FREE PALESTINE
19 décembre 2006

Entretien avec Khaled Meshaal.

Khaled_Meshaal

Hamas est prêt à reconnaître Israël dans les frontières de 1967

par Rainer Rupp

Mondialisation.ca, Le 18 decembre 2006

NOUS VOULONS LA PAIX

Sur la reconnaissance de la force d’occupation Israël, les problèmes de Hamas et la constitution d’un gouvernement palestinien d’unité nationale et l’interventionnisme de la CIA.
Khaled Meshaal, est le dirigeant politique du Mouvement Hamas qui a obtenu, lors des premières élections libres et démocratiques en Palestine, la large majorité des voix. Le ministre de l’intérieur israélien, Haim Ramon, avait, cet été 2006 publiquement confirmé l’appel au meurtre contre Meshaal. C’est en 1997 que cet homme politique de Hamas a survécu, dans Amman, la capitale Jordanienne, avec beaucoup de chance un attentat du Mossad, le service secret israélien. En ce moment Khaled Meshaal, a trouvé, sous des conditions de sécurité extrêmement sévères, asile à Damas, la capitale syrienne.
Khaled Meshaal, est un des co-fondateurs de Hamas. Le physicien est marié et père de trois filles et de quatre fils.

M. Meshaal, comme homme politique à la tête de Hamas vous vous trouvez en première ligne sur la liste du service secret israélien. Comment êtes vous devenu membre du mouvement de résistance islamique ?
J’en ai fait partie dés le début. Quand le mouvement Hamas a été créé, j’avais juste 31 ans. Je faisais partie de ceux, qui étaient en train de créer des succursales à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine. Mais, en fait, l’idée de créer un mouvement, comme celui de Hamas, revient à la deuxième moitié des années 70. Les discussions internes et les consultations perdurent depuis plus de dix ans, avant que nous soyons en mesure de créer le mouvement. Déjà, jeune étudiant à l’université de Koweit, cette idée travaillait mon cœur et mon cerveau. À l’âge de 21 j’étais représentant du mouvement islamique et du conseil général des étudiants.
Depuis des années certains media dans les pays occidentaux rapportent que les services secrets israéliens auraient prêté main forte à la création de Hamas. Je pense que vous connaissez ces histoires?
Malheureusement ces rumeurs sont propagées par quelques Arabes - par quelques Arabes palestiniens. Il s’agit là d’une tentative de discréditer notre mouvement. Mais ces allégations sont tellement ridicules que nous ne nous donnons pas la peine de les démentir. Cela manque simplement de la logique. Pourquoi Israel devrait-il avoir aidé une organisation qui, ensuite, combat Israël? Comment est-ce possible?
Il est dit qu’Israël aurait aidé à la création du Hamas, en comptant, par ce fait, sur une scission de la résistance palestinienne et un affaiblissement du Fatah séculaire.
Pendant les années 70 le mouvement du Fatah constituait la force principale contre Israël. En conséquence Israël concentrait son combat contre le Fatah et contre quelques autres groupes palestiniens, plus petits. Dans cette période, le Hamas n'était pas encore fondé et était seulement sur les rails. Nous avions seulement commencé à construire notre base sociale. Pendant cette période nous nous occupions exclusivement des affaires sociales, de l’organisation de l’aide aux malades, de ceux, privés de leurs droits et de la construction des hôpitaux et des écoles. Pendant ce temps, nous nous limitions à des actions pacifiques. C’est pour cela, qu’Israël n’entreprenait rien contre nous.
A l’époque, les Israéliens ne savaient pas encore, ce qui nous motivait. Car, en secret nous étions déjà en train de nous entraîner et de nous préparer à nos projets de résistance. Parce qu’Israël ne voyait pas ce danger venant du Hamas, il se dirigeait contre d’autres brigades en non contre nous. C’est cette inactivité contre nous qui est citée, par certains groupes d’Arabes palestiniens, pas tout à fait amicaux à notre égard, comme «preuve» qu’Israël a aidé à la naissance de Hamas.
Les relations de Hamas envers le Fatah sont, en ce moment, exposées à de grandes tensions. Quelles chances voyez-vous encore pour la constitution d’un gouvernement d’unité nationale ?
A ce sujet il y a une atmosphère positive entre Hamas et Fatah. En Novembre, nous nous sommes entendus sur des principes d’un tel gouvernement d’unité nationale. Il est vrai que ces derniers temps des obstacles sont apparus. Premièrement il y avait des tentatives de la part du Fatah, de nous faire reculer dans un gouvernement de technocrates et ne pas nous emmener en avant vers un gouvernement d’unité nationale. De cette manière, le Hamas devait être limogé du gouvernement. Le deuxième obstacle consiste dans le fait qu’il n’y a pas suffisamment de garanties pour la suspension du blocus financier.
