« Pourquoi croyez-vous à la propagande sioniste ? »
Opinion
Alfred Lilienthal : « Pourquoi croyez-vous à la propagande sioniste ? »
Mohamed Salmawy
L’écrivain politique juif Alfred Lilienthal a consacré toute sa vie à rectifier les conceptions erronées que faisait propager la machine médiatique sioniste aux Etats-Unis. En tête desquelles celle qui prétendait que les Arabes veulent jeter Israël dans la mer. Lilienthal a pu obtenir un jugement prouvant l’inexactitude de cette allégation, étant donné qu’aucun dirigeant arabe n’a jamais fait une déclaration pareille. Mais à la fin de sa vie, il a senti qu’il a perdu la bataille lorsqu’il s’est rendu compte que nous les Arabes, à rebours, avons cru vraiment que nous sommes à l’origine de ce dire.
Alfred Lilienthal est un écrivain américain juif anti-sionsite. Il a passé sa vie à écrire sur les agissements d’Israël depuis son occupation en 1948 de territoires arabes qui n’étaient pas cités dans la résolution de partage de l’Onu. Lilienthal a estimé sans précédent le terrorisme commis par Israël contre les habitants palestiniens dans les villes et villages qu’il a vidés de leurs habitants afin d’implanter des colonies de peuplement pour les immigrés juifs. Première victime de ce terrorisme atroce : le village de Deir Yassine qui a vécu un massacre horrible le vidant de ses habitants et le rayant de la carte. Il fut finalement remplacé par une ville israélienne, Kiryat Shmona, dont le nom a été cité à plusieurs reprises lors la dernière guerre israélienne contre le Liban, lorsque le Hezbollah l’a ciblée par des tirs de roquettes. Israël a réussi non seulement à rayer Deir Yassine de la carte, mais également de la mémoire des gens, d’autant plus que nous les Arabes nous utilisons le nom de Kiryat Shmona. Nos médias parlaient pendant la guerre des tirs de roquettes qui s’abattaient sur Kiryat Shmona alors qu’en réalité, il s’agit de Deir Yassine. Le seul souvenir que l’on retient aujourd’hui de Deir Yassine c’est le fameux massacre qui a exterminé ses habitants en 1948.
Alfred Lilienthal a parlé de tout cela dans les années 1950 et 60, au moment où personne aux Etats-Unis ne savait rien de ces informations. De larges critiques lui étaient alors adressées par tous les médias, sous influence juive, qui voyaient que les écrits de Lilienthal dévoilaient la désinformation qu’ils pratiquaient à l’égard de l’opinion publique américaine. Mais rien de tout cela ne l’a découragé et il a poursuivi sa campagne contre la désinformation pratiquée par les médias américains.
Lilienthal a publié plusieurs sur ce sujet, dont le plus important était What Price Israël ? Dans ce livre, l’écrivain a parlé du prix humanitaire cher que l’Etat hébreu a soutiré aux Arabes et qu’en conséquence, les juifs dans le monde perdraient la sympathie et le respect de la communauté internationale. Lilienthal croyait que le monde se retournera tôt ou tard contre Israël à cause de ses pratiques atroces et illégales et que ceci se répercutera nécessairement sur la sécurité des juifs dans le monde entier. Ceci voulait dire que, selon lui, l’existence de l’Etat d’Israël ne protégerait pas les juifs de persécutions futures.
Lilienthal m’a raconté avoir étudié les méthodes de désinformation suivies par les médias pro-israéliens. Il a trouvé qu’au lieu de transmettre au public les vraies informations qui sont le reflet de la réalité, ils fabriquaient de fausses informations pour diffuser sa vision contraire à la réalité. Lilienthal a donné à l’appui l’exemple célèbre qu’il répétait toujours dans ses écrits, celui de la volonté imputée aux Arabes de jeter Israël dans la mer. Certains ont prétendu que Gamal Abdel-Nasser était à l’origine de ce dicton qui serait devenu plus tard la politique de tous les Arabes envers Israël.
Les cercles sionistes ne pouvaient pas rester silencieux face à Lilienthal qui révélait leurs méthodes consistant à induire en erreur le public américain. Lorsqu’il a visité Le Caire et a rencontré Gamal Abdel-Nasser, une large campagne a été menée contre lui et les cercles sionistes l’ont accusé de soutenir ceux qui préparent un nouvel Holocauste contre les juifs et d’avoir rencontré l’Hitler arabe qui désire jeter les juifs dans la mer. Lilienthal a eu recours à la justice pour répondre à ceux qui l’ont accusé à tort, en leur mettant au défi d’apporter la moindre preuve de leur accusation, la moindre déclaration de Nasser dans laquelle il disait que les Arabes devaient jeter Israël dans la mer. Après de longs mois de délibérations dans les tribunaux, Lilienthal s’en est sorti triomphant, ses ennemis ayant échoué à prouver la véracité des propos auxquels se sont référés les médias sionistes. Des dires que les médias occidentaux ont réussi à propager comme des réalités.
Mais puisque le mythe de jeter Israël à la mer était la pierre angulaire de la propagande sioniste, les médias occidentaux s’y sont attachés et ont continué à le propager malgré son inexactitude prouvée. De son côté, Lilienthal continuait à clamer que c’était faux et qu’au contraire, c’était Israël qui avait jeté les Arabes de Palestine à la mer et qu’il y avait un verdict judiciaire d’un tribunal américain prouvant la fausseté de ce mythe.
J’ai rencontré Lilienthal à plusieurs reprises au Caire comme à New York où il résidait. Ensuite, je n’avais eu aucune de ses nouvelles dans la seconde moitié des années 1970. Le bulletin mensuel qu’il publiait pour répondre aux allégations sionistes avait cessé de paraître. Jusqu’à ce que je l’ai rencontré par hasard dans une rue de New York à l’époque des négociations sur l’accord de paix de Camp David. Il m’a alors dit : Aujourd’hui, j’ai perdu ma cause. Les Arabes ont reconnu les positions d’Israël, une manière de dire que c’étaient eux qui avaient tort. Cette reddition historique changera la face de la région et Israël deviendra la superpuissance du Moyen-Orient et ses mensonges des réalités.
Ce qui était pénible pour le juif Lilienthal, c’est le fait que la partie arabe s’est servie des mêmes informations erronées ayant servi de référence aux médias israéliens pour justifier ses nouvelles positions. Avec à leur tête la célèbre phrase de jeter Israël dans la mer. En effet, des voix dans les médias arabes disaient alors que cette politique a prouvé son échec et que l’Etat ayant voulu jeter Israël à la mer a subi une défaite militaire et qu’il devait actuellement reconnaître son erreur et accepter Israël.
Même aujourd’hui si quelqu’un désire justifier la politique de paix avec Israël, il répète que puisque nous n’avions pas réussi à le jeter dans la mer, nous fûmes obligés de traiter avec lui. Ceux qui parmi nous critiquent la politique des années 1960 disent qu’elle brandissait des slogans qu’elle était incapable de réaliser, en tête desquels celui de jeter Israël à la mer. Un slogan qu’un tribunal américain a jugé faux. Mais Israël a réussi à convaincre le monde, y compris nous, qu’il était vrai. Ce que Lilienthal n’a pas compris .
http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahram/2007/4/4/opin1.htm