Transformer la plus précieuse ressource naturelle de Palestine en instrument politique Par Arthur Neslen Arthur Neslen est un journaliste qui travaille à Tel Aviv. Premier employé juif d'Aljazeera.net et correspondant de la BBC pendant 4 ans, Neslen a contribué à de nombreux périodiques au cours des années, dont The Guardian, The Observer, The Independent et Red Pepper: Son premier livre, "Occupied Minds: A journey through the Israeli psyche" a été récemment publié chez Pluton Press.
C'est toujours sympa de démarrer un nouveau job avec une carte dans votre manche, et le nouvel envoyé au Moyen-Orient, Tony Blair pourrait être pardonné d'avoir pensé qu'il avait cela. Dans un avenir proche, un accord de 4 milliards de dollars pour exploiter les réserves de gaz en mer de Gaza sera signé par le gouvernement israélien, le groupe britannique BG, le département d'investissements de l'Autorité Palestinienne, le Fonds d'Investissement de Palestine (PIF) et Consolidated Contractors Company (CCC).
Malgré des considérations environnementales, une injection de ce genre de capital dans les territoires occupés pourrait transformer le paysage politique.
Par chance ou par destin, Tony Blair a été crucial dans la genèse de l'accord.
Mais la pression qu'il a mise sur d'autres parties pour accepter un accord qui lie économiquement l'Autorité Palestinienne à Israel a aggravé les tensions entre le Fatah et le Hamas, a mis le Fonds d'Investissement de Palestine (PIF) sur la défensive politique, et pourrait même avoir aidé à alimenter les récents combats dans Gaza
Ce fût le premier Accord Gaza-Jericho en 1994 qui a, en premier, alloué à l'Autorité Palestinienne une zone de 20 miles nautiques sur les côtes de Gaza.
Mais ce ne fût qu'en 1999, l'année où BG a gagné sont droit d'exploitation du gisement, qu'Israel a accepté de le donner à l'Autorité Palestinienne.
En échange, l'Autorité Palestinienne a signé une renonciation de "l'ensemble du contrôle de la sécurité" sur la mer à l'extérieur de Gaza en faveur d'Israel. Ils ont probablement pensé qu'ils avaient fait une affaire.
On estime que le gisement maritime de Gaza contient entre 35 et 40 milliards de mètres cubes de gaz. Selon les termes du Foreign Office britannique, c'est "de loin la ressource naturelle palestinienne la plus précieuse" et les revenus de son exploitation sont habituellement estimés à 4 milliards de dollars.
Pour cette raison, Ariel Sharon s'est toujours opposé à son développement, en prétendant que l'argent obtenu pourrait être utilisé pour armer les ennemis d'Israel.
En été 2005, quand Sharon était concentré sur le "désengagement" de Gaza, BG a signé un mémorandum avec la compagnie égyptienne EGAS pour lui vendre le gaz.
Mais l'affaire a été sabordée un an après, quand Tony Blair est intervenu à la dernière minute pour plaider en faveur du gouvernement israélien à BG, soi-disant suite à une demande d'Ehud Olmert.
Le Fonds d'Investissement de Palestine (PIF) maintient que la transaction était une entreprise purement commerciale. Mais une source bien informée m'a dit que c'était également une aventure "fortement politique" dans laquelle la relation entre la Grande-Bretagne et Israel avait un rôle "clé". "Le Royaume-Uni et les Etats-Unis, qui sont les principaux acteur dans cette affaire, l'ont vu comme un instrument possible afin d'améliorer les relations entre l'Autorité Palestinienne et Israel," dit-il. "C'était un élément de la négociation."
Si les bénéfices de la transaction pour la future carrière de Tony Blair et l'image publique de BG étaient clairs en 2006, les avantages pour Israel étaient encore plus clairs.
En diversifiant les approvisionnements en énergie du pays, le projet pourrait fournir jusqu'à 10% des besoins énergétiques du pays, à environ la moitié du prix que ce même gaz coûterait s'il venait d'Egypte.
Une source palestinienne très bien placée m'a dit qu'il y avait "un rapport évident" entre la transaction entre BG et Israel et les tentatives de soutenir le processus politique entre Olmert et Abbas.
Mais on ne sait pas clairement quelle quantité de gaz (s'il y en a) sera utilisée dans les Territoires Occupés, et beaucoup de Palestiniens auraient préféré un partenaire dont ils n'auraient pas eu à craindre une éventuelle retenue des recettes comme punition collective.
Plus grave, l'absence de données sur le montant qu'EGAS offrait pour le gaz de Gaza en 2005 nourrit les spéculations que Blair est intervenu pour soutenir une offre plus faible de la part des Israéliens.
Quelques rapports suggèrent que près des trois quarts des 4 milliards de dollars de recettes pourraient même ne pas finir dans les poches des Palestiniens.
Tandis que le Fonds d'Investissement de Palestine (PIF) conteste officiellement les pourcentages, il n'en fournira pas d'autres par crainte d'une réaction du public. Pour être juste, ils peuvent encore faire l'objet de négociations.
Mais la destination finale de quelles que soient les recettes obtenues par les Palestiniens est également encore opaque.