Des garanties de qui?
Oui, de la part des Etats Unis. – Nous avions un accord, que le blocus devait être levé, si, toutefois nous avions formé un gouvernement d’unité nationale. Le Hamas prend cela très au sérieux. Parce que nous voulons que les souffrances du peuple palestinien finissent. Mais, comme aux élections, nous avons obtenu la majorité des voix et nous sommes procurés la majorité des députés au Parlement, nous exigeons aussi l’influence majeure dans un gouvernement d’unité nationale. Maintenant nous vivons le dilemme qu’il existe des forces qui veulent nous le refuser.
Un problème clef, c’est la reconnaissance du droit d’existence d’Israël, qui est si souvent évoquée. Le gouvernement du Hamas, est-il disposé de revenir sur la position, à ce sujet ? Particulièrement parce que l’Ouest en a fait une conditio-sine-qua-non pour l’annulation du blocus contre le gouvernement palestinien, dirigé par le Hamas?
Je crois que l’Ouest a compris entre temps, que le Hamas ne va jamais reconnaître Israël. Comment pouvons-nous reconnaître celui qui occupe notre pays? Cela manque de logique. Je suis la victime. Je suis celui, qui n’est pas libre. Je suis celui, qui est obligé de vivre dans la diaspora, loin du chez-moi. Israël à reçu une nation des Nations Unis comme «fait accompli». Nous n’avons pas de Nation. Plus que la moitié des Palestiniens vit dans la diaspora, la plupart dans des camps de réfugiés. C’est à cause d’Israël, qu’ils ne peuvent pas revenir chez eux, et nous devons reconnaître Israël? Qui est fautif, nous ou Israël ?
La Théorie-de-Deux-Etats, que les Etats-Unis favorisent à présent, prévoit un état palestinien à côté d’un état israélien. Est-ce cela, aussi, absolument inacceptable pour Hamas?
Non, non. Mais, je dois insister que le Hamas va établir un état palestinien seulement à l’intérieur des frontières de 1967, ce qui inclut la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Ouest. Jusqu’à maintenant Israël ne reconnaît pas nos droits sur les territoires, occupés par elle-même. Tout ce que nous, les Palestiniens voulons, est la reconnaissance de ce droit. Au contraire, Israël continue de violer les droits palestiniens, et l’Ouest n’a pas la volonté d’arrêter Israël.
Même quand le Président US George W. Bush a parlé d’un état palestinien, il n’était pas particulièrement clair. Le Premier ministre Ariel Sharon et aussi récemment Ehud Olmert ont émis, en répondant à laproposition de Bush chacun de multiples réserves. Ils refusent un état israélien dans les frontières de 1967. Ils veulent un état Israël qui annexe des parties de Cisjordanie et Jérusalem-Ouest.
En fait, Bush avait donné son consentement à Israël de garder l’ensemble de Jérusalem. Et il avait convenu avec Sharon, de chercher, pour cela, un dirigeant approprié, qui accepterait tout ça.
Est-ce que je vous ai bien compris, que Hamas serait prêt à négocier avec Israël et à le reconnaître dans les frontières de 1967, avant qu’il ait commencé avec sa grande dépossession de terres en Palestine?
Bon, que c’est enfin clair.
Mais, dans les pays de l’Ouest en dit toujours, que le Hamas refuse toute forme de négociation avec Israël et qu’il ne pense à rien d’autre que de jeter des juifs dans la mer.
Cela n’est pas vrai. Tuer les juifs, cela n’est pas notre but. Depuis des siècles Juifs, Chrétiens, Musulmanes ont cohabité paisiblement en Palestine. Nous combattons Israël parce qu’il continue d’occuper notre pays et parce qu’il opprime nos hommes et femmes. Nous combattons Israël, pour qu’il arrête l’occupation. Nous voulons vivre libres sur notre terre, comme les autres Nations. Nous voulons notre propre terre, tout comme les autres peuples. Mais le mouvement sioniste est venu du monde entier, pour occuper notre terre. Et le vrai propriétaire a été chassé de sa terre. Telle est la source du problème.
Mais, pour toute une série de facteurs, nous acceptons maintenant un état palestinien à l’intérieur des frontières de 1967. Mais cela ne veut pas dire, que nous allons reconnaître Israël. Par contre, nous sommes prêts à conclure la paix avec Israël.
Mais, pourquoi pas de reconnaissance? Ne serait-il pas une source des tensions permanentes et un risque de guerre?
Non, il existe assez d’exemples, ou une non - reconnaissance ne veut pas automatiquement dire guerre. Prenez, par exemple, la Chine et Taiwan. Ils ne se sont pas reconnus mutuellement, mais ils exercent un intense commerce ente eux et ils coopèrent dans d’autres domaines. – Le fait est, que nous ne voulons pas légitimer, après coup, la création de l’état d’Israël, qui conditionne l’occupation de notre pays.
