FREE PALESTINE
30 janvier 2007

Comment Israël pratique « la séparation démographique

Carter n'en dit pas la moitié

Comment Israël pratique « la séparation démographique »

Jonathan Cook

Counterpunch, le 19 janvier 2007

http://www.counterpunch.org/cook01192007.html

Nazareth

Quand j'ai publié mon livre Blood and Religion, l'année dernière, je n'ai pas cherché seulement à expliquer ce que cachait la politique israélienne depuis l'échec des négociations de Camp David il y a près de 7 ans, avec le désengagement de Gaza et la construction du mur en Cisjordanie, mais j'ai aussi avancé quelques suggestions à propos de ce qu'Israël pourrait engager par la suite.

Faire des prédictions sur le conflit israélo-palestinien peut être vu comme particulièrement dangereux mais j'étais loin d'imaginer à quel point mes craintes allaient se réaliser.

Une de mes principales prévisions dans le livre était que les Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte - ceux qui actuellement jouissent de la citoyenneté israélienne et ceux qui vivent opprimés sous l'occupation israélienne - trouveraient bientôt une cause commune alors qu'Israël, de son côté, tente de contrer ce qu'il appelle la « menace démographique » palestinienne ; c'est-à-dire, le moment où les Palestiniens seront plus nombreux que les juifs sur le territoire qui va de la mer Méditerranée jusqu'au fleuve du Jourdain.

Je suggérais que la plus grande crainte d'Israël était d'avoir à gouverner une population majoritaire de Palestiniens et de se trouver comparé à l'Afrique du Sud de l'apartheid, un sort qu'il a connu plus vite que je m'y attendais avec la récente publication du livre de Jimmy Carter, Palestine : Paix ou Apartheid. Pour échapper à une telle comparaison, écrivais-je, Israël est en train de construire une « forteresse juive », se séparant - au moins démographiquement - des Palestiniens dans les Territoires occupés en isolant Gaza par le retrait de sa population de colons et en construisant un mur de 750 km pour annexer de larges secteurs de la Cisjordanie.

Il a également fermé la dernière issue qui restait pour le droit au retour des Palestiniens en modifiant la loi afin de rendre impossible tout mariage de Palestiniens vivant en Israël avec des Palestiniens des Territoires occupés qui auraient pu alors obtenir la citoyenneté.

Le corollaire de cette forteresse juive, avais-je suggéré, sera une parodie d'Etat palestinien, une série de ghettos déconnectés les uns des autres qui empêcheront la résistance palestinienne - non violente ou autre - d'être efficace tout en étant pour l'armée israélienne un prétexte pour attaquer ou opérer des incursions à son gré, prétendant faire front à un « Etat ennemi » dans une guerre conventionnelle.

Un autre avantage pour Israël s'il peut imposer un tel règlement sera de pouvoir dire à tous les Palestiniens qui s'identifieraient eux-mêmes comme tels - qu'ils soient des Territoires occupés ou d'Israël - d'aller exercer maintenant leurs droits souverains dans leur Etat palestinien et de renoncer à toute revendication sur l'Etat juif. La menace d'apartheid serait ainsi esquivée.

J'avais ébauché quelques voies possibles par lesquelles Israël pouvait arriver à cette fin :

a.. en redessinant les frontières, à l'aide du mur, de sorte que le secteur densément peuplé de citoyens palestiniens en Israël, connu sous le nom de Petit Triangle, qui côtoie le nord de la Cisjordanie, soit intégré dans le pseudo Etat ;

b.. en continuant le processus d'enfermement des fermiers bédouins du Néguev dans des réserves urbaines et en les traitant comme des travailleurs immigrés ;

c.. en obligeant les citoyens palestiniens vivant en Galilée à faire serment de loyauté à l'égard d'Israël en tant qu' « Etat juif et démocratique » ou à perdre leur citoyenneté ;

d.. et en dépouillant les membres arabes de la Knesset de toute éligibilité.

Les Israéliens glissent toujours plus à droite

Pendant que je faisais ces prévisions, je me doutais que de nombreux observateurs, même parmi le mouvement de solidarité avec les Palestiniens, estimeraient improbable leur réalisation. Je ne pouvais pas imaginer à quel point la réalité allait vite dépasser la prédiction.

Le premier signe est apparu en octobre avec l'arrivée au gouvernement d'Avigdor Lieberman, chef d'un parti qui défend le nettoyage ethnique non seulement des Palestiniens des Territoires occupés (ce qui est banal pour un parti israélien) mais des citoyens palestiniens d'Israël également, par l'échange de territoires contre les colonies juives illégales en Cisjordanie.

