FREE PALESTINE
24 août 2008

Des mots durs, mais vrais

            Des mots durs, mais vrais            

                        

Par             Seth Freedman                                                 

            

Lors d'un séjour récent chez une famille palestinienne en Cisjordanie, je me suis trouvé chez eux à écouter les informations avec deux des fils de mes hôtes. Les événements de la semaine avaient été particulièrement violents, avec des affrontements acharnés entre les forces israéliennes de défense (d'occupation, ndt) et les villageois de Nilin, où nous étions donc assis, ainsi que des reportages sur une roquette artisanale tirée par des colons en direction d'une communauté palestinienne voisine.

                                     

                                                                        

L'atmosphère dans la maison était tendue ; les deux frères étaient inquiets des possibles répercussions des hostilités matinales sur leur village et gardaient un œil attentif sur l'écran où ils suivaient la diffusion du reportage qui montrait la confrontation sanglante.

A mon intention, l'aîné a mis la version anglaise de al-Aqsa TV, une chaîne lancée par le Hamas en 2006 comme partie de sa campagne pour contrer ce qu'il considérait être de la propagande israélienne dans les médias occidentaux.

"Les colonisateurs sionistes ont tiré un missile [sur une ville palestinienne]", a annoncé un présentateur au visage de marbre tandis qu'il rapportait l'attaque à la roquette des colons.

Poursuivant, il a informé les téléspectateurs de projets "d'extension de la colonie sioniste Har Homa", avant de relayer l'information selon laquelle "les forces sionistes d'occupation ont blessé sept personnes à Nilin". Des images assez sanglantes de Palestiniens blessés défilèrent en accompagnement, et nous regardâmes en silence tandis que la litanie sans fin des injustices était racontée, d'une voix sombre, par le journaliste.

Les informations furent interrompues par la publicité, une longue séquence au cours de laquelle des images de Palestine furent montrées, avec une voix hors champ lançant un appel passionné aux téléspectateurs à rejoindre la résistance. "La Palestine vous appelle. Soutenez-moi. Libérez-moi. Je suis votre mère, et vous êtes mes fils", disait le narrateur, avant de finir par une déclaration passionnée : "Palestine : le mot d'amour ; le cœur du monde".

Alors que les informations reprenaient en boucle, tout ce sur quoi je pouvais me concentrer était le langage utilisé, plus que les histoires qui étaient relatées. L'abandon des termes des médias occidentaux – "Israël", "les Forces de Défense Israélienne", "les colons", etc. – remplacés par un lexique entièrement différent fut pour moi un réveil rude, après avoir été nourri à un régime tellement différent pendant des années.

Cependant, les termes utilisés n'étaient pas le moins du monde inhabituels pour les fils de mon hôte, et indiquaient la largeur du gouffre entre les citoyens ordinaires, de chaque côté du fossé.

Souvent, les partisans d'Israël critiquent le temps d'antenne, qu'ils trouvent disproportionné, que les médias occidentaux consacrent à la région, ainsi que le prétendu déséquilibre de sa couverture, qu'ils estiment être trop lourdement favorable à la cause palestinienne. Il serait pourtant tout à fait compréhensible qu'un téléspectateur de la chaîne al-Aqsa tombant sur n'importe quelle station occidentale, de la BBC à Sky News et au-delà, éprouve la réplique inversée de cette indignation à simplement entendre les termes employés pour décrire le conflit.

Mentionner simplement les colons comme s'ils étaient une sorte d'entité bienveillante et pionnière, plutôt que des colonisateurs convaincus, ferait sans aucun doute hérisser toute la communauté palestinienne. Se référer à l'armée israélienne comme à une force de "défense" en dépit de sa nature et de ses activités essentiellement d'occupation, serait un autre sujet d'irritation pour tout Palestinien espérant un minimum de compréhension de la part des médias européens.

Le langage de la guerre est pourtant un autre champ de bataille où les deux côtés en arrivent aux coups, comme je m'en suis rendu compte maintes fois depuis que j'ai commencé à écrire pour Comment is free. Certains mots vont immanquablement provoquer une explosion violente, faire dérailler le fil de la discussion et obscurcir le message que j'essaye de faire passer dans mes articles. Appeler un chat un chat devient hautement problématique dans le champ de mines du conflit Israël-Palestine.

Décrire la situation en Cisjordanie comme une forme d'apartheid blesse certains, en dépit des preuves évidentes justifiant le terme. Les mêmes personnes protestent lorsqu'on assimile la destruction gratuite infligée à des villages par les Forces Israéliennes d'Occupation à des pogroms – certains juifs s'étant arrogés en quelque sorte le mot à leur usage exclusif, et seulement en référence à la souffrance historique propre aux Juifs.

Toute comparaison entre les politiques expansionnistes et racistes du gouvernement israélien et les expérimentations similaires de suprématie ethnique à travers l'histoire sont diluées sous un cloaque de réponses dérisoires et indignes, comme si pointer ce qui saute aux yeux était l'antithèse d'un débat honnête et raisonnable. La colère n'est pas moins véhémente ni moins âprement exprimée de l'autre côté, parmi ceux qui refusent de faire référence à l'Etat juif comme à Israël, ou à l'armée israélienne comme aux Forces Israéliennes de Défense.

Alors que je comprends combien les gens (dont moi-même) sont émotionnellement investis lorsqu'il s'agit du conflit, nous ne devrions pas accepter une situation où les faits dans toute leur franchise soient écartés, simplement parce que le lecteur ou le téléspectateur ne se sent pas à l'aise avec la vérité. J'ai eu beau tressaillir au début, assis dans le salon de la famille palestinienne, à entendre mon pays décrit, aux informations, dans un langage aussi incendiaire, je peux comprendre pourquoi ils utilisent ces termes dans leurs reportages.

Les colons sont des colonisateurs, tout comme les Forces Israéliennes de Défense sont des forces engagées dans une occupation, et toute tentative d'essayer de peindre le scénario d'une autre façon est à la fois malhonnête et mensonger.

Quiconque pense que les médias occidentaux sont incorrigiblement partiaux en faveur des Palestiniens ferait bien de considérer le spectre d'opinion dans son ensemble sur ce que constitue un reportage juste et un langage honnête, avant de porter des jugements aussi radicaux.

Parce que de là où sont assis les Palestiniens, sous le joug de l'occupation, l'image paraît très différente de celle que les partisans du sionisme voudraient que le monde croit.

                                                               
Source             :                                      The Guardian                                    
 Traduction             :             MR pour ISM

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