Dans les coulisses, une bataille a lieu avec les modernisateurs palestiniens qui font pression pour que l'argent aille dans un "pot de développement" affecté aux projets d'infrastructure.
Pour l'instant, l'option préférée des Etats-Unis et du Royaume-Uni d'un compte bancaire international sur lequel Abbas aurait le contrôle semble plus probable. Il y a une longue tradition de tels comptes bancaires dans l'Autorité Palestinienne. Ils n'ont pas permis au Fatah de gagner les élections.
Toujours sensible à la colère populaire au sujet de l'exploitation du trésor national de la Palestine, l'une des premières demandes du Hamas après avoir pris le pouvoir à Gaza a été une renégociation du contrat avec BG.
Ziad Thatha, le ministre de l'Economie du Hamas, avait précédemment dénoncé la transaction comme un "acte de vol" et une version moderne de la Déclaration de Balfour, qui "vend le gaz palestinien à l'occupation Sioniste".
Ses propos pourraient être une réponse à l'éviction de la bande de Gaza dans la transaction, puisque le gaz sera amené directement sur terre à Ashkelon en Israel. Mais ils pourraient également refléter le fait que le Hamas a été éliminé de la transaction, alors que l'un de ses rivaux mortels pourrait devenir intéressé.
Le 29 avril, deux semaines avant que les combats éclatent à Gaza, Yossi Maiman, le co-propriétaire de la compagnie de gaz israélienne rivale, EMG, a affirmé qu'en 2004, alors qu'il était en discussion pour se joindre au projet, on lui a révélé que des actions étaient détenues par fidéicommis pour deux partenaires confidentiels : Mohamed Rashid et Martin Schlaff.
BG a nié les affirmations mais elles furent préjudiciables.
Schlaff est un millionnaire qui a fait l'objet d'une enquête suite à des accusations de tentative de corruption sur Ariel Sharon en 2006.
Mohamed Rashid est un ancien directeur général du PIF et autrefois "mentor" et allié du seigneur de guerre gazéen maintenant en exil, Mohamed Dahlan. Le site internet de Conflicts Forum décrit Rashid comme un ancien conseiller des Etats-Unis et une "pièce essentielle du programme de l'Amérique pour ébranler le Hamas."
Une note de prudence est nécessaire ici.
Yossi Maiman serait un ancien employé du Mossad. De même pour Shabtai Shavit, le président de son entreprise qui a été condamné par le Procureur Général d'Israel en 2004 pour usage de ses relations avec les services de renseignements afin de promouvoir les intérêts d'EMG dans les gisements de gaz de Gaza.
Debkafile, un site internet lié aux barbouzes israéliens avait également utilisé précédemment la soi-disante participation de Rashid dans la transaction de BG comme excuse pour faire campagne contre lui.
Parmi les sécurocrates israéliens, la position Sharoniste de 2003 (assimilant Fatah et Hamas au terrorisme) peut encore être importante. Mais ce n'est parce qu'une branche de l'establishment de la sécurité israélienne semble être parano, qu'une autre n'en a pas après le Hamas.
Cela aurait été compréhensible si la direction du groupe avait vu l'argent obtenu par la transaction de BG comme une menace à long terme pour l'équilibre des forces dans Gaza, indépendamment de la soi-disante participation de Rashid.
Puisque le directeur du PIF, Muhammad Mustafa, est également un conseiller économique d'Abbas, le Hamas aurait pû se poser des questions quant à la destination finale des recettes du gaz.
Les critiques de la politique du désengagement d'Ariel Sharon avaient l'habitude de préciser qu'en l'absence de sources de pouvoir économique à Gaza -- et les fermetures des frontières garantissent que rien ne peut se développer -- l'influence découlerait inévitablement du canon des armes de la milice.
La transaction avec BG a eu le pouvoir de changer tout cela. Muhammad Mustafa l'a qualifiée "un changement radical".
Mais une combinaison de facteurs - l'obsession des responsables israéliens et occidentaux à vouloir contrôler l'utilisation par les Palestiniens de leurs revenus, les soi-disant termes de la transaction, l'incertitude entourant ses bénéficiaires, le secret dans lequel tout le tremblement a été négocié et, plus grave, le choix d'Israel plutôt que l'Egypte en tant qu'acheteur - tout cela n'a fait qu'agiter un pot déjà en ébullition.
Si Tony Blair étaient sérieux quant au rachat de sa réputation au Moyen-Orient, il pourrait commencer par faire entrer le Hamas dans le cadre de la transaction, tout en insistant sur le fait que ses recettes seront administrées par un comité responsable mais non-aligné au profit des Palestiniens en général.
Il pourrait conseiller à BG d'honorer ses menaces de rouvrir les négociations avec l'Egypte si les jeux de base-ball israéliens se poursuivent autour des discussions.
Il pourrait dire publiquement que plus de déjeuners gratuits aux détenteurs de titre de comptes bancaires internationaux et aux méga-entreprises britanniques ralentiront la cause de la paix : entre Israel et la Palestine ainsi qu'entre le Fatah et le Hamas.
Il pourrait faire tout cela et plus. Ou il pourrait s'installer confortablement et laisser continuer les soupçons dont se moqueront les mauvaises personnes en se rendant à la banque avec les bénéfices du gaz de Gaza
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