Lieberman n'est pas seulement ministre ; il a été nommé vice-Premier ministre avec la responsabilité des « menaces stratégiques » auxquelles est confronté Israël. Dans ce rôle, il pourra déterminer ce qui doit être considéré comme menaces et ainsi élaborer un agenda public pour toutes les années à venir. Le « problème » des citoyens palestiniens d'Israël est certain d'être considéré comme l'une des premières menaces.

Lieberman est souvent présenté comme un politique non-conformiste, à l'instar du rabbin raciste notoire, Meir Kahane, dont le parti Kash a été interdit à la fin des années 80. Mais c'est un profond malentendu : Lieberman, lui, est au cour même de l'establishment de droite du pays et sera presque certainement candidat à la fonction de Premier ministre aux prochaines élections, car les Israéliens glissent toujours plus à droite.

A la différence de Kahane, Lieberman a su adroitement rester dans le courant politique dominant en Israël tout en poussant son programme jusqu'à la limite du possible aujourd'hui. Le parti Kadima et le parti Travailliste veulent instamment la séparation unilatérale d'avec les Palestiniens mais ils craignent d'expliquer clairement à leur électorat respectif et à la communauté internationale la nature de cette séparation.

Lieberman n'a pas de tels scrupules. Il est sans équivoque : si Israël se sépare des Palestiniens dans certains secteurs des Territoires occupés, pourquoi ne pas se séparer également du 1,2 million de Palestiniens qui, par inadvertance plutôt que par choix, se sont retrouvés citoyens de l'Etat juif en 1948 ? Si Israël veut être une forteresse juive, alors - fait-il remarquer - il est illogique de laisser des Palestiniens à l'intérieur des fortifications.

Ces arguments expriment un état d'esprit courant dans l'opinion israélienne, alimenté depuis le déclanchement de l'Intifada en 2000 par les déclarations incessantes des élites militaires et politiques sur la « séparation démographique ». Les sondages d'opinion montrent qu'environ deux tiers des Israéliens sont favorables au transfert, qu'il soit volontaire ou forcé, des citoyens palestiniens hors de leur Etat.

Des sondages récents indiquent aussi à quel point le racisme s'est développé en Israël. L'un d'eux montrait l'an dernier que 68 % des juifs israéliens ne voudraient pas vivre en côtoyant un citoyen palestinien (ils le doivent rarement du fait d'une ségrégation largement imposée par les autorités), et que 46 % ne voudraient pas voir un arabe entrer chez eux.

Un sondage chez les étudiants, publié seulement la semaine dernière, semble indiquer que le racisme est même plus fort parmi les jeunes juifs. Les trois quarts croient que les citoyens palestiniens sont incultes, non civilisés et sales, et un tiers en ont peur. Selon Richard Kupermintz de l'université d'Haïfa, qui a réalisé le sondage il y a plus de deux ans, les réponses seraient encore plus extrêmes aujourd'hui.

Lieberman surfe simplement sur la vague d'un tel racisme et fait remarquer que la séparation inévitable doit être mise en oeuvre si elle doit satisfaire ces préjugés. Il exprime plus son opinion que ne le font ses collègues ministres mais ceux-ci partagent sa vision de l'avenir. C'est d'ailleurs pourquoi, un seul ministre, le pacifique et homme de principe, Ophir Pines Pas du Parti travailliste, a démissionné quand Ehud Olmert a fait rentrer Lieberman dans son cabinet.

Quel contraste avec le tumulte provoqué par la proposition du travailliste Amir Peretz pour faire nommer le premier ministre arabe de l'histoire d'Israël ! (Un membre de la petite communauté druze, servant dans l'armée israélienne, Salah Tarif, a été brièvement ministre sans portefeuille dans le premier gouvernement Sharon.)

Raleb Majadele, musulman, est un membre important du Parti travailliste et un sioniste (dont on pourrait dire, en des circonstances différentes, qu'il est un arabe qui se déteste ou un Oncle Tom), mais sa désignation a brisé un tabou israélien : que les arabes ne sont pas censés monter trop près des centres du pouvoir.

La décision de Peretz a été totalement cynique. Il est maintenant confronté à des menaces de tous côtés : de ses partenaires de la coalition - Kadima et Yisrael Beitenou de Lieberman - comme de l'intérieur de son propre parti - et il a besoin désespérément du soutien des membres arabes du Parti travailliste. Majadele est capital et c'est pourquoi Peretz lui a donné un poste au cabinet, même marginal : aux Sciences, à la Culture et aux Sports.

Mais la droite a été profondément contrariée par l'entrée de Majadele dans le cabinet ministériel. Lieberman a déclaré que Peretz démontrait son incompétence en tant que ministre de la Défense en nommant Majadele et en demandant qu'il jure d'être loyal à Israël en tant qu'Etat juif et démocratique. Les collègues du parti de Lieberman ont qualifié cette nomination de « coup mortel au sionisme ».

