FREE PALESTINE
10 avril 2007

Un dangereux bal masqué

Un dangereux bal masqué

mardi 10 avril 2007

Gideon Lévy - Ha’aretz

Les règles de l’étiquette sont formelles : on souhaite la bienvenue au Secrétaire d’Etat U.S., au Secrétaire Général des Nations-Unies, qui sont venus jusqu’ici, et à la Chancelière allemande qui arrivera la semaine prochaine. Mais les règles de la logique sont tout aussi formelles, aussi leur demanderons-nous : « mais pourquoi venir ? ».

Tous trois ont déclaré venir à la recherche d’une solution. Mais ce show tout entier, il faut le leur dire, n’est qu’un bal masqué ridicule. Ces visites absurdes et sans résultat ne font qu’embourber un peu plus le conflit le plus menaçant pour la paix mondiale.

Le fait que tous trois boycottent le premier ministre palestinien élu préjuge mal de la moindre chance de progrès. Ce trio d’aveugles regarde au mauvais endroit... Pour faire quelque progrès, deux choses sont nécessaires : rencontrer Ismail Haniyeh pour le presser de reconnaître Israël, et rencontrer Ehud Olmert et le presser de mettre fin à l’occupation. Sans ces deux éléments aucune avancée n’est à espérer.

Il est difficile de comprendre comment une fois de plus Israël peut amener la communauté internationale à danser sur sa musique. Après avoir entraîné le monde dans un vain boycott de Yasser Arafat, il l’emmène maintenant au boycott de Haniyeh, ce qui sert le but de ce gouvernement (qui détient pourtant la clé de la fin du conflit) : refuser toute négociation.

L’Europe et les Etats-Unis doivent comprendre que le gouvernement palestinien d’union nationale est un partenaire de la négociation. Il faut aussi qu’ils comprennent qu’il est impossible de faire la paix si l’on ne traite qu’avec la moitié des Palestiniens, et que c’est précisément la présence du Hamas dans le gouvernement qui permettra qu’une solution négociée soit effectivement appliquée.

Boycotter le premier ministre élu, juste parce-que c’est ce que veulent et le front du refus en Israël et Washington, est une folie. Une visite à l’Autorité Palestinienne tout en refusant de voir le premier ministre n’a aucun sens.

La démocratie est une valeur centrale pour les Etats-Unis. Cependant, lorsque la Palestine se trouva être le seul endroit du monde arabe où ont eu lieu des élections libres, le reste du monde lui tourna le dos. Que veut-on faire comprendre aux Palestiniens ? Qu’il est juste d’avoir des élections, mais seulement si les résultats sont prédéterminés ? C’est un message ouvertement anti-démocratique qu’on passe à la jeune démocratie palestinienne. C’est aussi un message négatif pour l’orientation non violente du Hamas, qui ne bénéficie d’aucun retour politique

S’il est possible de comprendre cette visite de boycott de la part de Condoleeza Rice, la mère de la doctrine du boycott, voire même l’attitude d’Angela Merkel dont le pays se doit de redoubler de prudence dans sa politique concernant Israël, il est en revanche impossible de comprendre une telle attitude de la part du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon. Quelles instructions suit-il pour boycotter un premier ministre élu ? Est-ce une décision de l’Assemblée Générale des Nations-Unies qui préconise le boycott du gouvernement d’union nationale ? Est-ce ainsi que se comporte un honnête médiateur ?

Il est tout aussi révoltant de voir le Président palestinien Mahmoud Abbas se prêter à cette comédie. Un dirigeant d’un certain niveau aurait dit à ses hôtes : « Ahlan wa sahlan [bienvenue] - mais pas de boycott ». Et il aurait ajouté : « J’ai moi-même un intense débat avec mon premier ministre, mais les divergences doivent se régler par le dialogue, pas par le boycott. Vous voulez me rencontrer ? alors rencontrez aussi Haniyeh. Vous voulez m’inviter à Washington ? Alors prenez aussi mon partenaire le plus important ».

En l’absence d’une position courageuse, Abbas apparaît comme un dirigeant faible. Pas une chiffe molle, disons, mais à coup sûr une marionnette - juste ce qu’Israël et les Etats-Unis veulent.

C’est encore plus vrai en ce qui concerne le boycott économique. Ceux qui veulent voir des progrès au plan politique doivent aussi rechercher une amélioration des conditions de vie dans les territoires. Le monde doit alléger les souffrances de l’occupation. En bloquant l’aide aux Palestiniens, les artisans du boycott se font les complices de l’injustice de l’occupation israélienne. Un monde partisan du boycott du coup ne trouve rien à redire à l’occupation.

Israël devrait être la partie la plus intéressée à la fin du boycott. S’il voulait réellement la paix, il aurait dû accueillir favorablement le gouvernement d’union nationale, et devrait encourager les dirigeants mondiaux à rencontrer leurs homologues palestiniens. A qui profite le boycott - qui pousse le Hamas dans les bras de l‘Iran - ? pas à Israël, et pas aux efforts de paix.

Aujourd’hui, alors qu’on déroule les tapis rouges à Ramallah et à Jérusalem, nous voyons clairement que c’est là un dangereux bal masqué.

Gideon Lévy - Ha’aretz, le 26 mars 2007
Traduction de l’anglais : Aide sanitaire suisse aux Palestiniens

Commentaires
Derniers commentaires
Recevez nos infos gratuites
Visiteurs
Depuis la création 865 317
Archives