Ziyad Abou Amr, ministre palestinien des affaires étrangères
Ziyad Abou Amr : "Je suis surpris et impressionné par la vitesse de la
transformation du Hamas"
lundi 2 avril 2007
http://www.aloufok.net/article.php3?id_article=3785
Ziyad Abou Amr, ministre palestinien des affaires étrangères :
"Je suis surpris et impressionné par la vitesse de la transformation du
Hamas"
Espérez-vous, en France et en Europe, un soutien politique ou financier ?
Les deux. De notre point de vue, nous avons souscrit presque entièrement
aux conditions de la communauté internationale, y compris la
reconnaissance d’Israël et la renonciation à la violence. Le
gouvernement s’engage à honorer les accords signés entre l’OLP et
Israël.
De quels accords s’agit-il ?
En premier, la lettre de reconnaissance mutuelle signée entre l’OLP et Israël.
En second, les accords d’Oslo qui contiennent la renonciation à la
violence et l’engagement à trouver une solution négociée. Il n’y a rien
de plus explicite. Le gouvernement n’est pas celui du Hamas, ce dernier
n’en est qu’une partie, au même titre que le Fatah, les autres factions
et les indépendants. Le programme de ce gouvernement, auquel j’ai
contribué, n’est pas le programme d’une seule faction, il reflète un
consensus national. Si vous le lisez dans le détail, vous verrez même
qu’il s’agit d’un programme plutôt libéral et démocratique.
Il n’empêche, de nombreux pays attendent toujours du premier ministre
Ismaël Haniyeh les mots "je reconnais Israël".
Haniyeh appartient au Hamas et le Hamas ne reconnaît pas Israël, mais il
faut justement faire la part des choses entre le programme du Hamas et
celui de ce gouvernement.
J’attends beaucoup de la France, c’est l’un des premiers pays qui a
soutenu le gouvernement d’union et qui peut peser en faveur d’une
normalisation complète entre l’Europe et les Palestiniens. Je le répète,
ce qui compte est le gouvernement d’union, pas une faction particulière.
L’Europe a été toujours le premier soutien des Palestiniens. Sans les
Européens, l’Autorité palestinienne n’aurait pas pu survivre.
La France et l’Europe considèrent ce gouvernement comme un premier pas,
et seulement cela.
Ce qui faut aujourd’hui, c’est un encouragement, de la réciprocité, une
approche constructive. L’Europe doit être plus logique que les
Etats-Unis et Israël. Au cours des derniers mois, les Palestiniens ont
beaucoup avancé, la réponse doit être de les soutenir pour parvenir à de
nouveaux pas en avant et non la répétition des anciennes positions, le
maintien de l’embargo et des mesures punitives. Israël et les Etats-Unis
font comme si rien n’était arrivé.
Vous étiez au sommet de la Ligue arabe à Riyad, l’initiative de paix qui
y a été réaffirmée a-t-elle vocation à remplacer la "feuille de route"
(un plan international qui aurait dû conduire à un Etat palestinien en
2005) ?
La "feuille de route" comporte trop de lacunes. Avec l’initiative arabe
(qui prévoit la normalisation avec Israël en échange, notamment, de son
retrait des territoires occupés depuis 1967), la fin du processus est
claire, le mécanisme l’est tout autant et on peut aller très vite. Cette
initiative semble désormais plus attractive. Les Arabes sont sérieux et
ils sont disposés à s’engager dans des négociations avec Israël. Le
problème aujourd’hui, et de plus en plus de gens le découvrent, en
Europe et peut-être même aux Etats-Unis, c’est, en revanche, que les
Israéliens ne semblent pas prêts à négocier un statut permanent avec les
Palestiniens et avec les Arabes.
Vous êtes depuis longtemps, de par votre travail universitaire et votre
carrière politique, l’un des meilleurs connaisseurs du Hamas, quel
regard portez-vous sur lui, aujourd’hui ? Peut-il changer ?
Je dois avouer que je suis à la fois surpris et impressionné par la
vitesse et la magnitude de la transformation du Hamas. Il y a un an, ce
mouvement n’aurait jamais accepté un Etat palestinien dans les
frontières de 1967. Il n’aurait jamais accepté que l’OLP soit
officiellement le seul représentant des Palestiniens habilité à
négocier. Le Hamas reconnaît aujourd’hui des résolutions
internationales, des résolutions arabes...
Quand on va à cette vitesse en un an, cela m’amène à penser que ce
mouvement est prêt à évoluer. Le Hamas a compris les règles de la
politique, qu’elle a ses impératifs, et il est prêt à en payer le prix,
en connaissance de cause, pour être partie prenante du système. Il
aurait pu se retirer, il ne l’a pas fait.
N’est-ce pas une tactique pour évincer le Fatah ?
Aucun des deux, le Hamas ni le Fatah, ne pourra évincer l’autre, ni
politiquement ni par la violence. La dernière confrontation les a
d’ailleurs directement conduits à un système de partage de pouvoir et à
des compromis. L’un et l’autre ont beaucoup perdu dans les
affrontements. Ils ont compris que c’est un jeu perdant-perdant. Il
pourra rester des problèmes ici ou là, mais je ne redoute pas
aujourd’hui une reprise de la violence, d’autant que les réponses
positives (à l’extérieur) au gouvernement d’union vont permettre
d’améliorer la situation sur le terrain.
Propos recueillis par Gilles Paris - Le Monde du 03 Avril 2007