FREE PALESTINE
16 mars 2008

Le 16 mars 2003, Rachel Corrie était délibérémment écrasée par un bulldozer blindé israélien à Gaza.

Le 16 mars 2003, Rachel Corrie était délibérémment écrasée par un bulldozer blindé israélien à Gaza.

Par Craig et Cindy Corrie
Première parution de cette lettre, le 20 mars 2003


 Le 16 mars 2003, Rachel Corrie était délibérémment écrasée par un bulldozer blindé israélien à Gaza.

2003 fût une année terrible pour les membres de ISM.
Rachel Corrie et Tom Hurndall furent assassinés par l'armée israélienne, seulement "parce qu'ils essayaient de protéger les vies de ceux qui ne peuvent se protéger eux-mêmes", comme l'écrivaient Craig et Cyndie Corrie, effondrés.










Rachel Corrie, une Américaine assassinée de sang-froid par un soldat israélien mandaté par son gouvernement pour virer les Palestiniens de leurs maisons dans son bulldozer blindé fabriqué par CATERPILLAR










Lettre des parents de Rachel Corrie

"Nous avons élevé tous nos enfants pour qu'ils soient sensibles à la beauté de la communauté tout entière et de la famille et nous sommes fiers que Rachel ait été capable de vivre ses convictions.

Rachel était pleine d'amour et du sens du devoir qu'elle éprouvait pour ses semblables, peu importe le pays où ils vivent.

Elle a donné sa vie en essayant de protéger ceux qui ne peuvent pas se protéger eux-mêmes.

Rachel nous a écrit de Gaza et nous souhaitons faire connaître aux medias son expérience, à travers ses mots à elle
."

Craig et Cindy Corrie


Extrait d'un e-mail de Rachel, le 7 février 2003

Je suis en Palestine depuis deux semaines et une heure maintenant et je n'ai que peu de mots pour décrire ce que je vois.

Il m'est très difficile de penser à ce qui se passe ici quand je m'asseois pour écrire aux Etats-Unis - j'ai le sentiment d'établir un lien virtuel avec le luxe.

Je ne sais pas si beaucoup des enfants d'ici ont grandi ici sans voir des impacts de bombe dans leurs murs et les tours d'une armée d'occupation les espionnant constamment depuis l'horizon proche.
Je pense, bien que je n'en sois pas absolument sûre, que même les plus petits de ces enfants comprennent que la vie n'est pas comme ça partout.

Un enfant de huit ans a été tué par un char israélien deux jours avant mon arrivée et beaucoup d'enfants me murmurent son nom, " Ali " ou me montrent des affiches de lui sur les murs.

Les enfants aussi adorent me faire parler mon arabe approximatif en me demandant " Kaif Sharon ? " " Kaif Bush ? " et ils éclatent de rire quand je réponds dans mon mauvais arabe " Bush Majnoon " " Sharon majnoon " (Comment trouves-tu Sharon ? Comment trouves-tu Bush ? - Sharon est cinglé, Bush est cinglé).

Evidemment ce n'est pas tout à fait ce que je pense et certains adultes qui parlent anglais me corrigent : " Bush mish majnoon… Bush est un homme d'affaires ". Aujourd'hui j'ai essayé d'apprendre à dire "Bush est un instrument", mais je ne crois pas que j'y suis vraiment bien arrivée.

En tous cas, il y a ici des gosses de huit ans qui sont beaucoup plus conscients des rouages de la structure du pouvoir que je l'étais il y a seulement quelques années - au moins en ce qui concerne Israël.

Quoiqu'il en soit je pense qu'aucune de mes lectures, aucune des conférences auxquelles j'ai assisté, aucun des documentaires que j'ai vus et rien de ce qui m'a été dit oralement n'était susceptible de m'avoir préparée à la réalité de la situation, ici.

On ne peut l'imaginer si on ne l'a pas vue et même alors on a tout le temps l'impression que ce qu'on vit n'est pas du tout la réalité : qu'arriverait-il si l'armée israélienne tirait sur un citoyen des Etats-Unis non armé, qu'en est-il du fait que j'ai de l'argent pour acheter de l'eau quand l'armée détruit les puits, et qu'évidemment j'ai toujours la possibilité de partir ?

