FREE PALESTINE
10 mars 2007

Les machines-outils de Naplouse et de l’industrie militaire israélienne

roguestateisrael

Idan Landau

Ynet [Yediot Aharonot], 27 février 2007

www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-3370223,00.html 

Version anglaise : We also target civilians

www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3370915,00.html 

Les obus de char fabriqués par Israël ne servent pas des objectifs plus nobles que les tuyaux chargés d’explosifs de la Casbah

La station de télévision « al-Sanabel » de Naplouse a été à deux doigts de diffuser une information exclusive : une unité d’élite des Martyrs d’Al-Aqsa a opéré un raid, au petit jour, sur une usine de l’industrie militaire israélienne de la plaine côtière et y a découvert des laboratoires sophistiqués pour la fabrication d’armes. Parmi les armes qui ont été confisquées, il y a 300 missiles air-sol pour hélicoptères, 20 tonnes de plastic, un bulldozer blindé et six chars Merkava IV. Dans la suite de cette information qui a failli être diffusée, il était précisé qu’un équilibre stratégique avait ainsi été atteint par rapport aux laboratoires de fabrication d’armes découverts lors de l’invasion de Naplouse où ont été confisqués cinq tuyaux chargés d’explosifs, une roquette anti-char LAW, une grosse charge explosive et encore quatre sacs d’engrais utilisé dans la préparation d’explosif.

On l’a dit : cette information n’a pas été diffusée. Non seulement parce que les laboratoires de l’industrie militaire israélienne n’ont pas été découverts mais aussi parce que « al-Sanabel » a été mis au chaumage. L’armée israélienne a arrêté le directeur de la station et a confisqué son matériel de diffusion. Pourquoi l’armée israélienne s’attaque-t-elle à des journalistes et à des médias ? Question apparemment sans intérêt, quasi immorale dans le climat actuel. Pourquoi l’armée israélienne a-t-elle imposé un blocus à l’hôpital gouvernemental de Naplouse et empêché l’évacuation des blessés vers celui-ci ? Pourquoi l’armée israélienne a-t-elle pris le contrôle d’une école et l’a-t-elle transformée en un centre d’interrogatoire des services de la Sécurité Générale [Shabak] ? Quel péché Anan al-Tabibi avait-il commis pour qu’un tireur d’élite lui tire une balle dans la tête alors qu’il se trouvait chez lui, dans la cour de sa maison ? Ce sont, là encore, des questions irrationnelles. Il y a la guerre et à la guerre, on n’est pas trop tatillon sur le respect et la vie des civils. Mais justement non : ce n’est pas une guerre mais l’invasion, unilatérale, d’une ville palestinienne, et d’ailleurs, même dans les situations de guerre, il y a interdiction explicite de porter inutilement atteinte à la population civile. Dans l’armée israélienne, on n’en a pas entendu parler ; la population palestinienne, avec ses biens et ses besoins, a la transparence de l’air pour les forces d’invasion.

Difficile d’imaginer que quelqu'un ait été consterné par la découverte des laboratoires d’armes de Naplouse. Plus difficile encore de croire que quelqu'un ait été ébranlé par la menace stratégique que faisaient peser sur l’Etat d’Israël, par leur quantité et leur qualité ridicules, les armes qui ont été confisquées. Et au fond, qu’espérions-nous ? Que les Palestiniens accueilleraient nos bombardements aériens et les tirs de nos chars poitrine découverte et avec un rameau d’olivier ? C’est un conflit violent et chaque camp veille à s’armer jusqu’aux dents. Les obus de char que fabrique l’industrie militaire israélienne ne servent pas des objectifs plus nobles que les tuyaux chargés d’explosifs de Naplouse. Les uns comme les autres sont employés, avec préméditation et arbitrairement, contre des civils innocents. Il n’y a qu’une différence de puissance : on ne peut comparer les dommages énormes que la technologie militaire israélienne inflige aux villes de Cisjordanie avec les dommages limités que le terrorisme palestinien occasionne dans les villes d’Israël. Beaucoup d’Israéliens s’accrochent à cette justification éculée : « oui, mais nous ne visons pas délibérément les civils. Eux bien ». Après 5.000 Palestiniens tués (dont un millier de mineurs d’âge), 50.000 blessés, 30.000 maisons détruites et 13 millions (!) d’oliviers arrachés, cette justification sonne comme une mauvaise blague. Point à la ligne. Il vaudrait mieux se taire de honte.

On dit, chez nous, que le terrorisme n’a pas besoin d’un prétexte, mais seulement d’une occasion. Il semble bien que les incursions périodiques de l’armée israélienne dans les villes de Cisjordanie et les vastes destructions qu’elles laissent sur leur passage n’aient pas non plus besoin d’un prétexte. Et pourtant, il est difficile de ne pas faire de lien entre l’activité militaire actuelle et la stagnation politique qui l’entoure, en particulier ces dernières semaines. En un temps étonnamment court, le gouvernement Olmert est parvenu à claquer à peu près toutes les portes possibles d’un dialogue avec le monde arabe. L’accord de la Mecque « n’a pas rempli ses engagements », murmurait-on à Jérusalem ; avec les Syriens, il est interdit d’établir ne fût-ce que les premiers contacts, pour ne pas irriter le grand frère Bush ; même la libération de Gilad Shalit ne constitue pas une urgence suffisante pour le gouvernement. Les émissaires diplomatiques se démènent dans les capitales européennes et au Caire, Condoleezza fait la navette et refait la navette, et tout est à l’arrêt. En réalité, il y a des choses qui bougent. Ce sont d’ailleurs toujours les mêmes qui vont de l’avant : les colonies. Plus de mille nouveaux commencements de construction ; le bureau central de la police qui a été construit récemment en zone 1E, et qui est destiné à relier Maale Adoumim à Jérusalem et à couper définitivement l’un de l’autre le nord et le sud de la Cisjordanie ; et la clôture qui continue de s’étendre à l’est.

Tout ça est déplaisant, vraiment déplaisant. Olmert et Peretz s’assoient et travaillent dur : comment sortir de ce cafouillage ? Dans le monde, on commence déjà à douter de la volonté d’Israël de parvenir à un accord de paix. Le public israélien est frappé d’ennui, fatigué déjà des Zeiler et autres Winograd. A peine si le coup hasardeux d’Esterina Tartman a fait les titres pendant un jour et demi. C’est alors que Gabi Ashkenazi, chef d’état-major, entre en trombe, le regard étincelant : « J’ai une idée ! On pourrait peut-être envahir Naplouse ? On fait sauter quelques maisons et on revient avec cinq tuyaux chargés d’explosifs : le monde verra à quel rebut nous avons affaire et le peuple d’Israël retrouvera sa fierté ». Hmmm, dit Olmert. Hmmm, convient Peretz.

Idan Landau est professeur de linguistique à l’université Ben Gourion, dans le Néguev

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys) 

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