FREE PALESTINE
2 juillet 2008

Un porte-parole du Hamas optimiste au sujet de la trêve

Un porte-parole du Hamas optimiste au sujet de la trêve

Avi Issacharoff

Haaretz, 19 juin 2008

www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=994474

Version anglaise : Hamas spokesman voices rare optimism regarding Gaza truce

www.haaretz.com/hasen/spages/994774.html

A l'encontre des voix pessimistes qui se font entendre en Israël, il est possible d'entendre, au sein du Hamas, des évaluations optimistes quant aux chances du cessez-le-feu – et même quant à un accord de paix.

« Rien n'est impossible », dit Salah Al-Bardawil, représentant du Hamas au Parlement palestinien et porte-parole du groupe dans la Bande de Gaza, à propos d'une possibilité d'accord de paix entre Israël et son organisation à la suite du cessez-le-feu, la « tahadiyeh », entré en vigueur hier. S'il est vrai qu'en Israël, on entend des voix pessimistes quant aux chances de succès du cessez-le-feu, les choses paraissent un petit peu différente du côté palestinien et en particulier au sein du Hamas.

A la différence de plusieurs de ses amis du Hamas, Salah Al-Bardawil n'est pas frappé d'horreur quand on évoque, en les rapprochant, les mots « paix » et « Israël ». « Le monde arabe a déjà, dans le passé, tendu la main à la paix avec les Israéliens », dit-il, « Les idées d'Ahmed Yassin (fondateur et ancien dirigeant du Hamas – A. I.) qui soutenait un cessez-le-feu de 15-20 ans, étaient aussi des idées de paix et non des idées de guerre. Les gens du Hamas qui disent que jamais il n'y aura la paix avec les Israéliens, s'expriment ainsi du fait de leur scepticisme quant aux intentions des dirigeants israéliens. De votre côté, vous êtes tous à dire que la 'houdna' est une occasion pour le Hamas de réduire le décalage militaire, mais il s'agit d'une occasion historique pour Israël et pour tous les camps de vivre en paix, et de bâtir un avenir pour les générations futures. »

Salah Al-Bardawil, un professeur de littérature de 49 ans, de Khan Younis, membre du Hamas depuis 20 ans, prend néanmoins soin de ne pas paraître trop optimiste. Au cours d'un entretien téléphonique, il a dit que « après des années de lutte, chacun des camps doute que l'autre soit disposé à observer le cessez-le-feu. On dit, chez vous, que les petites factions sont susceptibles de torpiller le cessez-le-feu, mais toutes les organisations se sont engagées à l'observer. L'expérience montre que lorsque le Hamas prend des engagements, il veille scrupuleusement sur ceux-ci. »

Et si des roquettes sont tirées en direction d'Israël ? Que ferez-vous de ceux qui les auront tirées?

« Je ne dis pas que nous déploierons des forces à la frontière ni que nous deviendrons l'Autorité Palestinienne, qui travaille à sauvegarder les intérêts sécuritaires d'Israël. Mais nous avons pris une décision – celui qui lancera des missiles en direction d'Israël le fera sans autorisation. C'est à son organisation de s'occuper de lui. S'il s'agit de quelqu'un n'appartenant à aucune organisation, des mesures seront prises à son encontre. Celui qui enfreint la décision prise par les factions sur un cessez-le-feu porte atteinte aux intérêts palestiniens et nous en agirons avec lui en conséquence. »

Salah Al-Bardawil n'est pas la seule voix optimiste, au sein du Hamas, sur la question du cessez-le-feu. L'organisation a, actuellement, clairement intérêt à le respecter, dans la mesure où les conditions du cessez-le-feu la servent. L'ouverture des points de passage et la levée du blocus de la Bande de Gaza, sans limitations à la poursuite du renforcement du Hamas, expliquent peut-être les pronostics favorables quant à l'avenir des relations entre Israël et le « Hamastan ».