Personne de ma famille n'a été tué, au volant de sa voiture, par un lanceur de roquettes en haut d'une tour au bout d'une rue principale de ma ville natale.

J'ai une maison. Je suis libre d'aller voir l'océan.

Apparemment il est encore très difficile de me retrouver détenue pendant des mois ou des années d'affilée sans procès (parce que je suis une citoyenne blanche des Etats-Unis, contrairement à tant d'autres).

Quand je m'en vais à l'école ou au travail, je peux être à peu près certaine qu'aucun soldat lourdement armé ne m'attendra au milieu du chemin, entre Mud Bay et le centre ville d'Olympia à un check-point - un soldat habilité à décider si je peux aller à mon travail et si je peux revenir à la maison ensuite.

C'est pourquoi je suis meurtrie d'arriver et d'entrer brièvement et incomplètement dans le monde où vivent ces enfants. Je me demande inversement comment ils réagiraient en entrant dans mon monde.

Ils savent que les parents des enfants des Etats-Unis ne sont généralement pas tués et ils savent que de temps en temps ils vont voir la mer.

Mais à partir du moment où vous avez vu la mer et où vous avez vécu dans un endroit calme où l'eau vous est garantie et n'est pas volée la nuit par des bulldozers, et où vous avez passé une soirée où vous ne vous êtes pas demandé si les murs de votre maison allaient soudainement s'écrouler et vous réveillant de votre sommeil et où vous avez rencontré des gens qui n'ont jamais perdu personne - et où vous avez fait l'expérience de la réalité d'un monde qui n'est pas entouré de tours meurtrières, de tanks, de "colonies" fortifiées et maintenant d'un gigantesque mur de métal, je me demande si vous pouvez pardonner à ce monde pour toutes les années de votre enfance passées à exister, seulement à exister - en résistant à cet étranglement par la quatrième force militaire du monde, soutenue par la seule superpuissance du monde, dans sa tentative de vous effacer de votre terre natale.

C'est la question que je me pose sur ces enfants. Je me demande ce qu'il arriverait s'ils savaient vraiment.

En illustration à ces réflexions, je vous dirai que je suis à Rafah, une ville de 140.000 habitants, dont environ 60% sont des réfugiés - nombre d'entre eux sont réfugiés pour la deuxième ou la troisième fois.

Rafah existait avant 1948 mais la plupart des gens d'ici sont eux-mêmes des réfugiés, ou sont les descendants de gens qui ont été transférés ici de chez eux, en Palestine historique - qui est maintenant Israël.

Rafah a été divisée en deux quand le Sinaï a été rendu à l'Egypte. Actuellement l'armée israélienne construit un mur haut de 14 m entre Rafah et la frontière, créant un no man's land en bordure des maisons qui longent la frontière.

Six cent deux maisons ont été complètement rasées aux bulldozers, selon le Comité populaire des Réfugiés de Rafah. Le nombre de maisons partiellement détruites est encore plus grand.

Aujourd'hui j'ai marché sur les ruines de ce qui était des maisons, et des soldats égyptiens m'ont crié, depuis l'autre côté de la frontière : " Va-t'en, Va - t'en " parce qu'un tank arrivait. Suivi par des saluts de la main et des " Comment tu t'appelles ? ".

Il y a quelque chose de troublant dans cette curiosité. Ca me rappelle combien, à un certain point, nous sommes des enfants curieux de connaître d'autres enfants : des enfants égyptiens qui hèlent une femme qui se ballade sur le chemin des tanks.

Des enfants palestiniens tués par les tanks lorsqu'ils passent la tête derrière les murs pour regarder ce qui se passe.

Des enfants internationalistes debout face aux tanks avec des drapeaux.
Des enfants israéliens, anonymes, dans les tanks, qui crient parfois, mais aussi de temps en temps qui saluent de la main, beaucoup contraints d'être ici, beaucoup seulement agressifs, tirant sur les maisons dès que nous nous éloignons.

