FREE PALESTINE
24 avril 2008

Qui a perdu ? Le peuple d’Israël.

Qui a perdu ? Le peuple d’Israël.

Meron Benvenisti

Haaretz, 15 avril 2008

www.haaretz.co.il/hasite/spages/975056.html

Version anglaise : Who lost ? The people of

Israel

- www.haaretz.com/hasen/spages/974891.html

Le débat sur la question de savoir qui a gagné, de la Paix Maintenant ou du Goush Emounim, se déroule comme s’il s’agissait d’un match de la ligue, avec une majorité d’accord pour estimer qu’à ce stade, c’est partie nulle : 1-1. La Paix Maintenant a gagné et a réussi à imposer un ordre du jour qui est un « quasi consensus » – en faveur du partage de cette terre en deux Etats nations. Le Goush Emounim a gagné la bataille pour l’établissement des colonies qui ontinstauré une réalité rendant plus difficile, sinon impossible, la création d’un Etat palestinien viable.

La polémique se focalise sur la signification de ce match nul pour l’avenir, l’hypothèse étant que les « colonies » et les « deux Etats nations » sont bien les questions cruciales qui façonneront l’avenir d’Israël, et que la confrontation idéologique entre ces deux conceptions opposées reste pertinente bien qu’il se soit écoulé plus que le temps d’une génération depuis que cette confrontation a pris forme à la fin des années 70. Les deux camps trouvent intérêt à aiguiser les sujets de discorde afin de souligner l’importance de leur action, mais on peut apercevoir comment derrière cette rhétorique se cache un dénominateur commun qui fait de ce tourbillon idéologique un débat interne, limité, juif-sioniste.

Les deux côtés sont d’accord sur la sacralité du mythe du « yishouv » et élèvent la maison, l’avant-poste, l’arbre planté, au niveau d’une valeur suprême. Si ce n’est qu’un camp aspire à appliquer la sainteté du yishouv sioniste à tous les yishouvim et avant-postes en Terre d’Israël, tandis que l’autre camp entend ne faire porter cette signification éthique et politique que sur les yishouvim qu’il a créés ou qui s’accordent à sa vision géostratégique. Sachant qu’il n’y a pas désaccord sur la symbolique du « yishouv » sioniste, mais uniquement sur l’usage opposé qui en est fait – symbolique de la construction contre symbolique de la destruction – la Paix Maintenant a forgé une idéologie nouvelle, celle de la « légalité » du yishouv, et la Paix Maintenant a ainsi mobilisé les juges de la Cour suprême pour venir étoffer ses rangs sur le déclin.

Le besoin éprouvé par les deux camps de jurer fidélité au sionisme aboutit à les rendre incapables de percevoir comment cet éthos est devenu un anachronisme dans la mesure où toute l’ « installation/colonisation » s’est transformée en un projet immobilier commercialisé qui mobilise une rhétorique sioniste en vue de réaliser du profit, ce que démontre l’avidité des personnes évacuées du Goush Katif. Du fait que les deux mouvements ont fait leur réputation dans le contexte des « colonies », ils n’ont pas intérêt à reconnaître que l’importance de la construction de points de peuplement dans les Territoires afin d’établir des faits politiques a depuis longtemps disparu et que le nombre de colonies et le nombre de leurs habitants sont maintenant une question sans intérêt parce que les instruments israéliens de contrôle se sont sophistiqués à un point tel que, pour l’essentiel de la Cisjordanie, il n’y a aucune différence entre le territoire souverain d’Israël et le territoire occupé.

Il est bien évidemment confortable de poursuivre la lutte traditionnelle car rien n’est plus simple que de déclamer des slogans routiniers. Et en matière de vieux slogans routiniers, il n’en est pas de plus trompeur que celui du « partage de la terre en deux Etats nations » qui prétend offrir une solution équitable aux aspirations nationales des Israéliens et des Palestiniens.

Telle était effectivement l’ambition à la fin des années 70 du siècle dernier, quand il était encore possible de partager cette terre d’une manière permettant l’existence de deux Etats viables. Mais aujourd’hui – où ne restent, entre clôtures de séparation et barrages, que des territoires coupés les uns des autres, privés d’accès au monde extérieur, sans possibilités de développer une infrastructure matérielle, et totalement dépendants des dons étrangers – dans ces conditions-là, le slogan d’un Etat nation palestinien n’est pas seulement une insulte faite au pauvre, c’est une tartufferie. Tant « les colonies » que « le consensus portant sur deux Etats nations » continuent d’alimenter le débat public mais leur pertinence a tourné à la nostalgie et à l’anachronisme. La discussion entre la Paix Maintenant et le Goush Emounim s’est conclue par un score nul, mais le perdant ne fait pas de doute : le peuple d’Israël.

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)

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