leurs terres occupées, accaparant la majeure partie de l’eau et payant des taxes à Israël qui à son tour subsidie la colonisation et occupe la Vallée.

Il s’agit de normaliser la situation en intégrant la colonisation et non pas de lever le principal obstacle auquel sont confrontées les petites exploitations palestiniennes de la vallée, à savoir les restrictions imposées par l’occupant et les attaques répétées dont ils sont victimes depuis plus de quarante ans.

Le projet servirait surtout Israël et une certaine élite palestinienne alors qu’il coulerait dans le béton le principal obstacle au développement d’une agriculture palestinienne autonome.


Le projet d’évacuation des immondices

Les associations palestiniennes redoutent l’évacuation des déchets dans la région de Jéricho, la seule zone de la Vallée (5% de sa superficie) où les Palestiniens peuvent construire, tout le reste de la Vallée étant considérée comme «zone C», c’est-à-dire zone où l’Autorité Palestinienne n’a absolument rien à dire. Elles mettent en évidence le manque de garantie quant à la suppression des colonies et de la main mise israélienne sur la «zone C».

Ce projet consistant à amener dans la région de Jéricho des déchets de la zone C, de la zone d’agro-business et des colonies (notamment l’énorme colonie de Ma’ale Adumin construite comme extension de Jérusalem-Est annexée) restreindrait encore davantage la surface habitable et la qualité de vie des Palestiniens dans cette région.


Le projet de «Route Al Mo’rajat»

L’idée est de créer une nouvelle route réservée aux Palestiniens et contrôlée à ses deux extrémités par des barrages militaires, tandis que la route rapide reliant Jérusalem à Jéricho et la Vallée (la Highway 45) réservée aux colons leur permettrait une totale liberté de mouvement. Cela faciliterait de surcroit l’annexion des blocs de colonies de Jérusalem-est et en particulier de toute la zone entourant la colonie de Ma’ale Adumin. Souhait que l’occupant n’a cessé de répéter.

Avec pour effet - c’est clair et net sur les cartes- de consolider la fracturation de la Cisjordanie en trois ghettos majeurs séparés les uns des autres (celui de Jénine et Naplouse, au Nord, celui du centre avec Ramallah, celui de Hébron et Bethléem au Sud).


La situation actuelle dans la Vallée : deux exemples

Via deux exemples, le rapport réalisé par Stop the Wall (et que nous avons ici traduit dans ses grandes lignes) illustre ce qu’est réellement la situation des petites exploitations agricoles et des communautés bédouines de la Vallée, espérant ainsi attirer l’attention sur l’obstacle majeur qui empêche leur développement et auquel le Quartet et les donateurs internationaux devraient davantage selon eux s’attaquer s’ils voulaient réellement le développement.

Le premier exemple est celui d’une petite exploitation agricole palestinienne située à Bardala, dans le Nord de la Vallée, près du Mur et du checkpoint de Bisan. Elle emploie quinze personnes temps-plein mais aucun investissement n’est possible vu la fermeture de la région, les restrictions en eau et la menace de destruction toujours possible (en septembre 2007, des serres et plusieurs dunums de terres ont été écrasées aux bulldozers).

Les interdictions de déplacement et les risques d’arrestation des Palestiniens font c’est de plus en plus difficile d’avoir de la main d’œuvre. Enfin, deux facteurs contribuent également à cette situation intenable : les intermédiaires commerciaux israéliens qui prélèvent 30% de commission et le démantèlement des conseils locaux par l’Autorité Palestinienne depuis les élections.


Le second exemple est celui de deux villages bédouins, Al-Hadidiya et Humsa, situés plus au Sud : après toute une série d’attaques et mesures de harcèlement (puits clôturés et interdits d’accès, réservoirs d’eau amenés par camions confisqués…), les habitants ont du faire face à la destruction de leurs infrastructures communautaires et de leurs logements en août 2007.

