FREE PALESTINE
7 mai 2007

« C’est l’arbitraire absolu »

« C’est l’arbitraire absolu »

lundi 7 mai 2007 - Nawaf Atamneh - Mahsom

La bataille juridique sur les accusations débitées par les forces de sécurité à l’encontre le président du parti Balad, l’ex-député Azmi Bishara, est condamnée à l’échec. Impossible d’affronter ces accusations sur le plan juridique dans la mesure où elles se fondent sur de l’interprétation et sur l’attribution d’intentions au suspect, sans que l’Etat ne soit tenu d’en rien prouver. C’est ainsi que l’avocate Smadar Ben Nathan résume les chances d’une confrontation juridique avec les accusations dirigées contre Bishara.

L’avocate Smadar Ben Nathan, qui a assuré la défense de Tali Fahima et qui connaît parfaitement la manière de faire des tribunaux dans le cadre d’atteintes à la « sécurité », maintient qu’une bataille juridique contre des accusations sécuritaires n’a aucun sens. Selon elle, dans les cas de ce genre, le procès s’achève toujours par un accord entre le juge et le suspect où ce dernier, même s’il est innocent, accepte de plaider coupable en échange d’une condamnation moins lourde.

« La formulation et la définition juridique d’infractions comme le « contact avec un agent étranger » ou la « transmission d’informations à l’ennemi » sont suffisamment larges et floues pour permettre à l’Etat de décider qui est un ennemi et qui ne l’est pas. L’Etat peut décider que tel ou tel qui ne l’était pas l’instant d’avant, devient subitement un ennemi ou un agent étranger », explique Smadar Ben Nathan.

« C’est l’arbitraire absolu », dit-elle pour résumer l’attitude de la justice israélienne dans les cas d’imputation d’atteinte à la sécurité. « Les gens peuvent se retrouver accusés d’avoir transmis de l’information à l’ennemi pour avoir acheté un livre à la librairie Steimatzky », dit-elle.

« C’est ainsi, par exemple, que dans le cas de Tali Fahima et de Cheikh Raed Salakh, il n’y avait aucun espoir d’obtenir l’acquittement. Tous deux ont été contraints de plaider coupable en échange d’une condamnation moins lourde parce qu’ils n’avaient, en réalité, aucun droit à une défense juridique. L’Etat peut faire durer un procès pendant des années, le suspect étant maintenu en détention jusqu’à la fin. C’est à peine si on discute des faits, mais seulement de l’interprétation des événements donnée par l’Etat et de l’attribution de telles ou telles intentions aux suspects. C’est pour cela qu’en fin de compte, ils se voient contraints, après plusieurs années de détention, de signer un accord où ils acceptent de plaider coupable en échange d’une condamnation moins lourde. »

Si moi, en tant que journaliste, j’ai une conversation avec un journaliste libanais ou syrien, je peux me retrouver accusé de contact avec un « agent de l’extérieur » ?

« En principe, oui, absolument. Un agent étranger, c’est tout citoyen d’un pays défini en Israël comme pays ennemi ou celui qui est lié d’une manière ou d’une autre à une organisation définie en Israël comme organisation terroriste. Il suffit que l’Etat le déclare agent étranger pour que vous soyez accusé d’un contact de ce genre. »

J’ai eu une conversation, durant la guerre, avec un journaliste libanais. Nous avons échangé nos interprétations et évaluations, et je lui ai dit que si le secrétaire général du Hezbollah, le cheikh Hassan Nasrallah, disait dans son discours que les bombardements sur la banlieue sud de Beyrouth avaient touché l’appartement où étaient gardés prisonniers les Israéliens, la chose atteindrait le moral israélien et ferait tomber le gouvernement. Suis-je suspecté d’avoir « transmis de l’information à l’ennemi » ?

« Si l’Etat décide qu’il faisait partie de vos intentions de porter atteinte à la sécurité de l’Etat, alors ils peuvent parfaitement vous accuser d’un délit grave comme celui-là. »

Et si j’ai dit à ce même journaliste que deux missiles sont tombés sur Afoula ?

« Dans un cas comme celui-là également, l’Etat peut vous accuser. Peu importe que l’information communiquée soit disponible à tous, peu importe qu’elle ait été publiée par tous les médias en Israël et dans le monde, peu importe que ce journaliste pouvait se procurer cette information sans vous - vous êtes encore accusé d’avoir transmis des informations à l’ennemi et de soutien à l’ennemi en temps de guerre, un délit puni d’un emprisonnement à vie ou de mort. »

Dans le cadre de mes fonctions, j’établis des contacts avec des gens de tout le monde arabe. J’ai beaucoup d’amis et je discute avec eux - comment puis-je savoir qui d’entre eux est un agent de l’extérieur ?

« Vous ne pourrez jamais savoir qui est un agent étranger et qui ne l’est pas. Si vous discutez avec Samir, qui est libanais et qui jusqu’il y a une heure n’était pas considéré comme agent étranger, l’Etat peut maintenant décider que c’est bien un agent étranger, et vous serez accusé de contact prohibé. »

Alors comment fait-on face à de telles accusations dans l’enceinte du tribunal ?

« C’est quasiment impossible. Tous les cas dans le passé démontrent qu’il n’est pas possible d’affronter pareilles accusations avec quelque succès. En fait, cela ne dépend pas vraiment de ce que vos actes. Tout est affaire d’interprétation. Il suffit que l’Etat vous impute telle intention - il n’est même pas tenu de prouver concrètement que vous aviez bien l’intention de porter atteinte à la sécurité ou de transmettre des informations. »

Nawaf Atamneh - Mahsom, le 26 avril 2007

Traduit de l’hébreu par Michel Ghys

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