« Les rapports entre Israël et le Hamas sont aujourd'hui des rapports d'ennemis », explique Salah Al-Bardawil, « mais déjà dans le passé, lors de négociations menées entre le Hamas et le Fatah, nous nous étions entendus sur un 'accord de réconciliation nationale' selon lequel l'Etat palestinien serait établi dans les frontières de 1967. Israël ne peut pas manquer un tel accord venant du Hamas, sinon viendra une idéologie plus radicale que celle du Hamas. Israël doit comprendre que le Hamas constitue aujourd'hui un facteur qui fait contre-poids aux voix radicales et incontrôlées au sein du monde arabe et musulman. »

Il est malgré tout difficile d'ignorer les voix des plus faucons au sein du Hamas, qui voient dans le cessez-le-feu une pause profitable à un renforcement militaire en vue d'un avenir où il s'agit d'effacer Israël de la carte. Selon Salah Al-Bardawil, les membres du Hamas qui s'expriment en ces termes rapportent en fin de compte des idées religieuses. « On ne peut pas changer des fois religieuses », dit-il, « mais le conflit qui nous oppose à Israël est politique et pas religieux ».

Mais alors pourquoi ne pas reconnaître Israël ?

« Nous ne répéterons pas les erreurs du Fatah en nous lançant dans l'aventure d'une reconnaissance d'Israël. Aujourd'hui encore, on ne voit pas clairement ce que sont les frontières de cet Etat. Il est encore trop tôt pour parler de négociations avec Israël. Le cessez-le-feu est une espèce de reconnaissance de fait de cette entité, de même qu'Israël reconnaît de facto l'existence du Hamas. Nous ne pouvons nier la réalité de son existence. »

Qui a gagné et qui a perdu avec ce cessez-le-feu ?

« L'accord répond aux intérêts des deux camps. Personne n'a gagné, mais l'accalmie est utile à Israël et au Hamas. Par la nature des choses, chaque partie tente de présenter la démarche comme étant comme une victoire pour lui et s'enorgueillit de ses succès. Au bout du compte, tout le monde y a gagné, sinon il n'y aurait pas eu d'accord de cessez-le-feu. »

On s'égare

Sans surprise, l'accord de cessez-le-feu entraîne pas mal de frustration parmi les membres du Fatah et de l'Autorité Palestinienne. « Israël s'est incliné devant les 'combattants de la liberté' du Hamas. C'est une grande victoire pour les organisations islamiques, à la suite de celle du Hezbollah au Liban », a dit un ancien haut responsable du Fatah dans la Bande de Gaza qui a préféré rester anonyme.

La critique des responsables du Fatah à l'encontre du cessez-le-feu ne s'exprime pas ouvertement – peut-être parce que, officiellement, l'Autorité Palestinienne appuie la démarche – mais elle s'entend de tous côtés. De l'avis de beaucoup au sein de l'Autorité et du Fatah, le gouvernement d'Ehoud Olmert a rendu un fier service aux relations publiques du Hamas, du fait même de cet accord de cessez-le-feu. Selon eux, le Hamas présentera l'accalmie comme une victoire de la politique du « refus », Israël sera dépeint comme une entité faible construite de « toiles d'araignées », et le Président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, perdra quasiment toute pertinence. A leur estimation, d'ici six mois, le Hamas exigera une trêve en Cisjordanie également, et Israël, qui cherchera à éviter une nouvelle confrontation militaire, cèdera à la pression violente de l'organisation islamique.

Mais un homme du Fatah est néanmoins resté optimiste quand on lui a demandé si le cessez-le-feu affaiblirait le Fatah. Selon lui, la trêve est trop fragile pour tenir et modifier la situation. « Il est actuellement difficile de parler d'un contrôle absolu du Hamas dans la Bande de Gaza, si bien qu'il se peut fort bien que les petites organisations rompent le cessez-le-feu », a-t-il dit. « D'un autre côté, je suis sûr également qu'Israël ne maintiendra pas le cessez-le-feu. En outre, pour le moment en tout cas, il semble que le passage de Rafah restera fermé. Sans cette ouverture, le cessez-le-feu ne tiendra pas longtemps. »

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)

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