L’armée répondait ainsi au souhait des habitants de la colonie de Ro’i pour qui les bédouins palestiniens établis là depuis des générations constituaient une menace pour leur sécurité. No comment.


Conclusions

Le projet de «Corridor de Paix et de Prospérité» est une manière de normaliser la situation et de pousser les Palestiniens à accepter l’implantation illégale des colonies et les occupants présentés non comme ce qu’ils sont réellement mais comme des « partenaires », dans la perspective d’une paix future.

Il s’inscrit parfaitement dans le cadre du MEFTA (Middle East Free Trade Agreement), un projet global néolibéral visant à créer, sur base d’accords bilatéraux, une zone de libre-échange au Moyen Orient et donc à ouvrir l’économie du Moyen Orient aux capitaux et intérêts des USA et de leurs alliés, y compris les pays européens, les pays pétroliers et Israël. Une méthode, on le sait, qui a asservi les populations de beaucoup de pays du Sud aux intérêts capitalistes.

Comme l’explique le Palestinien Jamal Juma, coordinateur de Stop the Wall, ce projet où la Banque Mondiale a joué un rôle majeur, a cependant ceci de particulier à savoir qu’ici l’occupation et la colonisation sont intégrées au projet du capital.

Tel qu’il est conçu en effet, ce prétendu projet de développement envisage non seulement la création de zones d’agrobusiness mais aussi l’exploitation de zones industrielles fermées, des «maquilladoras», construites sur les terres volées aux Palestiniens notamment entre la Ligne Verte et le Mur (qui ne suit le tracé de la Ligne Verte que sur 20% de son trajet).

Dans cette conception, contraire à l’Avis de la Cour Internationale de Justice, on intègre le système d’apartheid. Un système où l’occupant est appelé à jouer un rôle dominant tandis que les Palestiniens concentrés sur une superficie correspondant aux douze pourcents restants de la Palestine historique sont maintenus dans une situation de dépendance et d’exploitation (1).

Selon
Adam Hanieh (2), l’Autorité Palestinienne est de plus en plus appelée, dans ce scénario, à jouer le rôle du gendarme de l’occupant et de l’impérialisme pour garantir un climat propice aux investissements et donc « la paix sociale ».

Elle a d’ailleurs elle-même lancé un plan libéral «de développement et de réforme (le PPRD), élaboré en étroite synergie avec la Banque Mondiale et le Département Britannique pour le Développement International. Un plan ayant pour but non seulement d’attirer les capitaux étrangers mais aussi évidemment la réduction des dépenses publiques …et qui ne peut être réalisé que par une normalisation des relations avec Israël au sein du Moyen Orient.

Il faut s’attendre maintenant à de nouvelles attaques contre les Palestiniens : des attaques déguisées en « projets de développement » ou « projets d’aide humanitaire » !

Cela doit être bien compris par le mouvement de solidarité avec la lutte des Palestiniens pour leur libération et la justice (car c’est pour cela qu’ils se sont battus et continuent à le faire notamment lors des manifestations contre le Mur : ce n’est pas pour une vie « confortable » enfermés dans des ghettos entourés de murs colorés, rappelle Jamal Juma).


Notes de lecture :

1) article de Jamal Juma, coordinateur de la Campagne des organisations de base contre le Mur de l’apartheid (www.stopthewall.org) publié dans « Labour for Palestine », réalisé par la
Coalition Contre l’apartheid israélien, CAIA, Toronto, 2007.

Développement ou normalisation ? Une critique de l’approche et des projets de développement pour la Cisjordanie
Par Stop The Wall

2) article d'Adam Hanieh
La Palestine au Moyen Orient : combattre le néolibéralisme et le pouvoir des Etats Unis (1ère partie)

La Palestine au Moyen Orient : combattre le néolibéralisme et le pouvoir des Etats Unis (2ème partie) Le néolibéralisme, le "Nouveau Moyen Orient" et la Palestine

Site Valley Jordan Solidarity.

Soutien aux Bédouins de la Vallée du Jourdain – appel à action