FREE PALESTINE
3 juillet 2007

La cause palestinienne et l'ennemi intérieur

« Nous continuerons à être les soldats vaincus d'une cause invincible »

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La cause palestinienne et l'ennemi intérieur 

Lidon Soriano, 28 juin 2007

Traduit par Gérard Jugant, révisé par Fausto Giudice

Que les pays occidentaux interviennent dans les affaires de politique intérieure de pays et de peuples souverains par l'intermédiaire de leurs politiques extérieures est un fait. Que les grands moyens de communication s’expriment en fonction de leurs lignes éditoriales respectives, est aussi une évidence. Mais la capacité des deux pour, en coordination et synchronie, retourner la réalité et montrer au public un scénario aussi faux qu'intéressé, est toujours surprenante.

En Palestine le sionisme, depuis sa fameuse et fausse phrase d' « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » a confectionné une longue liste de mensonges qui, à force d'être répétés et d'appliquer des politiques criminelles avec les énormes et puissants moyens dont il dispose, se sont transformés en « réalités ».

La situation actuelle en Palestine est le résultat des événements des derniers mois, mais ceux-ci à leur tour répondent à une politique programmée et structurée de nettoyage ethnique du peuple palestinien, planifiée par le sionisme et appuyée par l'impérialisme nord-américain pour réaliser ses plans de restructuration du « Grand Moyen-Orient et Nord de l'Afrique ». Pour cela, je rappellerai les derniers événements qui ont eut lieu dans les territoires palestiniens occupés en 1967, en essayant de ne pas perdre de vue l'analyse de la situation dans le cadre de la globalité et des stratégies de l'actuel impérialisme néolibéral.

La seconde Intifada épuisée, avec une Autorité Palestinienne sans aucune autorité et de clairs symptômes de dégradation politique et morale, la population palestinienne exténuée par de dures années de féroce répression israélienne, s'est préparée à élire le parlement palestinien après une longue période de processus municipaux où l'on entrevoyait un changement d'opinion parmi la population.

Le 25 janvier 2006, le Hamas arrive en tête du scrutin, mais avec une petite avance sur son rival immédiat, le Fatah (45,35% contre 42,07%). Néanmoins, en vertu de la Loi électorale palestinienne récemment réformée, le Hamas obtient la majorité absolue au parlement palestinien.

Le 10 avril 2006, l'Union Européenne s'unit aux USA, au Canada et au Japon dans l'embargo financier du peuple palestinien, comme forme de châtiment collectif pour son élection démocratique. L'embargo, qui dure déjà depuis quatorze mois, joint à la rétention des droits de douane palestiniens de la part d'Israël, qui représentent plus des deux tiers du budget de l'ANP, a conduit l'économie palestinienne en piteux état dans une situation catastrophique et a plongé la société palestinienne épuisée dans une crise humanitaire sans égal, lui faisant vivre le pire moment de son histoire.

Le Fatah, le parti au pouvoir depuis la constitution de l'Autorité Nationale Palestinienne, structure créée dans le cadre des accords d'Oslo, par et pour l'Occident, dans le but d'avoir quelqu’un à accuser quand se produisent des actes de résistance (dénommés en Occident terrorisme) et à utiliser en cas d'acceptation des règles du jeu, n'a jamais accepté sa défaite dans les urnes.

Dans ce contexte ont été recherchés les outils nécessaires pour la mise sur pied d'un plan israélo-US, appuyé par plusieurs pays arabes et l'UE, pour saper et remplacer le gouvernement palestinien d'unité nationale, pour renforcer Mahmoud Abbas et dissoudre le parlement palestinien.

On comptait sur ce plan, sur les médias et sur les exécutants intérieurs : Mohamed Dalhan, Mahmoud Abbas et le reste de la direction du Fatah.

Les moyens de communication se sont chargés de répéter à satiété des clichés et des concepts pour les installer dans l'imaginaire occidental comme partie de la réalité palestinienne, sur la base de la maxime de Goebbels: « mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ».

La division de la Palestine

Depuis la première Intifada Israël a rendu difficiles les contacts entre les Palestiniens de Gaza et ceux de Cisjordanie. Ces difficultés avec le temps se sont transformées en impossibilité, conduisant à la séparation totale des deux territoires et communautés.

En Cisjordanie et en dépit de l'embargo, de la restriction de mouvements et de la construction du mur de l'apartheid, il existe encore un certain degré de liberté, de contact avec le monde extérieur, il existe un plus grand pluralisme.