Il n’est pas un secret, que l’appareil de sécurité du Fatah palestinien est équipé et formé depuis des années par le service secret américain, la CIA. En conséquence ne peut-on raisonnablement supposer qu’un grand nombre de personnes dans le mouvement du Président palestinien Mahmud Abbas travaillent en secret pour les Américains et pour les Israéliens. Quelques-uns, il est possible, même dans les hautes positions? En quelle mesure pouvez-vous faire confiance dans le Fatah en cas d’un gouvernement d’unité nationale?
Nous connaissons ce problème suffisamment, ainsi qu’il est connu par la population palestinienne. Mais nous ne pouvons pas mettre tout le Fatah dans le même sac. Là aussi, vous trouvez des activistes avec une énorme motivation, et elle s’appelle«libération nationale». Ce sont eux, nos partenaires dans la résistance. Mais, bien sur il y a aussi ceux, dont vous avez parlé. Cela est un fait. Nous connaissons ce problème et nous nous en occupons. En plus, nos relations avec le Fatah ne sont pas telle, qu’elles doivent nécessairement être basées sur la confiance.
Pensez-vous, que ce problème est la raison pour laquelle les dirigeants du Fatah soulèvent tellement d’obstacles pour la formation d’un gouvernement d’unité nationale?
Cela est un des problèmes. Malheureusement, ces influences existent et cette pression de ceux, qui suivent un agenda extérieur et qui ont une influence négative sur la Palestine. Mais malgré ce fait, les forces patriotiques vont vaincre. Le peuple palestinien l’a affirmé avec ses élections démocratiques récentes.
Le Hamas est montré dans l’Occident comme un mouvement de fanatiques religieux, avec lesquels en ne peut pas négocier. D’autre part, votre mouvement a été invité à Moscou et il est, en Syrie, hôte d’un état séculaire. Comment voudrait-vous décrire «le vrai Hamas»?
L’image du fanatisme religieux à été fabriqué par Israël et le gouvernement américain. Il ne correspond pas aux faits. Malheureusement les medias occidentaux répètent machinalement les modèles israélo-américains, sans être prêt à venir en Palestine pour se faire eux-mêmes une image du Hamas. Nous sommes prêts au dialogue, mais beaucoup de medias préfèrent faire confiance à la propagande, aux rumeurs et au ouï-dire.
Les palestiniens nous font confiance, c’est aussi pour cela, que nous avons gagné les dernières élections. Le Hamas reflète les sentiments et les espérances du peuple palestinien. Si vous radiographiez le Hamas, vous ne trouverez pas une lueur de corruption. Par contre, vous allez constater, que le mouvement du Hamas est très proche du peuple et qu’il s’occupe de vrais besoins des gens. Et si le peuple de Palestine a voté pour le Hamas, la volonté du peuple devait être respectée, aussi par l’Ouest.
Mais que répondez-vous au reproche du fanatisme religieux?
Il est facile à démentir. Si Hamas était un mouvement de fanatiques religieux, il n’aurait pas été élu par le peuple palestinien. La société palestinienne n’est pas homogène. Nous coopérons avec beaucoup de groupes différents. A Gaza, par exemple, un médecin chrétien a été élu sur la liste du Hamas comme membre du nouveau Parlement. Dans sa circonscription, une majorité de chrétiens et de musulmans lui ont donné leur voix. Ils l’ont fait, car les idées de Hamas sont modérées. Nous pratiquons la tolérance avec tous. Et nous ne traitons des musulmans pas différemment des Chrétiens. Et cela est valable pour tous les autres, qu’ils soient religieux, libéraux ou séculaires, qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la Palestine. C’est pour cela que nous entretenons des bonnes relations avec les pays arabes, dans l’Europe et l’Afrique.
En Occident, on vous reproche surtout de commettre des actes de terrorisme dans votre combat contre Israël.
Non. Il existe une grande différence entre terrorisme et résistance. Nous sommes opposés au terrorisme. La résistance n’est pas du terrorisme. Ce qu’Israël fait, c’est du terrorisme, nous résistons. Notre combat est une réaction contre l’agression israélienne et contre l’occupation israélienne de notre pays. Nous avons le droit de résister et de nous défendre.
L’entretien a été réalisé par Rainer Rupp à Damas, Syrie en fin Novembre 2006.
Traduction française, de l’allemand, par Günter Schenk (avec approbation de l’auteur). La version allemande a été publiée dans le quotidien de Berlin d´une distribution nationale «junge Welt» le 16. Dec. 2006 :

http://www.jungewelt.de/2006/12-16/001.php

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