FREE PALESTINE
16 février 2008

Israël privatise même les check-points

Israël privatise même les check-points

Frontières |

jeudi, 7 février 2008 | par Anaëlle Verzaux

Le gouvernement israélien privatise les points de contrôle où l’identité des Palestiniens se rendant dans l’Etat hébreu est systématiquement vérifiée. Etonnant pour un pays obsédé par sa sécurité.

À 25 ans, Soraya est une jeune Palestinienne qui habite à Anata, une ville limitrophe de Jérusalem. « Je veux aller à Gaza demain pour voir mon fiancé. Il est coincé là-bas à cause du blocus imposé par Israël. Je ne l’ai pas vu depuis quatre mois. Mais je ne sais pas combien de temps ça me prendra pour y arriver. Depuis la victoire du Hamas aux législatives à Gaza, en janvier 2006, les contrôles d’identité sont devenus infernaux pour les Palestiniens » déplore-t-elle. Ceux-ci se pratiquent aux check-points, des points de contrôle mobiles, et dans des terminaux, des postes fixes, en béton, qui peuplent la région de Gaza et la Cisjordanie.

Selon un rapport publié en janvier 2008 par le centre d’informations israélien B’Tselem, on recense 459 barrages et 66 check-points en Cisjordanie. On compte par ailleurs 20 terminaux, la plupart construits autour du mur cisjordanien, les autres autour de la Bande de Gaza. Jusqu’à ces derniers temps, tous étaient tenus par l’armée. Or, depuis 2006, Israël privatise ses terminaux, qui sont pourtant sensés représenter un élément clé de son dispositif de sécurité. Sept d’entre eux sont même déjà entièrement passés sous la houlette d’entreprises privées qui louent les services de leurs employés au ministère de la Défense.

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Check-point à louer

© Emo

Concrètement, ces braves civils sont chargés de contrôler les papiers d’identité des Palestiniens qui doivent maintenant posséder un passeport biométrique pour entrer en Israël. Donc, exit l’armée ! Et, en cas de bavure, ce sont ces entreprises qui seront tenues pour responsables.

C’est d’ailleurs sans doute là le principal intérêt qu’a Israël à se lancer dans un tel processus de privatisations. Côté officiel, le porte-parole du ministère de la Défense, Slomo Dror, le justifie en ces termes : « on le fait pour notre sécurité et notre mieux-être à tous, y compris des Palestiniens, qui perdront moins de temps aux barrages et qui ne se trouveront plus face à des militaires mais à des civils ».

Sourire en prime ? On peut en douter au vu des salaires des civils en question. Si le ministère de la Défense estime qu’ils sont « bien payés », la réalité est toute autre. « Ils gagnent entre 6 et 8 shekels de l’heure, ce qui est bien » affirme Slomo Dror. Soit entre 1,11 et 1,50 euros de l’heure. Dérisoire, quand on sait qu’en Israël, le salaire moyen tourne autour de 700 euros. Dramatique, quand on sait que le seuil de pauvreté est fixé à 346 euros, soit plus que les émoluments mensuels des valeureux employés. Ce qui explique sans doute la difficulté des entreprises privées à recruter pour ce job ingrat. D’autant que, comme le rappelle Slomo Dror, « le travail est difficile et peut être dangereux »

Le prix de la sécurité

La construction d’un terminal coûte 4 millions de dollars à l’Etat d’Israël. Selon HS Today, un magazine d’information sur la sécurité, un mile de barrière équipée d’un système électrique perfectionné (caméras vidéo, cartes biométriques…) coûte 3,7 millions de dollars. Or, le plan de sécurisation des clôtures prévoit 472 miles de barrières. Soit un coût total évalué à 1,75 milliard de dollars. Un chiffre confirmé par le ministère de la Défense. A.V.

Pour Soraya, la jeune Palestinienne de Jérusalem, civils ou pas civils, les terminaux relèvent du cauchemar. « Il faut faire la queue pendant des heures, notamment dans le couloir de Bethléem. C’est inhumain. Même les jeunes femmes sont emmenées par groupes dans une pièce pour être fouillées, les mains contre le mur », témoigne-t-elle. « Aujourd’hui, il faut 45 minutes pour passer un terminal, contre 15 minutes auparavant ».

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Mieux avant

© Nardo

Le plus redoutable est celui d’Erez, au nord de Gaza. Son personnel est géré par une entreprise privée des plus mystérieuses : Sheleg Lavan. La simple évocation de son nom fait couiner d’embarras le ministère israélien de la Défense. « Nous n’avons aucun lien avec elle. Je ne peux rien vous dire à son sujet », déclare l’un de ses porte-paroles. Quant aux autres terminaux déjà privatisés, ils sont gérés par des entreprises spécialisées dans la sécurité : Ari Avtaha, Mikud, Modi’in Ezrahi ou S.B. Security Service.

Pour René Backmann, journaliste au Nouvel Observateur et auteur de l’ouvrage Un Mur en Palestine, la question est ailleurs. Pour lui, la privatisation des terminaux transforme de facto ces barrières militaires en véritables postes-frontières. « Ils révèlent l’idée des gouvernements israélien et américain de faire un État Palestinien dont les frontières correspondent au mur » conclut-il.

Pour relire le carnet de route d’Anaëlle, cliquez ci-dessous :

Carnet de route (III) Israël / Palestine

Carnet de route (II) Israël / Palestine

Carnet de route (I) Israël / Palestine

http://www.bakchich.info/article2520.html

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