A Gaza, avec un niveau d'asphyxie beaucoup plus grand, avec la population emprisonnée, bombardée et presque sans contact avec l'extérieur, la société a régressé, s'est fermée et est revenue à des formes de vie plus traditionnelles, avec une plus grande composante religieuse et tribale.

Cela signifie, avant les lamentables événements de confrontation fratricide qui se sont produits à Gaza, qu'il existait déjà « deux Palestines » (et même trois, si on compte aussi les territoires palestiniens d'avant 1948). Ces deux Palestines n'ont pas été fractionnées, ni divisées par aucun parti palestinien, elles ont été séparées par Israël, avec l'objectif clair de « diviser pour régner » au moyen de politiques déterminées du fait accompli, destinées depuis des décennies à la fragmentation du territoire palestinien et à l'étranglement social et économique de sa population. Ce triste épisode de violence interpalestinienne n'a été rien d'autre que la « formalisation » ou l' « officialisation » de cette séparation imposée par Israël avec la bénédiction des USA et de l'UE.

Le problème actuel n'est pas la division, mais la qualification de « terre terroriste » qui va s'appliquer à la Bande de Gaza et la conversion de toute sa population en « objectifs militaires », comme dans le cas de Falloujah en Irak ou du sud du Liban.

Coup d'État

Suivant le plan établi, les moyens de communication ont cherché intentionnellement à rendre le Hamas coupable d'un soi-disant coup d'État pour maintenir cette dualité bons/méchants qu'il est si simple de comprendre. Bien sûr dans cette époque de guerre mondiale contre le terrorisme dans sa forme non plus de communisme, mais d'islam, c'est aux islamistes que l'on réserve le rôle de « méchants ».

D'emblée, le terme de coup d'État est absurde dans le cas palestinien car il n'existe pas d'État. De plus le Hamas détenant le pouvoir législatif et le soutien de la majorité de la population, n'a besoin d'aucun coup pour prendre un pouvoir qu'il détient déjà.

Quiconque connaît la réalité de Gaza sait que tenter de prendre le contrôle de la Bande par la force des armes est totalement absurde. Le Hamas a une base sociale forte et très large à Gaza et une branche militaire bien entraînée, disciplinée, fière et avec de fortes convictions dans ses actions, ce qui n'est pas du tout le cas des Brigades des Martyrs d'Al Aqsa, le bras armé du Fatah.

Par conséquent il est facile de déduire que le Fatah ne cherchait pas à prendre le pouvoir dans la Bande de Gaza mais simplement à aggraver une confrontation interne et, comme je l'ai dit précédemment, à officialiser ou à montrer à l'Occident que Gaza est un territoire dangereux car sous le contrôle des islamistes et que c'est eux qu'il faut combattre.

L'objectif d’Abbas est clair: récupérer le pouvoir à tout prix. L'objectif de l'axe Israël-USA-UE l'est aussi: exciter la confrontation interne, créant une Palestine « civilisée » (c'est-à-dire soumise) et une autre diabolisée (c'est-à-dire résistante) et que ce soient les Palestiniens eux-mêmes qui en finissent avec l'appui social que suscite dans de nombreux pays la légitime cause palestinienne, en discréditant complètement son droit à la légitime défense.

Al Qaïda

Dans les médias apparaît avec toujours plus d'insistance la marque « Al Qaïda » en rapport avec les différents mouvements de résistance dans les pays sous occupation. Cela a commencé en Afghanistan, puis en Irak et au Liban et maintenant en Palestine. De fait il y a quelques mois a été publié dans Haaretz un petit article sur une possible machination israélo-palestino-collaborationniste, afin de créer une cellule d'Al Qaïda à Gaza.

Les pouvoirs de fait savent que l'union Palestine-Al Qaïda ou plus concrètement Gaza-Al Qaïda dans le subconscient occidental va faciliter la délégitimation de la résistance palestinienne et leur permettra en outre un plus grand contrôle de la zone, menant à bien tout type d'actions militaires en s'abritant derrière la philosophie de la guerre contre le terrorisme, simplifiée en guerre contre Al Qaïda.

Gouvernement d'urgence

La nomination d'un gouvernement d'urgence dirigé par Salam Fayyad, haut fonctionnaire du FMI et de la Banque Mondiale, est la confirmation du camp choisi par la direction du Fatah.

Déclarer illégale la Force Exécutive et le bras armé du Hamas en suivant le schéma espagnol de la Loi idiote des partis* ne fait que renforcer cette idée.

