FREE PALESTINE
11 janvier 2008

Nos dirigeants déroulent le tapis rouge sous les pas d'un tueur

Tayseer : "Nos dirigeants déroulent le tapis rouge

sous les pas d'un tueur."

( Jeudi, 10 janvier 2008 )

http://www.aloufok.net/article.php3?id_article=4359

Un convoi de voitures blindées qui roule à tombeau ouvert dans des rues désertes. C'est le président George Bush qui arrive, jeudi 10 janvier, à Ramallah pour sa première visite dans les territoires occupés, la deuxième d'un chef d'Etat américain après la venue de Bill Clinton à Gaza en 1998.

Initialement, l'hôte de la Maison Blanche avait prévu d'atterrir en hélicoptère dans la cour de la Mouqata'a, le quartier général de l'Autorité palestinienne. Mais le brouillard qui enveloppe la ville ce matin, l'a obligé à changer ses plans.

Sur le passage de son cortège, les seuls témoins sont les forces de sécurité palestiniennes déployés en masse pour l'occasion. Quatre mille policiers en tout, casqués de neuf, le doigt sur la kalachnikov, qui quadrillent les carrefours, patrouillent dans les rues, stationnent sur les toits et filtrent les principaux points d'accès de la ville. Dans un rayon de 500 mètres autour de la Mouqata'a, la population a été sommée de rester chez elle.

Une consigne qui rappelle aux habitants de mauvais souvenirs. "C'est comme un couvre-feu israélien, tempête Khouloud, 32 ans, qui a mis plus d'une heure pour rejoindre à pied le centre-ville. Nos dirigeants déroulent le tapis rouge sous les pas d'un tueur. C'est un scandale."

Sur la place centrale de Ramallah, site en temps normal d'une effervescence frénétique, seules quelques échoppes ont ouvert leurs portes. Tayseer, un vendeur de journaux, ne décolère pas contre les "courbettes" du président Mahmoud Abbas devant son hôte américain. "C'est tellement stupide, dit-il. Bush est en fin de mandat, le monde entier le méprise et nous l'accueillons avec des fleurs. Ces images vont donner l'impression que nous avons un véritable Etat, avec un président qui traite d'égal à égal avec le président américain. Et l'occupation israélienne, elle est où dans tout ça ?" 

Assis au fond de son atelier, Walid, un dessinateur, fait mine d'ignorer le ballet des policiers et des journalistes. "Bush est venu dans la région pour deux choses : conforter le pouvoir d'Israël et faire du tourisme religieux", maugrée-t-il en tirant sur une cigarette. "Si Bush était venu pour nous aider, j'aurais construit une statue en son honneur, ajoute Walid. Mais en sept années de mandat, il n'a pas prononcé un seul mot de critique à l'encontre d'Israël. Jamais je ne pourrais vendre un portrait de lui".

Sur le marché aux légumes, en contrebas de la place, les marchands se disputent les rares clients qui se sont risqués dehors. Désœuvrés, ils pimentent leurs harangues de commentaires au vitriol sur l'événement du jour. "Bush vient nous vendre ses salades, vitupère Hassan, en poussant une charrette à bras. Ce type est en train d'égorger les Afghans et les Irakiens et on voudrait nous faire croire que c'est un homme de paix". Il avise le cordon de policiers qui barre la route d'accès à la Mouqata'a et demande : "Pourquoi boucler la ville ? C'est le prophète qui arrive ?"

Dans un snack, quelques rues plus loin, Zoheir et ses collègues enfournent des sandwiches dans des sacs plastiques qu'ils entassent ensuite dans des cartons. Les rations seront distribuées à midi aux policiers palestiniens déployés dans la ville. "J'en ai fait plus de 3 000 depuis l'aube, dit-il, la mine réjouie. Politiquement, Bush ne nous sert à rien. Mais question business, il peut revenir quand il veut."

Benjamin Barthe - Le Monde du 10 janvier 2008

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