FREE PALESTINE
16 avril 2007

Prisonniers ou criminels ?

Prisonniers ou criminels ?

Amira Hass

publié le jeudi 12 avril 2007.

Le fait est que l’existence de prisonniers palestiniens et libanais n’est évoquée que lorsque des soldats sont capturés.

Les rassemblements en soutien aux soldat capturés et à leurs familles comme moyen de pression sur les politiciens relèvent d’une saine démarche : l’opinion israélienne y exprime des doutes à propos des motivations et des capacités du gouvernement du Premier ministre, Ehud Olmert, à l’égard de ces trois captifs. On pensait jusqu’ici que les politiciens se préoccupaient des prisonniers de guerre comme d’une vache sacrée. Plus maintenant.

Mais de tels doutes ne sont pas suffisants, tout comme ces rassemblements. Même si les derniers articles de presse qui relatent de nouveaux progrès dans les négociations pour la libération de Gilad Shalit sont véridiques, le discours qui prévaut est celui de l’establishment de la Défense et de ses représentants au gouvernement. C’est ce même establishment qui a échoué de façon si retentissante dans sa mission à libérer les soldats et qui nous a conduit à deux agressions sanglantes sur le prétexte habituel de la guerre contre le terrorisme : une contre la Bande de Gaza et ses civils, l’autre contre le Liban et ses civils.

L’assassinat ciblé de Palestiniens et de membres du Hezbollah armés parait dérisoire à côté de toutes ces victimes civiles, morts et blessés, à Gaza et au Liban, et de ces ravages aux infrastructures civiles. Ces agressions n’ont fait que réduire les chances de libération et ont ajouté des mois de souffrances à ces hommes capturés et à leurs familles.

Les mécanismes politiques et sécuritaires de l’échec sont ceux-là même qui pendant des années ont amené à la formulation d’axiomes, en Israël, concernant les prisonniers palestiniens.

Le premier axiome est que tout prisonnier palestinien pour motif de sécurité est un criminel. Même pendant la période d’Oslo, Israël n’est pas sorti de cette définition et n’a pas reconnu les Palestiniens comme prisonniers de guerre dont la libération devait être intégrée dans un processus de paix.

Israël a libéré des milliers de prisonniers mais c’était pour faire un geste, en tant que côté dominant. Il a également montré une approche raciste en libérant des gens qui avaient été condamnés pour l’exécution de Palestiniens collaborateurs, mais pas pour avoir tué ou blessé des Juifs (y compris des soldats).

Ainsi, à ce jour, près de 400 Palestiniens sont toujours emprisonnés en Israël, condamnés pour des crimes (au sens défini par le code judiciaire de l’occupant) commis avant la signature de l’accord Gaza-Jéricho en mai 1994. Ceux qui répondaient de ces prisonniers, de Yasser Arafat à Mohammed Dahlan en passant par Yasser Abed Rabbo ont passé de nombreuses heures dans des négociations et des cocktails avec les représentants israéliens. Mais ceux qui sont sous leurs ordres sont censés purger l’intégralité de leur peine de prison (de plusieurs décennies) ou rester emprisonnés à vie, ce qui pour les prisonniers palestiniens équivaut à la prison jusqu’à la mort en contraste choquant avec les prisonniers juifs, spécialement les colons juifs dans les territoires occupés, condamnés pour meurtre « sans motifs nationalistes » et qui sont libérés rapidement après réduction de leur peine.

Parmi les prisonniers palestiniens, certains sont tombés gravement malades et le système vindicatif israélien refuse leur libération. Pendant de longues périodes, on n’a pas permis aux familles de la plupart des prisonniers de leur rendre visite. Tous - et c’est aussi un axiome - sont pénalisés dans leurs conditions d’emprisonnement par rapport aux prisonniers juifs.

Depuis la signature des accords d’Oslo, la plupart des Israéliens nient le fait que nous sommes les citoyens d’un Etat occupant. Ils considèrent l’Intifada actuelle comme une guerre qui nous a été déclarée par un Etat fictif palestinien. Et bien qu’elle soit considérée comme une guerre, l’axiome dominant est que tous les Palestiniens sont des « terroristes », même quant ils ont agi contre des soldats et non contre des civils. L’axiome corrélatif, c’est qu’il n’y a des « soldats » que de notre côté, même quand on les envoie contre la population civile occupée.

Le dénominateur commun à tous ces axiomes, c’est la distinction que l’on fait entre sang et sang, entre personnes et personnes. Le Juif vaut toujours plus, beaucoup, beaucoup plus, quand il est victime, quand il est soldat, quand il est prisonnier de guerre. Cette distinction joue un rôle déterminant dans le soutien qu’apportent les Palestiniens à la tactique des enlèvements. Si la logique politique, les négociations diplomatiques et une base élémentaire pour une égalité n’ont pas conduit à la libération des prisonniers palestiniens, alors c’est l’enlèvement d’Israéliens qui le fera.

Le fait est que l’existence de prisonniers palestiniens et libanais n’est évoquée que lorsque des soldats sont capturés. Mais les rassemblements pour soutenir ces soldats capturés ne remettent aucunement en cause ces axiomes, ces rassemblements sont toujours des cérémonials destinés à la satisfaction de ceux qui les tiennent.

Ha’aretz, 12 avril 2007 - publié en anglais sur The Institute for Middle East Understanding - traduit de l’anglais par JPP

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