Un collectif d'intellectuels juifs

Carte blanche (1); Le Soir du 15 mars 2007

Juifs de toutes origines, nous voulons faire entendre notre voix face au conflit israélo-palestinien. Nous avons en commun un attachement à la justice sociale et aux droits de l'Homme. Nous pensons que les prises de position des institutions juives de ce pays au sujet du Proche-Orient ne reflètent guère l'opinion d'un grand nombre de personnes qu'elles prétendent représenter. Nous affirmons que, dans toute communauté, des groupes doivent se sentir libres d'exprimer leurs propres opinions sans que l'on utilise à leur égard le reproche de déloyauté.

Pendant les quarante dernières années au cours desquelles le conflit s'est enlisé, les peuples israélien et palestinien ont enduré des souffrances inutiles qui n'ont pas engendré jusqu'à ce jour l'esquisse d'un processus accepté par les deux parties et pouvant mener à une paix juste et viable. Face à cet échec qui menace chaque jour un peu plus la stabilité du Moyen-Orient et l'avenir de ces deux peuples, il nous paraît nécessaire, en vue d'endiguer la violence et de définir l'amorce d'une solution d'affirmer les principes suivants:

1.         Les droits de l'Homme sont universels et indivisibles et doivent être respectés sans exception aucune. Cela s'applique à Israël, à la Palestine occupée, comme partout ailleurs;

2.         La paix et la stabilité exigent que toutes les parties engagées dans le conflit respectent les règles du droit international et les résolutions des Nations-Unies;

3.         Les Palestiniens comme les Israéliens ont le droit de vivre en sécurité, ont le droit à un État et à la reconnaissance internationale d'un gouvernement autonome démocratiquement élu;

4.         Il n'y a aucune circonstance qui permette de justifier le racisme, qu'il soit antiarabe ou antisémite.

Ces principes sont contredits lorsque ceux qui s'attribuent le droit de parler au nom des Juifs, en Belgique ou dans d'autres pays, soutiennent systématiquement, pour des raisons d'allégeance identitaire, la politique du gouvernement israélien. Ils banalisent le racisme en qualifiant d'antisémitisme l'opposition à cette politique. Ils légitiment enfin l'oppresion d'un peuple et l'occupation de son territoire par une armée étrangère. Les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza affrontent des conditions de vie intolérables. Nous déclarons notre soutien à une paix négociée et sommes opposés à toute tentative du gouvernement israélien d'imposer ses propres solutions.

Il est impératif et urgent qu'en Europe des voix juives et indépendantes s'expriment de manière cohérente sur ce sujet et influent sur les politiques des États de l'Union  européenne. Nous nous réclamons d'une tradition juive d'attachement à la liberté, aux droits de l'Homme et à la justice. Ce sont les leçons que notre propre histoire nous a apprises qui nous guident et qui justifient notre devoir d'intervention en vue de l'application des droits issus de ces valeurs en faveur des Palestiniens comme des Israéliens.

Nous invitons tous ceux qui s'estiment concernés par notre appel à nous rejoindre. Un appel similaire, signé notamment par les écrivains Harold Pinter (prix Nobel), Susie Orbach et Jimmy Diski, les cinéastes et acteurs stephen Fry, Mike Leigh, l'historien Eric Hobsbawm, vient d'être lancé en Grande-Bretagne. Une initiative semblable est prise en France.

Marc Abramowicz, psychothérapeute, fondateur d'Aimer à l'ULB; Jacques Aghion, professeur à l'ULg; Jacques aron, architecte-urbaniste; Mateo Alaluf, professeur à l'ULB; Mylène Baum, professeur à l'UCL; Marianne Berenhaut, sculpteur; Michel Deroover, psychiatre; Henri Eisendrath, professeur à la VUB; Vincent Engel, écrivain; Willy Estersohn, journaliste; Isi Fiszman, consultant; Stéphane Ginsburgh, musicien; Victor Ginsburgh, professeur à l'ULB; Henri Hurwitz, professeur à l'ULB; José Gotovitch, professeur à l'ULB; Leon Ingber, professeur à l'ULB; Dan Kaminski, professeur à l'UCL; Paul Mandel, professeur à l'ULB; Pascal Polar, directeur de galerie d'art; Simone Suskind, Présidente Actions in the Mediterranean, Docteure Honoris Causa de l'ULB; Esther Vamos, professeur à l'ULB; Henri Wajnblum, rédacteur en chef de Points critiques