FREE PALESTINE
2 décembre 2006

Une certaine indécence…

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Henri Wajnblum

Article publié dans Points Critiques de décembre, le Mensuel de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique

Dans sa dernière livraison, Gérard Eizenberg, membre de La Paix Maintenant France, - dont je tiens à saluer le courage pour ses traductions d’articles de la presse israélienne très critiques à l’égard de la politique du gouvernement, entre autres ceux d’Amira Hass, de Gideon Levy et d’Akiva Eldar, dont, à l’opposé, les Amis Belges de Shalom Archav ne parlent jamais -,  Gérard Eizenberg donc, nous propose un article de Ha’aretz consacré aux enfants de Sderot et intitulé Les enfants de Sderot ne veulent plus rentrer chez eux. Il l’accompagne du chapeau suivant : Bienvenue dans l'enfer de Sderot : ses Qassam, ses enfants terrorisés, sa pauvreté, ses services publics déficients, et un milliardaire louche qui en profite pour s'acheter une popularité.

Ce milliardaire louche s’appelle Anatoli Gaydamak ; il est recherché par Interpol pour vente illicite d'armes et autres joyeusetés. Installé en Israël, il s'est offert le club de football du Beitar Jerusalem. Et récemment, il a pris l'initiative d'offrir aux enfants de Sderot des vacances à Eilat.

L’article de Ha’aretz nous parle des peurs et des traumatismes subis par les enfants de Sderot suite aux tirs incessants de Qassam qui s’abattent aveuglément sur la ville, et donc aussi sur les écoles. Beaucoup d’enfants ont profité de l’offre d’Anatoli Gaydamak et se trouvent aujourd’hui à Eilat : Hier (19 novembre), personne ne pouvait dire combien d'enfants étaient à Eilat. Le président de l'association des parents d'élèves estimait leur nombre à 2.000, la mairie pariait sur 300, et le ministère de l'éducation avançait que 1.000 élèves se trouvaient à Eilat, sans aucun cadre scolaire. Certaines sources au ministère affirment que des inspecteurs ont été envoyés pour essayer d'arranger les choses, superviser les élèves et, si possible, les ramener à Sderot.

L’article cite également des témoignages ; celui d’Eli notamment qui ne veut pas rentrer à Sderot : "Si je pouvais, je quitterais la ville. Je n'en peux plus d'avoir peur qu'une Qassam me tombe dessus." Beaucoup d'autres enfants ne veulent pas non plus retourner à Sderot. L'un dit : "on ne peut pas apprendre grand chose à l'école, parce qu'il y a tout le temps des alertes. Ce qui fait le plus peur, c'est sur le chemin de l'école, parce que là, on pense toujours : où vais-je bien pouvoir me cacher ?" Et plus loin : Dina Hadad,dont 80% des classes sont déjà protégées, dit que la récente escalade a provoqué une violence accrue à l'école et un retard dans le programme scolaire. Sa responsabilité envers les enfants en cas de tirs de Qassam l'empêche de dormir : "Cela fait trois semaines que nous ne les avons pas emmenés à l'extérieur pour qu'ils aient un peu de répit. L'école est une cocotte-minute et personne ne sait quand elle explosera. A la fin de la journée, je me dépêche de mettre les enfants dans les bus, et je me dis : merci mon Dieu, la journée est finie. Et puis, je commence à m'inquiéter pour le lendemain."

Alors oui, comme le souligne Gérard Eizenberg, Sderot est devenu un enfer pour ces enfants. Et leur sort m’émeut profondément.

Mais je me dis aussi, que peut-être, oui peut-être, si l’opinion publique et les médias israéliens s’étaient aussi unanimement émus de l’enfer vécu par les enfants palestiniens terrorisés par les bombardements, par le bruit incessant des hélicoptères, par la destruction de leurs maisons, sans compter qu’ils ne disposent ni d’abris ni de paisibles plages pour s’y réfugier, oui, si les médias et l’opinion publique israéliens avaient interpellé leur gouvernement pour lui dire qu’il fallait que cela cesse, je me dis que peut-être, oui peut-être, les enfants de Sderot n’auraient jamais eu à craindre d’être la cible de Qassam.

Libérez les prisonniers, mais seulement les Israéliens…

Le 29 novembre devait avoir lieu (et il a plus que probablement eu lieu) un grand rassemblement au Rond Point Schuman, face aux Communautés européennes, pour la libération des trois soldats israéliens, Ehoud Goldwasser et Eldad Regev, enlevés le 12 juillet par le Hezbollah, et Gilad Shalit, enlevé quant à lui le 25 juin par un groupe armé palestinien.

L’appel à ce rassemblement, intitulé Qui se préoccupe du sort des trois soldats israéliens enlevés ? était lancé par SIONA, le Congrès Juif Européen, le CRIF, le B'NAI BRITH, la WIZO, le CCOJB, l’Organisation sioniste de Belgique, et le Forum, et commençait par ce préambule : Toutes les communautés juives des pays de l'Union européenne se sont associées à cette manifestation humanitaire qui se déroulera en présence de nombreuses personnalités.

Toutes les Communautés juives peut-être, mais pas toutes les composantes de ces Communautés, puisqu’aucune des organisations membres, et l’UPJB l’est, du Réseau des Juifs Européens pour une Paix juste ne s’y était ralliée.

Si nous ne nous y sommes pas ralliés ce n’est pas parce que nous sommes insensibles au sort des trois soldats israéliens. Bien au contraire. Nous souhaitons de toutes nos forces qu’ils soient au plus vite rendus à leurs familles.

Mais il y avait quelque chose d’indécent dans cet appel à un grand rassemblement destiné à interpeller l’Union Européenne, que l’on vilipende allègrement par ailleurs, pour qu’elle intervienne en faveur de la libération des trois soldats israéliens ; quelque chose d’indécent aussi à souligner qu’Israël respecte les dispositions de la Résolution 1701 du Conseil de Sécurité de l’ONU - une Résolution taillée sur mesure pour lui permettre de se sortir du bourbier libanais sans trop perdre la face - en prenant bien soin de passer sous silence toutes les Résolutions de ce même Conseil de sécurité relatives au conflit israélo-palestinien qu’Israël ignore superbement depuis des décennies.

Et je me dis que peut-être, oui peut-être, si l’opinion publique israélienne, si toutes les Communautés juives des pays de l’Union Européenne s’étaient aussi unanimement émues du sort des milliers de Palestiniens, hommes, femmes et mineurs d’âge, qui croupissent dans les prisons israéliennes, pour la plupart sans le moindre chef d’inculpation ni, à fortiori, de jugement, oui, je me dis que si l’opinion publique israélienne, si l’ensemble des Communautés juives des pays de l’UE, avaient interpellé le gouvernement israélien pour lui dire qu’il fallait que cela cesse, alors peut-être, oui peut-être, Ehoud Goldwasser, Eldad Regev et Gilad Shalit n’auraient-ils jamais été enlevés.

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