En plus de la présence continue des tanks le long de la frontière et à l'ouest, entre Rafah et les colonies en bord de mer, il y a plus de tours de l'armée israélienne que je puisse compter, à l'horizon, au bout des rues.

Quelques une seulement peintes aux couleurs kaki de l'armée.
D'autres avec d'étranges escaliers métalliques en colimaçon, enveloppées dans des filets pour qu'on ne puisse voir ce qui se passe à l'intérieur.

Quelques-unes sont cachées, juste en dessous de la ligne d'horizon des buildings. Une nouvelle est née l'autre jour pendant le temps qu'il nous a fallu pour laver le linge et traverser la ville pour suspendre des drapeaux.

Malgré le fait que quelques zones proche de la frontière sont le Rafah d'origine où vivent des familles qui ont vécu sur cette terre pendant au moins un siècle, seuls les camps de 1948 au centre de la ville sont des zones sous contrôle palestinien selon Oslo.

Mais autant que je peux le dire, il y a peu d'endroits qui ne soient pas sous le contrôle de la vue d'une quelconque tour.

De plus, aucun endroit n'est protégé des hélicoptères Apache ou des caméras des drones invisibles que nous entendons bourdonner au dessus de la ville pendant des heures.

J'ai eu du mal à obtenir des nouvelles du monde extérieur, mais j'ai compris que la guerre contre l'Irak était inévitable.

On se fait beaucoup de soucis ici au sujet de la " réoccupation de Gaza ".

Gaza est plus ou moins réoccupée chaque jour, mais je crois qu'on a peur que les tanks entrent dans toutes les rues et y restent, au lieu d'entrer seulement dans quelques rues et de s'en retirer au bout de quelques heures ou de quelques jours passés à observer et tirer depuis les lisières des localités.

Si les gens ne réfléchissent pas encore aux conséquences de cette guerre pour tous les habitants de la région, j'espère qu'ils ne vont pas tarder à le faire.

J'espère aussi que vous viendrez ici.
Nous sommes de cinq à six internationaux.
Les quartiers qui ont demandé notre présence sont Yibna, Tel El Sultan, Hi Salam, Brazil, Block J, Zorob and Block O.

Ils ont aussi besoin d'une présence constante de nuit auprès d'un puits à la lisière de Rafah parce que l'armée israélienne a détruit les deux puits les plus importants.

Selon le bureau municipal de l'eau, les puits détruits la semaine dernière fournissaient la moitié des besoins en eau de Rafah.
Beaucoup de ces communautés ont demandé aux internationaux d'être présents la nuit pour essayer d'empêcher les prochaines démolitions de maisons.

Après dix heures du soir il est très difficile de se déplacer de nuit parce que l'armée israélienne considère que quiconque est dans la rue est un résistant, et tire. Et évidemment nous sommes trop peu.

Je continue à croire que ma ville natale, Olympia, pourrait gagner beaucoup et offrir beaucoup en s'engageant avec Rafah, sous forme de jumelage de cités.

Certains professeurs et groupes d'enfants ont dit qu'ils seraient intéressés par des échanges de mails, mais ce n'est que le sommet de l'iceberg du travail de solidarité qui pourrait se faire.

Beaucoup voudraient faire entendre leurs voix et je crois que nous avons besoin d'utiliser certains de nos privilèges d'internationaux pour faire en sorte que ses voix soient entendues directement aux Etats-Unis plutôt qu'à travers le filtre des internationaux impliqués comme moi.

Je commence juste à apprendre de ce qui sera, je l'espère, un immense parrainage ce qu'est la capacité des gens à s'organiser et à résister à toutes les catastrophes.


Lire le témoignage de Dreg Sha : "Rachel : Ce qui lui est arrivé est une tragédie et un meurtre"

Voir les photos de l'assassinat de Rachel Corrie

Rachel Corrie dans la "Zone Mortelle" – film réalisé par des activistes de l'ISM – durée : 8mn26s



La vidéo réalisée par Joe Carr, un ISMer sur Rachel Corrie et CATERKILLER – Durée 8mn 53s



Interview de Rachel Corrie, peu de temps avant sa mort


Samedi 15 Mars 2008

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