Peu de députés travaillistes et du Meretz ont dénoncé le racisme de telles réactions. Mais plus parlant était le silence d'Olmert et de son parti, Kadima, comme celui du Likoud de Binyamin Netanyhu, devant l'accès de colère de Lieberman. Le centre et la droite ont bien compris que les opinions de Lieberman sur Majadele, et sur les citoyens palestiniens en général, reflétaient celles de la plupart des juifs israéliens et qu'il serait imprudent de lui reprocher de les avoir exprimées, et encore moins de demander son renvoi.

Dans ce jeu « à qui sera le plus véritable sioniste », Lieberman ne peut que gagner contre ses anciens collègues de Kadima et du Likoud. Parce qu'il se sent libre de parler de ses idées comme des leurs et qu'eux doivent sauver les apparences, il va gagner une estime toujours plus grande dans l'opinion israélienne.

En attendant, il est évident qu'Olmert et le gouvernement actuel vont mettre en application la politique avancée par Lieberman, même s'ils sont trop timorés pour l'admettre ouvertement.

Loyauté à Israël, en tant qu'Etat "juif et démocratique"

Certains aspects de cette politique nous sont familiers maintenant, telle la destruction des 21 maisons des Bédouins - la moitié du village de Twayil dans le nord du Néguev - la semaine dernière. C'était la seconde fois en un mois que le village était rasé par les forces de sécurité israéliennes.

Ce genre d'attaques officielles contres les indigènes bédouins - accusés par le gouvernement de « squatter » des terres d'Etat - est fréquent, il s'agit d'une démarche pour obliger les 70 000 Bédouins à quitter leurs maisons ancestrales et de les recaser dans des townships privées. Un évènement plus révélateur s'est produit ce mois-ci cependant : les médias israéliens ont fait savoir que le gouvernement soutenait pour la première fois un projet de loi sur la « Loyauté », projet présenté en privé par un député du Likoud. Le projet de Gilad Erdan permettra de retirer la citoyenneté à tout Israélien qui commettrait « un acte constitutif d'infraction à la loyauté à l'égard de l'Etat » ; c'est le dernier de toute une série de projets déposés par des députés juifs pour faire cadrer la citoyenneté sur la loyauté à l'égard de l'Etat israélien, celui-ci étant très strictement défini comme Etat « juif et démocratique ».

Les députés arabes, qui rejettent toute nature ethnique à Israël et exigent que le pays devienne un « Etat pour tous ses citoyens » ou une démocratie libérale, sont, comme d'habitude, dénoncés comme traîtres.

Lieberman lui-même avait fait une telle proposition sur la loyauté à exiger des citoyens palestiniens, le mois dernier, pendant un voyage à Washington. Il avait déclaré aux dirigeants des juifs américains : « Celui qui n'est pas disposé à reconnaître Israël comme Etat juif et sioniste ne peut pas être un citoyen de ce pays. »

Le projet Erdan précise quels sont les actes de déloyauté, et notamment, se rendre dans un « Etat ennemi », ce qui signifie pratiquement tous les Etats arabes. La plupart des observateurs estiment qu'une fois que le projet Erdan aura été retravaillé par le ministère de la Justice, il ne visera que les députés arabes, lesquels sont de plus en plus menacés. La plupart d'entre eux ont été soumis à enquête par le ministre de la Justice pour n'importe quel propos soutenant les Palestiniens des Territoires occupés ou pour s'être rendus dans les Etats arabes voisins. L'un d'entre eux, Azmi Bishara, a été inculpé à deux reprises pour ces faits.

En attendant, les députés juifs sont autorisés à proférer les pires déclarations racistes contre les citoyens palestiniens, la plupart du temps sans être contredits. L'ancien ministre Effi Eitam, par exemple, déclarait en septembre : « L'immense majorité des arabes de Cisjordanie doivent être expulsés... Nous devons prendre une autre décision, exclure les arabes israéliens de notre système politique... Nous avons entretenu une cinquième colonne, un groupe de traîtres au premier degré. » Il a été « mis en garde » par le ministre de la Justice à cause de ces propos (bien qu'il ait exprimé des opinions semblables plusieurs fois auparavant) mais sans être sanctionné, pour lui l'avertissement était une tentative pour le réduire au « silence ».

Le chef de l'opposition et ancien Premier ministre, Benjamin Netanyahou, le politicien le plus populaire si l'on en croit les sondages en Israël, s'est exprimé avec des sentiments également racistes ce mois-ci, déclarant que la diminution de l'allocation familiale qu'il avait décidée en tant que ministre des Finances en 2002, avait eu un effet « positif » en réduisant le taux de naissance dans la population palestinienne.

Les députés arabes, bien sûr, ne bénéficient pas d'une telle compréhension quand ils s'expriment, beaucoup plus légitimement, pour soutenir leurs familles, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza qui subissent l'occupation illégale d'Israël. Le député arabe, Ahmed Tibi, par exemple, a été joliment condamné la semaine dernière par les partis juifs, y compris celui le plus à gauche, le Meretz, pour avoir appelé le Fatah à « poursuivre le combat » pour l'établissement d'un Etat palestinien.