Et les déclarations et actions des représentants internationaux y compris Olmert lui-même, levant l'embargo dans les zones sous le contrôle du Fatah, reconnaissant Abbas comme un « associé », promettant la libération de prisonniers du Fatah, etc, ne laissent pas l'ombre d'un doute : l'Autorité Nationale Palestinienne personnalisée dans la figure de Mahmoud Abbas a vendu son âme au diable, s'alliant avec l'ennemi, trahissant son peuple et ses légitimes aspirations et droits.

Avec le maniement subtil et intentionné de ces concepts on prétend en finir avec la cause palestinienne, pas seulement physiquement, ce qui se fait depuis des décennies, mais aussi théoriquement, spirituellement et symboliquement.

La Palestine se fendille, mais non pour des problèmes idéologiques internes ou des différences religieuses au sein de sa population. Il n'y a pas deux peuples qui s'affrontent, il n'y a qu'un peuple exténué par 60 ans d'occupation et des gouvernants incapables de répondre aux défis qui se posent: ceux du Fatah, accoutumés à être le pouvoir, ont opté pour la voie erronée, les autres, ceux du Hamas, n'ont pas su ou n'ont pas pu être à la hauteur politique exigée dans un moment si délicat, provoquant cette confrontation qui était et est inadmissible pour la majorité des Palestiniens et Palestiniennes : « la ligne rouge à ne pas franchir : faire couler le sang palestinien ».

L'avenir se présente incertain et décourageant, le plus probable étant qu'Abbas sorte renforcé par l'appui international et la levée de l'embargo, devenant le parfait « Karzai palestinien ». Dans cette position, il formera un gouvernement marionnette qui suivra fidèlement les lignes marquées depuis Washington-Tel Aviv.

Le Hamas sera affaibli jusqu'à être relégué à un rôle de « méchant officiel et nécessaire ». La Bande de Gaza sera convertie en refuge des « terroristes ».

Le peuple palestinien, dans sa majorité, comme dans le cas d'autres pays arabes, s'éloignera de ses dirigeants et continuera la lutte à partir de la base, comme ce fut le cas jusqu'à la première Intifada, mais avec le handicap d'avoir son gendarme à la solde du sionisme.

Le rôle de la société civile organisée en Occident, en dépit des terribles paramètres dans lesquels se trouve le peuple palestinien, je crois qu'il doit être de continuer à exiger à nos gouvernements d'accomplir et de faire accomplir la légalité internationale, en créant le contexte favorable à la création d'un État palestinien viable et souverain avec Jérusalem comme capitale et la reconnaissance du droit au retour des réfugiés.

L'accomplissement de ces résolutions des Nations Unies, en particulier la 194 qui fait référence au droit au retour des réfugiés, supposerait un changement dans la balance démographique qui faciliterait la disparition du concept de domination ethnique que soutient et pratique le sionisme sous toutes ses formes. L'État d'Israël représente ce concept de pureté ethnique avec son autodéfinition ethnico-messianique et antidémocratique d' « État juif ».

La disparition du sionisme est l'unique solution, non seulement pour la Palestine, mais pour toute la région et l'exigence de l'accomplissement de la légalité internationale, peut-être, l'unique voie.

La direction palestinienne a abandonné son peuple et la revendication de ses droits légitimes, mais la cause palestinienne est au-dessus de ses dirigeants, au-dessus du cadre local, la cause palestinienne est la cause de toutes les personnes qui luttent pour le droit inaliénable des peuples à leur autodétermination, c'est pour cela que le peuple palestinien va continuer sa lutte et c'est pour cela que comme internationalistes nous serons à son côté, que nous continuerons à partager ses luttes, ses défaites et ses victoires.

« Nous continuerons à être les soldats vaincus d'une cause invincible »

* La Loi des partis, ou Loi organique 6/2002 a été approuvée le 27 juin 2002 en remplacement de la Loi de 1978, par 304 votes parlementaires favorables et 16 contraires. Visant essentiellement le parti basque Herri Batasuna, accusé d’être lié à ETA, cette loi vise à « empêcher qu’un parti politique puisse, de manière répétée et grave, attenter à ce régime démocratique de libertés, justifier le racisme et la xénophobie ou appuyer politiquement la violence et les activités des bandes terroristes » (NdR).


Source : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=52841

Lidon Soriano est la coordinatrice de la Brigade Palestine du Komite Internazionalistak (Comité internationaliste) basque, qui en compte 5 autres : Bolivia, Brésil, Colombie, Cuba et Venezuela.

La Brigade

a réalisé de nombreuses missions de solidarité en Palestine.

Traduit de l'espagnol par Gérard Jugant et révisé par
Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.

URL de cet article :
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=3129&lg=fr
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