Cependant, la campagne d'intimidation menée par le gouvernement et les membres juifs de la Knesset n'arrivent pas à faire taire les députés arabes et ne les empêchent pas d'aller dans les Etats voisins, c'est pourquoi la pression monte. Si le projet Erdan est voté - ce qui est possible avec l'appui du gouvernement -, alors, les députés arabes et la minorité qu'ils représentent seront coupés du reste du monde arabe une fois encore (comme ils l'ont été dans les deux premières décennies de l'existence d'Israël quand un gouvernement militaire le leur a imposé) ou seront menacés de perdre leur citoyenneté pour déloyauté (une sanction, il faut le noter, qui est illégale selon les dispositions du droit international).

Il serait peut-être trop fantaisiste d'imaginer que l'actuelle législation soit étendue pour traiter d'autres cas d' « infractions à la loyauté », telles que demander des réformes démocratiques en Israël ou contester qu'un Etat juif puisse être démocratique. Pourtant, techniquement, c'est déjà le cas avec la loi électorale d'Israël qui interdit aux partis politiques, dont les partis arabes, de défendre un programme qui nie l'existence d'Israël en tant qu'Etat « juif et démocratique ».

D' "entité hostile" à "entité ennemie"

Bientôt, les députés arabes et leurs électeurs pourront se voir retirer leur citoyenneté pour avoir fait campagne, comme beaucoup actuellement, pour un Etat de tous les citoyens. C'est certainement ce que pense l'éminent historien israélien, Tom Segev, qui a argué, suite à l'approbation du projet de loi par le gouvernement : « En pratique, la loi proposée risque de transformer tous les citoyens arabes en citoyens sous conditions, après qu'ils soient déjà devenus, à bien des égards, des citoyens de seconde classe. Toute tentative d'exprimer une alternative à la réalité sioniste risque d'être interprétée comme un « manquement à la confiance » et d'être un prétexte pour les dépouiller de leur citoyenneté. »

Il serait invraisemblable de s'arrêter là. J'hésite à faire une autre prédiction mais, étant donné la rapidité avec laquelle les précédentes se sont réalisées, ce pourrait être le moment de se hasarder à prévoir la prochaine action d'Israël.

L'autre jour, j'étais à un check-point près de Naplouse, l'un de ceux qui ont été transformés par Israël en ce qui ressemble curieusement à des passages de frontières internationales, bien qu'ils se trouvent profondément à l'intérieur du territoire palestinien.

On m'avait dit que les citoyens palestiniens d'Israël étaient autorisés à passer ces check-points sans problème pour aller dans des villes comme Naplouse pour y voir des parents. (Ces rapports familiaux sont un héritage de la guerre de 1948, quand les réfugiés palestiniens se sont trouvés séparés des deux côtés de la Ligne verte, et aussi des mariages après 1967, quand Israël a occupé la Cisjordanie et Gaza avec des contacts commerciaux et sociaux qui étaient encore possibles). Mais, quand les citoyens palestiniens essaient de quitter ces villes via ces check-points, ils sont invariablement arrêtés et reçoivent un courrier des autorités israéliennes les avertissant qu'ils seront inculpés s'ils sont repris visitant un territoire « ennemi ».

En avril de l'année dernière, lors de la réunion du cabinet où le gouvernement israélien avait approuvé l'expulsion des députés Hamas de Jérusalem vers la Cisjordanie, les ministres avaient débattu d'un changement de classification de l'Autorité palestinienne, pour la passer d'« entité hostile » à la catégorie plus dure d' « entité ennemie ». La question avait été écartée pour le moment parce que, comme l'a déclaré un officiel aux médias israéliens, « il y a des implications juridiques internationales dans une telle position, notamment la fermeture des passages frontaliers, ce que nous ne voulons pas faire encore. »

Est-ce trop de supposer qu'avant peu, quand Israël aura terminé le mur en Cisjordanie et ses terminaux « frontaliers », l'Etat juif rangera les visites des citoyens palestiniens à leurs parents dans la catégorie des « visites à un Etat ennemi » ? et que de telles visites seront des motifs pour le retrait de leur citoyenneté, comme pourraient l'être en vertu du projet de loi Erdan les visites des citoyens palestiniens à leurs parents de Syrie ou du Liban ?

Lieberman, assurément, connaît déjà la réponse.

Jonathan Cook est écrivain et journaliste, il vit à Nazareth, en Israël. Son livre Blood and Religion : The Unmasking of the Jewish and Democratic State est publié par Pluto Press. Son site : http://www.jkcook.net.

(Traduction de l'anglais : JPP.)

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